Pully For Noise

 

L’annonce de la programmation du jeudi s’est faite attendre, de quoi faire les meilleures – et pires – hypothèses. Ce fut finalement The Raveonettes qui excita mon attention ; leurs prestations aux Docks (2007) et à Paléo (2008) pour défendre LUST LUST LUST sont de bien beaux souvenirs pavés de nappes psychédéliques. Mais ce n’est pas gagné, 2009 et 2011 voient leurs derniers marmots naître dans les bacs et c’est une déception franche, trop répétitifs, trop gentillets. Bref, on ne sait pas à quoi s’attendre.

Pour l’heure, Suuns s’approprie la grande scène. Depuis Arcade Fire, tout ce qui vient de Montréal semble se mouvoir dans une aura d’office sympathique et fascinante. Depuis la prestation tristounette – car incompréhensiblement chiante – de ces fers de lance au Montreux Jazz, tout ce qui vient de Montréal semble s’essouffler. Suuns n’y échappe pas. Est-ce la langueur de la chaleur qui a dépouillé leurs titres de la rage qu’on pouvait rencontrer sur ZEROES? Même les montées progressives ne sont plus agressives. "Sweet Nothing" s’éteint à la façon du soleil, qui se couche tôt à l’ombre de la forêt du patelin. Que faire après cette mise en jambe molle du genou ?

 

 

Très vite, la cuvette du Pully For Noise redevient notre petit chez soi. Les stands qu’on affectionne sont là, et l’organisation a tout prévu pour nous divertir jusqu’à tard dans la nuit. On fait volontiers l’impasse sur la scène de l’Abraxas où se produit la sélection helvétique du festival pour s’essayer à la silent disco : à choix, "Voyage, Voyage" de Desireless ou une house acidulée ? Ou encore l’human juke-box qui interprétera un titre de votre désir, comme un bon petit Daniel Johnston ? Si la programmation est sérieuse, l’ambiance du For Noise reste résolument bon enfant. Fini de rire, The Raveonettes s’annoncent. Dès les premiers titres, quelque chose cloche. Certes, les jolis tubes explosifs des deux premiers albums du duo danois – qui s’entichent de musicien-ne-s sur scène – sont défendus ce soir, ennivrant de leur son 50’s délinquant. Sune Rose Wagner est scotché au pieu par une hernie discale. Et enlevez à un duo sa gueule burinée masculine et vous perdez un joli atout dans votre manche. Certes, la blanche Sharin Foo se défend tout aussi bien à la guitare qu’à la basse et qu’au chant et on salue l’effort de ne pas avoir simplement annulé leur venue. Mais quand le set dérape sur les titres pop ennuyeux de IN AND OUT OF CONTROL et RAVEN IN THE GRAVE, il n’y a rien à faire. D’ailleurs, Sune Rose aurait-il contrebalancé cette platitude par sa présence ? Pas sûr.

 

 

L’arrivée de Guy Carvey sur la grande scène créé alors un énorme contraste. Le leader de Elbow se met le public dans la poche avec une facilité déconcertante, lui faisant hurler "Grounds for Divorce" et lui balançant un dernier album BUILD A ROCKET BOYS! qui certifie que le combo porte le flambeau de la pop britannique encore aujourd’hui. Et ça fait plaisir de leur décerner ce statut : autant  Guy  Carvey que le reste du groupe transpirent la joie de jouer pour nous, sont communicatifs sans se forcer et surfent avec nous sur cette voix formidable. Filmez, nous sourions. A ce stade-là, on croit avoir fini sa soirée. Je mens un peu là : je n’attendais que le set d’Überreel, pierre angulaire du label Rowboat dont on ne se remet pas qu’il soit né sur le même sol que nous. Je veux dire, avant on sortait « musique » et « Suisse » dans une même phrase, il y avait une vilaine chanson d’un type qui veut déjeuner tranquille qui surgissait à l’esprit. Alors merci. Avec trois têtes depuis récemment, Überreel sait finement allier une électro fraîche avec des nappes hyperdenses psychédéliques, de quoi se perdre dans un brouillard de sons venus du passé et du futur tout en savourant une mélodie bien pensée. Un titre de Pat/Did/Gab c’est une véritable stratégie dansante, un complot en faveur du déhanchement ; tu ne te dandines pas, tu t’irradies dans ces fresques moites de sueur et de couleurs lumineuses. Si l’Abraxas ne nous a que rarement habitués à un son exemplaire – Deerhunter en 2009 et My Heart Belongs To Cecilia Winter en 2010 en ont fait les frais – Überreel semble moduler à son bon plaisir n’importe quel espace. Bref, après plusieurs claques à répétition sur les scènes des festivals suisses cet été, on attend celle que va nous infliger leur premier album. Et comment on finit cette première soirée au Pully ? On danse, on danse sur Dj Tanguy (et Batman des Who) !

