LIVE REPORT – Après la soirée un peu rock du mardi soir, nous continuons notre aventure au Paléo pour le reste de la semaine avec quelques concerts plus mainstream et tout public. Du Dôme aux sonorités balkaniques, en passant par l’électro de Belleville, la chanson française, le reggae, le rap et la pop, il y en a pour tous les goûts. Visite guidée, pensées libres et sélections subjectives.
Auteurs : Anthony et Diana
Comment aborder la suite de nos pérégrinations au Paléo ? On ne va pas vous faire des résumés interminables de concerts qui n’intéressent pas grand monde et on ne souhaite pas se plaindre continuellement du fait qu’il n’y ait plus de rock. Les billets s’arrachent en quelques minutes, les choix stratégiques des organisateurs et programmateurs s’avèrent donc judicieux. Un public plus jeune est ciblé, ça se voit, ça se remarque dans les concerts, même si on trouve au final toutes les générations confondues, de sept à soixante-dix-sept ans (gloire à Michel !).
Nous pouvons débuter notre tour d’horizon avec un peu de reggae. Et quoi de mieux qu’un Marley pour faire du reggae ! Julian est un des nombreux enfants du King de Kingston et a tout naturellement choisi la musique comme profession. Multi-instrumentiste, c’est accompagné de sa gratte qu’il fait danser le public de Nyon dans les effluves de tetrahydrocannabinol. Concert agréable qui tout naturellement monte en intensité avec les tubes du father « Exodus » et « One love » en fin de partie.
Après le reggae, parlons un peu de la chanson française féminine, qui a une place importante dans la prog. On traverse les générations avec d’un côté Zaho de Sagazan qui n’arrête pas de monter, monter, au-dessus des nuages et qui va peut-être réussir le Grand Chelem (Club Tent en 2023, Vega en 2024, Grande-Scène en 2025 ?). L’artiste française a délivré une prestation de haut vol pour un public complétement acquis à sa cause. D’un autre côté, il y a les artistes plus que confirmés, voire légendaires, comme Véronique Sanson. Alors certes, tout n’était pas parfait, mais on retiendra, la sincérité et l’émotion qui se dégage de la chanteuse. N’oublions pas Olivia Ruiz, qu’on a toujours suivi d’un œil depuis ses débuts et qu’on aime voir et revoir en live. Pour ce concert, la chanteuse a fait appel a une interprète en langue des signes qui a traduit tout le concert. Est-ce qu’il y avait des sourds à Paléo ? On ne sait pas, mais l’intension est louable et permet malgré tout qu’on en parle. C’est déjà ça. Citons encore Hoshi qui a bien cartonné sur la scène Vega. Un peu comme pour Sean Paul, c’était difficile d’accès, tant le public s’était regroupé pour aller écouter la chanteuse française. Hoshi n’a pas sa langue dans sa poche et l’a fait savoir à ses détracteurs et à ses « haters » qui l’insultent fréquemment sur les réseaux à cause de son homosexualité. Bravo à elle pour son courage et fuck aux haters, comme tous les majeurs tendus vers le ciel de Nyon.
On n’a pas trop l’habitude de parler de rap, mais cette année à Paléo, on ne pouvait pas y échapper. On va citer ceux qu’on a bien aimé, comme les vétérans de IAM, toujours aussi efficaces et communicatifs avec le public. Gims a aussi délivré une belle prestation, le jeune public était aux anges avec les nombreux tubes de l’artiste. Avec ses musiciens en live, il y a même une facette rock dans certains titres, avec solos de guitare électrique et grosse batterie. Et oui, on cherche du rock où on peut.
Dans les découvertes (pour nous, on n’est pas spécialiste) il y a Tsew The Kid, jeune rappeur français d’origine malgache, qui propose une musique soft, sincère et intelligente. Tout le contraire du concert de Booba, qui n’a pas du tout fait l’unanimité à Nyon. Personnage clivant comme le disent les organisateurs, certes Ok, mais qui n’aura pas donné grand-chose à son public (concert raccourci, clash, attitude hautaine). Au fond, c’est peut-être ça qu’attend le public, des concerts dont on parlera encore longtemps. Qui était là en 2000 quand Oasis s’est taillé de la scène après 15-20 minutes ? Mythique…
Comme vous le savez sans doute, chaque année dans le quartier du Village du Monde, il y a un invité pour la semaine et la scène du Dôme lui est consacrée. On peut donc manger, boire et découvrir un univers le temps d’une semaine. Alors certes, on fait un peu le tour des musiques du monde et au bout d’un moment on retrouve les mêmes. Cette année, place aux musiques balkaniques avec ses fanfares, trompettes, voix puissantes, danses et costumes traditionnels. Tout pour enchanter les yeux et oreilles des spectateurs, éblouis par cet univers agité, vivant, joyeux et grave à la fois. On citera le roumain Balkan Taksim qui nous a proposé une autre lecture des musiques traditionnelles avec une note psychédélique. Parlons également de Marina Satti, l’artiste qui ne nous a pas laissé indifférent pendant ce festival. Elle a mis l’ambiance sur la scène du Dôme avec sa musique crétane traditionnelle. On garde l’image d’une apparition digne d’une déesse grecque, qui nous a charmé avec son tambour et des chansons profondes venues d’ailleurs.
