Esben and The Witch

« Wash the sins not only the face » nous dit Esben and The Witch en prénommant ainsi sur le mode de l’injonction son nouvel album. Si la surface doit être polie l’intérieur aussi. Le groupe nous invite à un voyage introspectif qui se veut apparemment compliqué mais salutaire. Cette fois-ci et dans cette optique, le combo a décidé de faire de la musique comme on ferait de la philosophie, de la poésie et de la peinture en même temps. Sans étayer d’une analyse chaque titre, relevons seulement la couleur et la substance de ce parcours enchanteur et brumeux.

Ce que l’on peut dire de prime abord, c’est que cet album se veut à la fois liquide et aérien, mélancolique et triste, mais serein. La guitare, évanescente, est soutenue par un « delay » et une « reverb » qui font de chacune de ses notes une explosion douce, un miroitement, ou un effluve délicat. Jouant tant sur les arpèges que le note à note ou encore le tremolo post-rock, le guitariste nous emmène dans un univers hypnotique et envoutant, maussade et chaud. La voix douce, limpide et cristalline renforce la matérialité brumeuse de chaque titre à quoi s’ajoute une batterie soit binaire soit galopante, marquée ou fragile.

De manière générale on peut dire que le trio aime jouer sur les contrastes et les oppositions. Tantôt la guitare se fait étincelante alors que la rythmique se veut plus lourde. Tantôt les passages remplis et très mélodiques s’entrecroisent avec des espaces plus aérés. Le tempo d’un instrument se fera plus rapide alors qu’un autre jouera plus lentement et simultanément. L’une des grandes prouesses du groupe tient ainsi à créer un univers à la fois sombre et triste mais chaleureux. Les morceaux, extrêmement structurés, se veulent donc paradoxalement très légers et travaillés ce qui confère à l’auditeur une impression « d’immatérialité tangible ».

 

 

Ruissellement et miroitement perpétuels, les nouveau titres du combo nous plongent et nous envolent au milieu de nous même ou de l’infini espace – ce qui revient au même – au moyen de montées puissantes mais douces ainsi que d’une constante mise en écho de sons riches et variés. Esben and the Witch nous exhorte en somme à cerner l’obscurité et la tristesse qui peuvent nous habiter en raison de nos fautes mais surtout, à nous en défaire. Véritable cavalcade ponctuée d’essoufflements, de doutes, d’hésitations, cette introspection quasi mystique se conclut par une invitation à se lancer dans l’existence qui ne se veut ni noire ou blanche mais seulement un frôlement d’âmes.

C’est ainsi qu’après nous avoir hypnotisé, ramené au cœur de l’univers et de nous même, Esben and the Witch nous démontre le côté fragile mais intense de toute existence. Romantique mais pas décadent, lucide mais néanmoins serein, le trio de Brighton nous plonge dans un monde à la fois gothique et moderne, onirique et sombre (presque religieux) où le cosmos et le ciel se mélangent au liquide et au vaporeux de la terre. Cela pour créer une peinture musicale à la façon d’un Friedrich ou d’un Turner qui seraient nés au XXIe siècle dans une société postmoderne. On peut dans cette perspective affirmer sans hésitation que le combo réussit brillamment sa mutation, à faire évoluer son style. Cet opus, magistral et très abouti, mérite donc vraiment d’être possédé. Une très belle réussite.

 

About Author

Check Also

Judas Priest – Invicible Shield

Il y a tout juste un mois, sortait le 19ème album de Judas Priest. À …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *