Du quidam londonien branchouillé 70’s au vieux routinier du milieu, tous s’étaient donnés le mot pour cette dixième édition du Primavera. Une année anniversaire qui s’est joué à guichet fermé

Primavera

 « Oune cervessa per favor, avec ça, tu vas partout en
Espagne », me rassurait un bon copain avant mon départ pour la péninsule
ibérique. « Chouette, un voyage et un festival bien tranquille », me
disais-je. Faux, tout faux ! Entre les emmerdes à l’hôtel, dans la chambre
d’hôtel, avec les banques et tout le tsoin-tsoin, une petite révision n’aurait
pas été superflue. ‘Fin Bref, on est là pour parler musique, non ?

Du quidam londonien branchouillé 70’s au vieux routinier du milieu,
tous s’étaient donnés le mot pour cette dixième édition du Primavera. Une année
anniversaire qui s’est joué à guichet fermé, avec près de 100’000 spectateurs
sur trois jours. Noirs de monde, le Parc Del Forum, le Parc Joan Miro,
l’Auditorium, ainsi que différentes salles de la cité catalane, ont été les
théâtres d’un vaste marathon musical, avec plus de 240 performances sur pas
moins d’une dizaine de scène. De mon côté, je n’ai pas forcé la consommation
avec une trentaine de concerts à mon actif (pfiou !). Au final, un bilan
positif et une bonne prise de température de la programmation de cette
référence festivalière. Et, tout le temps pour vérifier que le mythe sur les
anglaises en mini n’en est pas un. Et, la prog’ dans tout ça ? Il y en avait pour tous les goûts.
Du vieux légumineux 90’s recyclés aux jeunes pousses pop-rock. Et, la tendance
générale donne un retour gagnant du rock à guitare, saignant, tendu et coloré
de préférence. Real Estate grand vainqueur, toute catégorie confondue.

Jeudi 27 mai

Après un très très longue promenade sur l’avenue Diagonale, rue
interminable qui mène au Prima’. Mon pote et moi débarquons à l’entrée du
festival. A 16h30, l’attente n’est pas longue. Comme des gosses, on se promène
au milieu des scènes encore désertées, dégainons les appareils photos, prenons
la pause. Moment gland passé, on se pointe à l’Adidas Stage, petite scène sympa
ouverte sur la mer. Les chevelus brésiliens de Macaco Bong s’éclatent gentiment avec leur rock acoustique, sympa.
Petit passage au stand bière et escale à la scène Pitchfork, où garage-rock et
country bien sale dominent le set de Sic
Alps
. Dans l’assemblée ça se dandine. Intéressant, mais au final, le public
semble surtout attendre les Floridiens de Surfer
Blood
. Posté au premier rang, je glandouille accroché aux barrières aux
côtés de deux britanniques à grosses lunettes Ray Ban rouge. On papote. C’est
quoi ton must? « Surfer Blood, all the rest sucks », me dit-il. Enthousiasmé par leur premier né, “Astro Coast”, j’attends de pied ferme la formation menée par John
Paul Pitts. Malheureusement, les jeunes américains manquent de constance et de
coffre(en particulier au niveau vocal, ce qui n’est qu’une demi-surprise,
puisque les vidéos le laissait deviner), le son pèche la moindre. Passons.
Petit passage devant The Fall et un
Mark E. Smith complètement stone. Vivement le Pully For Noise. On file jusqu’à
l’ATP pour Circulatory System, qui
m’a été recommandé par un ami. Bof bof. Trois titres plus tard, je mets les
voiles, direction la scène Ray Ban (oui, les lunettes ont aussi leur scène) et The XX. Je me laisse vite capter par “Crystallised”. Dans la fosse, c’est la
folie. Ca s’enchaîne, dans le dépouillement le plus totale, c’est froid, sans
sentiment, vite ennuyeux, et moi, j’ai faim. Direction le stand kebab, où ça
tchatche à n’en plus finir.

Anglaises gueulardes

On arrive tout juste pour se prendre une belle place aux barrières
pour Broken Social Scene. Assises
par terre, des anglaises gueulardes, bourrées et chiantes (il est à peine 23h)
commencent à nous pourrir la soirée. Tout se calme quand Kevin Drew et tout le
crew se pointe. Ouvrant avec des morceaux de Spirit if et quelques perles (“Forced
to Love”
, “Texico Bitches”, “All to All”, “Art House Director“) de l’excellent “Forgiveness Rock Record”. Les Canadiens mettent le feu, mais le
soufflet retombe vite. Les pitreries et les kicks de Brendan Canning, le
passage d’Owen Palett n’y feront rien, on s’ennuie salement sur la seconde
partie de concert. A vrai dire, ces démonstrations à masquer les carences
musicales en sont presque navrantes, si ce n’est agaçantes. Il manque tout
simplement des bons morceaux à cette set-list. Nouvelle pause pipi et détour par la San Miguel Stage. C’est
l’émeute pour Pavement (photo). Moi, je sens
surtout le vieux truc éventé. Bon garçon ouvert que je suis, j’ai pourtant tenu
près de cinq titres. Après avoir perdu un temps fou dans la cohue, j’arrive
pour The Books et un ultime morceau
génial. « C’était génial », me confirme un ami. Je ronge mon frein.
Dernier passage pour Apse, mais
c’est tellement foireux et dissonant que l’on se tire en vitesse. Et puis, leur
chanteur emo-androgyne fout un peu les boules. On s’arrête devant Fuck Buttons, ça tape, ça hurle. Il est
l’heure d’aller se coucher.