Au vu de sa renommée, le grand et spectaculaire Goran Bregovic avait une scène un peu plus grande que le Dôme et a donc joué le dimanche après-midi sur la belle scène de Véga. Son public ne l’a pas oublié, sa musique n’a pas vieilli d’un poil. Toujours vivante, authentique et perçante. Une musique dans laquelle l’âme humaine s’aperçoit : brute, sans filtre, dans sa complexité accablante. Pour preuve, lorsque les chanteuses entament le splendide « Ederlezi », c’est un pur frisson qui touche le public de la plaine de l’Asse. C’est pour cela que Maître Goran reste un grand représentant de l’univers musical balkanique, qui est l’expression de cette grande fragilité du cœur humain.
Dans un registre plus pop et plus large, il y a eu également beaucoup de choses. Le gracieux Sam Smith a placé la barre très haute en début de semaine. Nuit Incolore (from Switzerland) s’est bien éclaté sur la scène de Vega. Caravan Palace fait swinguer Et c’est l’inclassable Mika qui a eu l’honneur d’enchainer derrière le spectacle de drones et de clôturer cette 47ème édition du festival. Cet artiste aux multiples facettes et cultures change de costume comme il change de langues. Il parle en anglais, en français, en italien et s’essaie même en allemand et montre à son public que ce n’est pas la langue dans laquelle on parle qui compte, c’est le message qu’on porte. On ne peut que saluer l’esprit espiègle, joueur de l’artiste, son audace et sa joie de vivre. Il danse, il va à la rencontre de son public (bravo au monsieur qui l’a porté 10 minutes sur ses épaules), il est partout à la fois, toujours porté par cet élan d’unification. Son message est toujours le même : peu importe d’où tu viens, la langue que tu parles, tes blessures ou tes fardeaux, il y aura toujours une place pour toi à ses concerts. Mika régale son public en enchaînant ses nombreux tubes (Big Girl, Relax, C’est la Vie, Elle me dit, Grace Kelly, Love Today) dans une ambiance survoltée. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas Mika, il faut reconnaître le côté show man de l’artiste et la qualité du spectacle proposée avec tout ce que ça comporte.
Citons enfin hors catégorie, 52 minutes en concert, pour un moment helvético-comique. Les 2 Vincent et la pléiade d’humoristes qui les accompagnent (Yann Marguet, Thomas Wiesel, David Castello Lopez, Blaise Bersinger, Yoann Provenzano, Priscilla Formaz, Faustine Jenny, Mila de Meyer) ont concocté un spectacle unique pour cette soirée nyonnaise. Humour, musique, parodie, le public a pu retrouver quelques figures emblématiques des sketchs favoris des 2 Vincent.
Que retenir de cette 47ème édition ? Les organisateurs ont le sourire avec une édition radieuse, avec du beau temps toute la semaine et aucun incident majeur à déplorer. Les billets s’arrachent en quelques minutes, tout est organisé à la perfection et ça roule du début à la fin. Nouveauté cette année, un spectacle de drones a remplacé le feu d’artifice. Le public bien placé devant la Grande Scène avant Mika n’a pas pu en profiter, masqué par l’estrade et les balcons VIP. On ne peut pas tout avoir non plus ! Et les sifflets se sont fait entendre. Néanmoins cela a permis de voir quelque chose de vraiment nouveau. Les mauvaises langues ont tendance à dire que la programmation n’apporte vraiment rien de nouveau d’année en année. Cette prise de risque avec le spectacle de drones a le mérite de sortir les organisateur de leur zone de confort. On se retrouve avec le même sentiment chaque année, on se réjouit de découvrir la future programmation et on rêve en secret de certains noms qu’on ne retrouvera pas. Mais on retournera à Paléo, car c’est comme ça.