Par quoi commencer, sinon par le commencement. Cette édition 2015 est donc la dixième du genre, à cette occasion le festival se dote de moyens et de mesures exceptionnelles. Les actes de vandalisme perpétués début mai, obligent le staff à une plus grande rigueur, d’autant que les évènements parisiens de janvier – eux aussi – renforcent la méfiance des uns et des autres. Pour avoir échangé avec les différents services de sécurité, les gendarmes dépêchés sur place, le crew du Hellfest (les hommes en rouge) mais aussi les privés (les hommes en orange), je peux vous assurer que notre festival était dans de très bonnes mains.
Le temps est plus que favorable, il fait déjà chaud en ce vendredi matin, le ciel bleu nous promet un beau week-end (NDR ça va être un bel été !). En cette fin de matinée, un nombre incalculable de keupon crapahutent sur le site. Il faut dire que l’affiche de cette édition prête le flanc à la musique alternative, nous y reviendrons dans quelques instants. Le teint rougeau de certains festivaliers laisse à penser que la fête est déjà bien commencée.
Cette année le site a des allures de village rock. L’entrée au niveau du Hellcity Square et du Metal Corner est tout simplement somptueuse. Une fontaine, une chaussure Dr Martens géante, une voiture qui semble sortir du mur, tatoueurs, perceurs, goodies en tout genre, et entrée camping qui se voit amputée du fameux escalier de la discorde (ceux qui sont venus l’année dernière sauront de quoi je parle).
À l’entrée du site une zone World of Warcraft avec des personnages clés en grandeur nature et un peu plus loin un restaurant ainsi qu’un jeu de force où le but est simple : taper comme un âne avec une massue pour faire monter un poids vers une cloche. La classe !
Une fois la zone d’entrée franchie, on se rend compte que les décors sont SPLENDIDES. Cathédrale géante au niveau de l’espace fouille/concert et au sol, de l’herbe. Exit donc, les copeaux de bois et leur lot de poussière. Quel changement !
Ayant passé un temps pas possible à discuter avec le staff et à faire un tour complet du site en ce début d’après midi, les hostilités débutent à l’heure du goûter avec rien de moins que le légendaire Billy Idol. L’homme a la classe, jugez plutôt : 58 piges, visage buriné, pas un gramme de graisse et de magnifiques cheveux peroxydés coiffés à la brosse. La voix est un peu fausse par moment mais qui s’en soucie, c’est du rock comme dirait un certain Eddy ! Les tubes sont assénés avec conviction et c’est bien là l’essentiel. La maitrise du guitariste et ses faux airs de Nikky Sixx, notamment la coupe de cheveux corbeaux, les bagouzes ainsi qu’un batteur a la frappe de bucheron emmènent les « Flesh fo Fantasy », « Mony Mony » ou encore la reprise des Doors vers les chemins du succès. Le public adhère et le fait savoir puisqu’il entonne d’un seul homme les puissants refrains du britannique. Le son parfaitement réglé et le beau temps laissent présager le meilleur pour la suite.
Les rocambolesques Antrax ayant annulé leur venue début mai se sont les teutons de Sodom qui les remplacent. À vrai dire ça me va très bien. L’équipe germanique ne m’a jamais déçu (ce qui n’est pas le cas des ricains mais ça c’est une autre histoire) tant au niveau des albums qu’à celui de la constance de ses prestations. Le trash allemand du trio fait mouche et le bal démarre sur un « Amon the Weirdcong » du plus bel effet avec un backdrop du plus bel effet avec un bleu électrique qui se marie parfaitement avec les écrans géant ( et c’est peu dire !) qui délivre des images d’excellente qualité pour les festivaliers qui se trouvent au fond des mainstage. Rien à redire sur l’équipe d’Angelripper. Ici, c’est l’autoroute allemande sans limitation de vitesse ! Les titres filent et les excellents « Christ Passion » « Sodomy and Lust » ou encore « Stigmatized » sont interprétés sans fausses notes. On voit là les 35 ans de boutique. Rien à redire. Pour ceux qui auraient loupé cette prestation, séance de rattrapage sur Arte tv dans la rubrique concert.
Les rotations sont extraordinairement carrées. Le Hellfest est réglé comme un coucou suisse et nous avons à peine le temps de traverser de la Mainstage 2 à la 1, que Motorhead investit la place avec son désormais célèbre gimmick : « We are Motorhead and we play rock’n’roll ». C’est parti pour un « Shoot You in the Back » plutôt réservé qui cède rapidement la place aux classiques que sont « Damage Case » « Stay Clean » ou encore « Over the Top ». petite anecdote : l’autocollant estampillé No one is innocent sur la gratte de Phil fait son petit effet ! Je ne m’attarderai pas sur la set list qui me convient parfaitement, étant un fan inconditionnel du combo. En revanche, la santé de Lemmy est préoccupante. L’homme apparaît amaigri et fébrile, caché derrière ses lunettes d’aviateur, et reste quasiment mutique lorsqu’il ne chante pas, laissant ainsi la prise de parole à Phil Campbell pour combler les vides. Lemmy n’est pas de la première jeunesse, c’est un fait, 69 ans, souffrant depuis quelques temps de cette vie d’excès en tout genre. Mais voilà que quelque chose ne marche plus. La magie n’était pas au rendez-vous en cet fin d’après midi. Le public semblait pourtant heureux de voir sa légende pourtant quelque chose manquait. Quel dommage.
