Tiens tiens. Brett Anderson est de retour sur le devant de la scène. On n’en dit pas plus, notre érudit dissèque ce nouvel album.
Dieu qu’elles semblent loin les années fastes de Suede pour Brett Anderson. Alors que son ex-guitariste Bernard Butler est au sommet de la vague (il est aujourd’hui devenu l’un des producteurs les plus demandés en Angleterre), Brett, lui, erre de minuscule maison de disques en minuscule maison de disques pour pouvoir sortir ses albums solo. Lesquels sont pourtant absolument remarquables. Ce SLOW ATTACK, qui vient tout juste de sortir, ne fait pas exception à la règle.
On avait quitté Brett l’an dernier avec un disque sublime, ultra-mélancolique et minimal (les seuls instruments joués, en plus de sa voix, étaient une guitare acoustique, un piano et un violoncelle, point final), WILDERNESS. Il nous revient ce coup-ci avec un disque sublime, ultra-mélancolique et riche. Brett, cette fois, est allé rechercher (du moins pour certains morceaux) un batteur et un bassiste. Il a également engagé tout un tas d’autres musiciens (violoniste, clarinettiste, etc) qui viennent embellir à leur manière les chansons. Lesquelles chansons sont, pour beaucoup d’entre elles, à tomber à la renverse de beauté. Il est marrant aujourd’hui, pour les vieux briscards comme moi, de se rappeler à quel point, dans les premières années de Suede, Brett Anderson avait déjà des idées de composition excellentes, mais que sans Bernard Butler ou Richard Oakes pour l’aider à les charpenter, il ne semblait pas capable de sortir seul une chanson vraiment mémorable. Ce temps est donc aujourd’hui totalement révolu. Brett Anderson est désormais l’un des plus grands compositeurs de la planète. Dans sa catégorie, en dehors de Paul McCartney (quand il décide de s’y mettre), David Bowie, Damon Albarn, Morrissey ou Jarvis Cocker (quand il n’a pas l’idée incongrue de faire du hard rock), il n’y a vraiment pas grand monde.
Qu’elles semblent loin les années fastes de Suede
Certaines des chansons de ce disque (au hasard les trois premières), sont tellement belles qu’il faut parfois quasiment se pincer pour le croire. A plus de 40 ans désormais, on pourrait aussi penser que Brett pourrait désormais totalement se reposer sur ses lauriers et se contenter à chaque album de faire du Brett Anderson. Il n’en est rien. Si ses chansons sont toujours, stylistiquement, identifiables à la première seconde, il continue à nous surprendre par des compositions et des arrangements qui savent être aventureux (« Summer », « The Swans »).
Pour la première fois depuis A NEW MORNING (le dernier Suede en 2002), il y a néanmoins deux-trois chansons vraiment en dessous ici. Un soupçon de remplissage oserait-on même dire. Mais le reste est suffisamment impressionnant pour passer outre. Brett semble avoir quitté définitivement l’univers du rock, de la pop, du glam ou de tout ce qu’on veut. Aujourd’hui il creuse vraiment son sillon à lui tout seul dans son coin, et on peut dire désormais que sa musique ne ressemble vraiment pas à grand chose d’autre de connu sur terre. Brett évolue désormais quelque part entre l’univers du singer-songwriter, la musique classique et la musique contemporaine. Mais dans une veine toujours accessible à toute personne ayant un cerveau entre les oreilles et un cœur qui bat dans la poitrine. Un très, très, très beau disque tellement en dehors de toutes les modes qu’il ne vendra rien du tout, mais qui fera le bonheur absolu de tous ceux qui feront l’effort de l’écouter. Quel talent !