Vendredi 28 mai

Notre journée commence bien tôt, avec une jolie queue sous le
magnifique porche de l’Auditorium. Une petite demi-heure d’attente et ça
sprinte pour Owen Palett. Dans
l’immense salle (3000 places tout de même), il fait frisquet, mais le
violoniste à la feuille d’érable réchauffe vite l’atmosphère. Sa reprise du
tubesque “Odessa”, signés par ses
compatriotes Caribou finit d’échauder l’atmosphère. Une heure et un rappel plus
tard, le public est debout. On a adoré. Les places sont gardées et Hope Sandoval & the Warm Inventions
s’installent. Je me laisse vite bercer par l’ambiance intimiste et câline du
concert, de la folk un brin plus polie que Sophie Zelmani ou Emiliana Torrini.
Les visuels sont sympas, le son parfait. Le pied. Mais, pas le temps de
s’éterniser, on presse le pas vers la sortie en espérant avoir une place pour
pour Low. Vite oublié. Dehors, une
queue se traîne sur des dizaines de mètres. Merde pour ça. De retour dans l’enceinte du festival, on se plante devant Thee Oh Sees. Son nerveux et musique
charnelle, le groupe dont les qualités scéniques ne sont plus à vanter, sert
une jolie louche de garage rock psyché et presque math-rock. Sur scène, John
Dwyer fait le spectacle.

Le pied

On court jusqu’à Best
Coast
, juste pour entendre “Sun Was High (So Was I)”, mais pas question
de lambiner, u
n bout plus loin, Beak>
lance ses machines. On croche immédiatement. A force de “Backwell” ou “Pill”, le
combo de Geoff Barrow (on ne va pas vous faire l’offense de vous le présenter)
fonce avec groove dans son album. Excellent ! Une bière plus tard et je me
plante devant Cocorosie. Féérique et
mélancolique, la musique des sœurs Casady m’emporte aussitôt. Contre mon gré,
je m’arrache et fonce zyeuter un bout de Beach
House
. Trois morceaux, dont un “Used
to Be
” saccagé plus loin et je fuis. Musique stérile, toute dépourvue de
sexytude, sans âme, sans coffre, l’ensemble fait mal. Pour le coup, je suis
heureux de ne pas avoir de billet pour Montreux. Déçu, je file me réconforter
chez Here We Go Magic. Nouveau
passage au stand boissons et je pointe enfin devant Luke Temple, pile poil pour
entendre “Collector”. Hit en devenir
(il est annoncé sur leur prochain album, PIGEONS,
dont la sortie est annoncé pour juillet 2010), je me trémousse la moindre et
minaude quelques paroles. Juste le temps d’apprécier tout le potentiel du groupe,
car Wilco commence pas loin de là.
Grandiloquent, immense, Jeff Tweedy lance un show pop explosive, mêlant country
exigeante. Les anglais reprennent en chœur “Ashes
Of American Flag”
et “Jesus, Etc.
Succès total!

Samedi 29
mai

 Dernière
ligne droite dans ce marathon de concerts. Fatigué, je zappe Ganglians
et Circulatory System au Parc Joan Miro. Alors mon samedi commence
peinard avec Real Estate. La musique des natifs du New Jersey fleure bon
la Californie, son sable chaud, ses nénettes bronzées, dans la ligne direct de
Surfer Blood, The Drums ou Girls. Surf music ensoleillée, lo-fi rétro, guitare
gentiment réverbérée avec le soleil couchant à l’horizon. Bref, un moment sexy
et entraînant, avec en prime cinq nouvelles compos. Vivement le second essai
(un sentiment violemment confirmé par leur performances du lendemain au Parc
Joan Miro)! Un bout plus loin, Michael Rother et ses amis rejouent NEU!
Plus carré, électronique et binaire que Beak>, le set me laisse rapidement
sur ma faim. Faim, justement. Je m’envoie un kebab et me rend du côté d’Atlas
Sound
. A coup de délires cycliques, Bradford Cox déchaîne les foules. Plus
loin, on s’attarde devant Sian Alice Group et sa longiligne chanteuse à
jupe rouge affriolante. Dans un registre post-rock lancinant et intriguant,
d’excellente facture, la formation de Sian Ahem peine à rassembler. Normal, Florence
+ The Machine
se produit dans la même tranche. Et, contre toute envie, j’y
tente une oreille. Armée d’un crachoir doré, Florence Welch se trémousse dans
une robe vaporeuse. So kitsch! Gueularde et tapageuse, la « sorcière pop »
peine à séduire, quant elle n’agace pas purement et simplement.

 

Sorcière pop

La déception
passée, on se pose face à la mer et patientons sur les sbires de Grizzly
Bear
. De passage en Suisse, à la fin de l’année 2009, les quatre m’avaient
hautement séduits. Et, la magie est intacte. Un son un poil moins percutant et
un set un brin plus dans la surenchère n’y feront rien, on s’en prend plein la
vue. Un petit mal de dos s’installant, on sautille du côté de Built To Spill,
pour un digne revival indie 90’s. Morceaux riches et épiques, riffs bien
taillés, le groupe claque ses morceaux comme il faut. Je zappe mes passages
auprès des ingestes No Age et The Antlers, pour sauter
directement à Liquid Liquid. Oublié post-punk et musique de club des
débuts, le combo New-yorkais livre une relecture très groovy, à la rythmique
omniprésente, de ses morceaux, louchant volontiers du côté des eighties. Quoi
de mieux pour boucler un festival?

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