C’est un public restreint, environ un tiers de la salle, mais fin connaisseur qui attendait Clap Your Hands Say Yeah, phénomène New-Yorkais dont le talent et la renomée-éclair ne sont plus à démontrer. À 21h précises, le groupe entre en scène et démarre un concert de facture minimale et quasiment sans interaction avec le public, pourtant constitué en majeure partie d’adeptes transis de la formation alternative. Sur "The Skin Of My Yellow Country Teeth" comme sur "In This Home On Ice", il était normal de voir les puristes perdre tout contrôle d’eux-mêmes pour s’adonner corps et âmes à une sorte d’extase épileptique. Le chanteur, Alec Ounsworth, chapeau vissé sur la tête et envolées lyriques si particulières a fourni ce que l’on était en droit d’attendre, sans débordement, mais avec brio. Durant la première demi-heure, ce sont les morceaux bien connus de l’album qui sont enchaînés et expédiés, couronnés par un magistral "Is This Love?". Une fois cette contrainte passée, le groupe se lâche dans des espèces de mi-morceaux, mi-jam session assez indéfinissables et d’une cohérence restreinte. Tous les instruments sont engagés, mais la formation ne donne aucun fil rouge au public, se perd dans des entre-chansons pas forcément passionnantes et finit par quitter la scène sous les hurlements et applaudissements de ses éternels irréductibles.
Il est curieux que le Miles Davis Hall ne se remplisse pas davantage, même pour Adam Green. Ce jeune songwriter au talent jamais démenti peine à se faire connaître en suisse-romande. Dommage, car ses mélodies tendrement entraînantes ou ses paroles ouvertement décalées en font un personnage unique, charismatique, drôle et pathétique. Adam Green joue avec son public, lui parle, le fait monter sur scène, et le couvre même d’insulte! Mais le personnage est tellement attachant que personne ne lui en tiendra rigueur. Et heureusement, car il reste gentiment fou et follement gentil. Toujours la bouche ouverte, il se plaint des caméras qui lui imposent une distance avec le public ("What’s the point in filming something that’s NOT happening?"), répond aux sollicitations et remarques de ses fans. Tout cela sous le regard un peu désabusé de ses musiciens, qui ont l’air assez ennuyés de ces constantes et plus ou moins innocentes pitreries.
Les morceaux joués sont nombreux et couvrent tous ses albums, avec une légère préférence pour Gemstones. "Nat King Cole", "Novotel", "Friends of Mine", "Carolina", "Bluebirds", "Hard to be a Girl", "Crackhouse Blues" etc… Montreux a même droit à une version acoustique du si licencieux "No Legs". Nous regretterons toutefois l’absence de "Bunny Ranch", "Drugs" ou "Hairy Woman". Adam Green est un chanteur aimé de son public. Sa nonchalance, son style dégingandé, son humour désintéressé ne manquent pas de conquérir le cœur des filles présentes, alors que ses morceaux salaces, sa voix de crooner désinvolte, ses arrangements très sixties ravissent le public masculin. Il sera rappelé deux fois sur scène, et applaudi longtemps après sa sortie définitive. Il ne reste plus qu’à espérer qu’après ce passage à Montreux, Adam Green puisse jouir de plus de notoriété dans nos contrées. Même si ça lui est égal, cela constituerait toujours un pas de plus dans la progression vers un certain bon goût musical déjà plus ancré outre-Sarine que dans l’arc lémanique.
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Photos ©Montreux Jazz Festival