jeudi , 12 décembre 2024

Paléo 2015, samedi

En ce samedi, on patauge encore un peu et malgré les copeaux de bois, certaines scènes sont encore bien boueuses. Conséquence des pluies de ces derniers jours, le temps est plutôt frisquet et bon nombre de festivaliers ont sorti les vestes sitôt le soleil couché. On commence gentiment la soirée par Yellow Teeth un quintet country folk qui n’aurait pas déplu aux esthètes du genre que sont les Texans. Tout y est même les chemises improbables. D’ailleurs, Tiziano Zandonella, le chanteur, ne s’y trompe pas et place une pique à ce propos et l’affaire Benjamin Biolay. Très vite on se sent emmené dans cet imaginaire western avec tous ses clichés.

Mais il est bientôt l’heure d’aller se mettre en place pour aller écouter Joan Baez. Et la voilà, elle, l’icône contestataire des années 60-70, elle qui a lancé un certain Robert Zimmerman et son “Blowin’ in the Wind”, qui a accompagné le Docteur King durant la marche sur Washington, et qui a surtout montré que musique et combat politique pouvaient travailler ensemble à changer le monde. Force est de constater que qu’elle est toujours là, à 74 ans, avec sa guitare et c’est seule qu’elle entre en scène pour chanter “Farewell Angelina”. La foule, malgré qu’il soit encore tôt, est très nombreuse à être venue l’écouter. Elle tente quelques mots français pour nous parler de ses chansons entremêlant ses paroles d’anglais lorsque c’est nécessaire : le tout n’étant pas toujours des plus compréhensible mais l’effort est là. Effort qu’elle poursuivra plus tard dans le concert lorsqu’elle chantera “Chanson pour l’Auvergnat” de Brassens. Entre temps, elle entonnera entre autres “God is God”, “Silver Dagger”, “Me and Bobby McGee”, “Diamonds and Rust” et “House of the Rising Sun”. La voix est toujours là : du diamant, pas de rouille chez cette femme – oui je sais c’était facile. Elle fera un petit clin d’œil à son Woodstock en comparant les deux festivals et la boue qui y était. Elle terminera par “Imagine” de John Lennon.

De suite on se déplace à la scène des Arches pour aller écouter la marraine du punk, Patti Smith. La légende du rock est venue interpréter HORSES, un album sorti il y a… quarante ans ! Quel jubilé ! Et la coïncidence la frappe elle aussi. Le public se masse aux Arches et reprend en cœur le refrain de “Gloria” par lequel elle entame le concert emmenant immédiatement le public avec elle. Ce dernier est aux anges : il saute, danse, chante. Il est aussi hypnotisé lorsqu’elle récite de la poésie façon beat generation. Rock et iconoclaste, la chanteuse a enchaîné avec énergie les titres et, tout comme le public, y a pris du plaisir. Puis arrive la face B de HORSES avec “Land” – intense – et aussi “Elegie”. C’est un moment d’une forte émotion que cette chanson rendant à la base hommage à son ami Jimi Hendrix auquel elle a ajouté une liste de tous ses amis disparus entre temps comme Lou Reed, Joe Strummer, Johnny Ramone, ou encore Robert Mapplethorpe. Cette chanson clôturant l’album, elle ne pouvait pas s’arrêter là-dessus : s’ensuit “People Have The Power” durant lequel Joan Beaz vient traverser la scène en dansant ! Et Patti Smith de s’exclamer : « She’s awesome ! » Et si cela devait être le gimmick de la soirée ? Pourquoi pas les deux, Patti et Joan sur la grande scène avec Robert Plant se prend-on à rêver… Et Patti Smith clôturera sur l’hymne punk “My Generation” de The Who. Durant ces deux titres elle exhorte les jeunes à changer les choses comme eux l’ont fait. A la fin, elle prend une guitare électrique, la fait hurler des larsens et commence à en arracher toute les cordes ! Punk’s not dead !