 

 

Le moment chaud du vendredi, c’était Wild Beasts. Comment se défaire de cet air hagard, de cette joie débile qui nous ont saisis lors de leur venue au Romandie il y a un an ? Le quatuor anglais venait enfin présenter sa bombe chez nous, ce somptueux TWO DANCERS, une suite cohérente de tubes, à la fois accessibles mais néanmoins réfléchis à boulet. Aujourd’hui on aura droit à Smother, le cadet : bien moins tubesque, mais toujours aérien, c’est avec lui que Wild Beasts entame son set, "Lion's Share" et "The Fun Powder Plot" en tête de liste. La nuit se lève et l’ambiance s’élève, une brume entoure les premiers rangs, tout sourire en coin ; Wild Beasts parvient à créer une complicité entre chaque badauds dans la fosse, avec ces refrains aux airs apparemment simplets (All The King’s Men), ces jeux de voix entre Hayden Thorpe et Tom Fleming, bonnets vissés sur la tête, osant des cris stridents qu’on s’étonne de supporter mais qui donnent toute leur puissance à des titres comme "We Still Got the Taste Dancin' On Our Tongues". Même mieux : on jubile avec eux. En fin de compte, les titres de SMOTHER sont de la même trempe que TWO DANCERS, exploitant avec efficacité les claviers, les cordes et cette batterie sèchement impressionnante.

 

 

J’ai sauté les étapes, avant ce feu d’artifice, tout de même un poil en dessous du concert du Romandie, la promiscuité y ayant favorisé un plongeon sans retenu, il y avait Twin Shadow. Jamais facile de commencer à 19 :00 sous un soleil généreux, les spectateur-trice-s préférant encore poser leur cul sur la petite colline surplombant le site. On est las, on est loin, dur d’apprécier la chaleur de Floride empaquetée dans des titres envoutants ; Twin Shadow n’aura pour moi que le rôle d’une bande-son, le premier rôle étant à la feignasserie sur l’herbe. Mais de tels morceaux difficiles, voire torturés, auraient eu droit à la douce lumière de la nuit. George Lewis Jr, américain, trempe dans le bon british 80’s, un synthé pop à en crever, du sophistiqué. Presque trop pour ce début de soirée. Plus tard, c’est Oy qui m’a surprise. J’en ai entendu parler de cette fille-là, l’an passé, elle en a fait du bruit. Elle en fait toujours et ce soir dans l’Abraxas. Ludique, culotée, sa musique est un petit plaisir qu’on aime à s’offrir en période de stress ou je ne sais quoi. Un charisme affolant, Oy balance ses bruits bizarres avec des joujoux divers dans cette petite salle et ce sont ses sons qui chauffent l’atmosphère, le tout créant des titres hip hop électro jouissifs, dont le visage devant nous suggère une autre érudite d’aujourd’hui, Janelle Monae. Grand plaisir d’être restée pour Oy, là je passe le flambeau, les jambes ne tiennent plus.

 

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