Transhumance immédiate vers la grande scène pour aller écouter une des plus grande légende des années 70 : Robert Plant. Avec les Sensational Space Shifters il revisite ses grands classiques. On aurait pu craindre un best of de Led Zeppelin mais si certains titres emblématiques sont bien là comme “Black Dog”, “Dazed and Confused” ou encore “Whole Lotta Love”, il s’agit surtout de clins d’œil. D’ailleurs quelle frustration de n’avoir eu droit qu’à deux complets de “Dazed and Confused”. Ce soir, l’icône se fait apôtre d’un blues rock ethnique et très riches en différentes sonorité. Le set peut se voir comme une biographie musicale de l’homme avec cette période dorée de rock star à une période où il se met plus au service de la musique qu’il aime. Il revisite ses tubes en les dépoussiérant avec ses potes des Sensational Space Shifters. Si certains dans l’audience intériorisaient leur expérience d’autres se montrent enthousiastes et le montrent avec ferveur. On citera “Turn it up”, “Rainbow”, “The Wanton Song”, “Spoonful”, “The Rain Song” – magnifique – et “No Place to Go”. Et alors que “Little Maggie” est bien avancée, voilà Joan Baez, qu’on attendait, traverse la scène en dansant. Robert Plant finira son concert avec une reprise d’un chant traditionnel “Satan Your Kingdom Must Come Down”. Il nous explique que c’est vers ce genre de chants que les jeunes de sa génération se tournaient alors en quête de salut. Et c’est sur “Rock’n Roll” que sa soirée se termine. On ne peut regretter qu’une chose de cette magnifique soirée, que les organisations strictes des concerts de nos jours laissent peu de place à l’improvisation : avoir un morceau avec Joan Baez, Patti Smith et Robert Plant aurait pu transformer cette soirée en la soirée d’anthologie ultime !

Après tous ces concerts, sans en perdre une miette, il est l’heure de se sustenter. Tant pis pour Fauve=/= pour lesquels une curiosité était là et on passera à côté de Charlie Winston. Par curiosité, un petit tour par le Détour en attendant les Coconut Kings pour aller écouter Kate Tempest. La jeune anglaise glisse entre poésie de rue et hip-hop trash. Elle possède un flow ayant peu d’égaux avec un fort renfort de english bass music. Autant dire que c’est brut et authentique et la jeune femme freestyle comme peu aujourd’hui.

Arrive enfin l’heure d’aller voir Coconut Kings, des Suisses, qui débarquent au Club Tent pour venir jouer ce qu’ils appellent, je cite, du Wild smokin’ and rockin’ rhythm’n’blues. Pour faire simple un mélange de rockabilly et de country blues. Très énergiques, ils retiennent les derniers festivaliers pas encore lassés du froid, ni intéressés par l’électro Siriusmodselektor aux Arches.

Voici qui clôt cette soirée riche en temps forts qui représente au mieux l’esprit rock’n folk aux prémices de ce festivals, souvent critiqué mais toujours apprécié – comme l’on fait remarqué les deux Vincents la veille – et s’il en a fallu pour satisfaire tous les goûts, chacun a pu y aller de son commentaire. Au final, si on en parle, que ce soit en bien ou pour le critiquer, c’est bien parce qu’on l’aime ce festival et que l’on va attendre fébrilement avril 2016 pour connaître la programmation de la prochaine édition. Comme chaque année on va spéculer sur qui on va avoir – PJ Harvey sort son nouvel album début 2016, je dis ça comme ça –, cracher du venin sur la programmation parce que l’artiste qu’on voulait voir ne viendra pas. Ou encore constater que certains habitués reviennent pour la nième fois mais qu’on va retourner les voir quand même.

Toujours est-il que cette semaine complète de concerts pour cet évènement a su trouver son public. Certes tout n’est pas rose et s’il y a eu quelques points mal vus, on y a fait de jolies découvertes et, comme à son habitude, le festival a laissé de la place à des artistes suisses et c’est tant mieux ! Alors bon anniversaire Paléo et, à l’année prochaine, on l’espère, pour de nouvelles chroniques.

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