Il est temps pour votre serviteur d’aller se restaurer et se jeter une pinte car la journée est loin d’être terminée. Les choix culinaires sont immenses. Français, Chinois, Mexicians, Espagnols, Américains, Vegan, Bio, etc. Vous pouvez payer en euros ou avec la carte cashless qui remplace les jetons des autres années, peu importe, la nourriture est là et la bière aussi ! Les denrées sont meilleures que l’année dernière, moins grasses, le service est plus rapide aussi. L’organisation s’est donc considérablement améliorée. Chapeau donc.
D’où je suis, je peux parfaitement voir sur écran géant au niveau des tables de restauration et entendre le show des ricains de Lamb of God. Il me faut en dire quelques mots. Sur disque, la magie du groove-metalcore des virginiens fonctionne parfaitement. Le son est au poil. Sur scène, l’impression de brouhaha renforcée par un mix faisant honneur à l’excellente caisse claire de Chris Adler sème toutefois la confusion. Ceci étant, cela dépend un peu des titres proposées. Un morceau comme « Desolation » avec des parties très lourdes guitares/batterie est pénible à écouter. Des titres comme « Ruin » ou « Redneck » avec des parties très lancinantes marquées southern-rock à la Pantera (notamment pour l’intro et les couplets de « Redneck ») sont du plus bel effet. Le moins que l’on puisse dire c’est que le combo donne tout. Son frontman Randy Blythe transpire comme un bœuf et hurle à s’en déchirer les cordes vocales. Le bilan est donc plutôt positif, d’autant que l’énergie est au rendez-vous. Quand on se souvient du drame de 2012 en République Tchèque, on est content de voir le combo avec son chanteur Randy à ses côtés.
Lorsque qu’Alice Cooper investit la scène le ton est donné. En guise d’apéritif nous avons donc droit à un spectacle d’excellente qualité. Les décors sont de toute beauté les effets spéciaux grandioses. Au menu : décapitations, infirmières glauques, bondage, sang, et bien sur, une set liste à couper le souffle.
D’entrée de jeu, le son est parfait. Que dire de l’excellent et musculeux Glen Sobel, technicien hors paire que nos batteur connaissent et adoubent sans sourciller. Le spectacle est tout simplement bluffant. Alice chante mais surtout, il vit ses chansons « I’ll bit You face Off » ou encore « Feed My Frankenstein » où Alice se transforme en monstre géant après avoir été attaché et malmené sur une table de torture. « I love the Dead » ou Alice nous fait une démonstration de grimace assez inimaginable. L’homme réussi parfaitement à jouer de sa laideur, notamment due à son maquillage et ses horribles grimaces. Son air de poupée déglinguée et sa voix écorchée moitié glam moitié heavy font mouche. Et que dire du final « Poison », sinon que ce fut pour votre serviteur un très grand moment. C’est avec ce titre que j’ai découvert Alice – sur cassette – l’année de mes 13 ans grâce au « Président » de LOR !
5 Finger Death Punch combo californien se voit gratifié d’une place de choix puisqu’originellement prévu pour 19h40, les bougres se retrouvent placés juste avant le Priest. N’étant pas familier de ce groupe, je dois dire que je suis agréablement surpris par la performance alternative modern-metal du quintet.
Le charismatique Ivan Moody est très en voix et me fait penser à un certain Howard Jones dans ses alternances entre son chant hurlé et clair. Je n’y trouve rien à redire, le groove est là et les morceaux bien exécutés. Seul bémol, certains vieux briscards bougons et bavards, venus en masse pour célébrer qui vous savez, critiquent abondements, ces « jeunes cadors » qui n’ont « que » 10 ans de carrière. Une bonne performance, rien à redire.
Voici venu pour moi le moment de vous narrer le clou de cette journée. Lorsque le magnifique back drop Judas Priest tombe, le public découvre les héros. Je ne vous cache pas que de nombreux fans avaient les yeux mouillés.
Le cuir toujours le cuir. Rob arrive sur scène boitillant, canne à la main, tel un chaman émergeant de sa grotte, venu pour distribuer la bonne parole. Mais ne vous y trompez pas, l’homme joue, interprète, et habite carrément son personnage au son d’un « Dragonaut » heavy à souhait. Le succès s’enchainent à une vitesse folle « Metal Gods » « Victim of Changes » « Turbo Lover ». Les lights tronconnent la scène de pourpre, de jaune, de bleu, le public est à la botte des britanniques. Et voici venu le temps d’un moment plus grave, plus solennel, celui du fameux « Beyond the Realms of Death ». J’ai toujours eu l’impression qu’il y a avait quelque chose de spécial avec ce titre, d’ailleurs Halford le dit lui même « we gonna play a very special song for us ». À l’unisson dans la nuit clissonnaise, raisonne ce titre d’une très grande densité. Un moment magique.
La voix de Rob Halford monte dans les aigus descend dans les graves avec une facilité déconcertante. Quand à la paire de gratteux Tipton/Faulkner rien à redire. Le spectre de Downing ne rôde plus. Quand à la section rythmique Travis/Hill, c’est à se demander si ces gars n’ont pas un métronome greffé dans la tête. Le géant Travix exécute ses parties en tapant comme un sourd mais avec une finesse étonnante.
Le temps de deux rappels et d’un « Painkiller » très attendu, le groupe tire sa révérence et votre serviteur également.
Je m’arrête quelques instants sous la Temple histoire et suis immédiatement interpelé par ces cinglés de Shining. Impossible de résister à l’attraction de ces notes répétitives entrainantes hypnotiques de « The Madness and the Damage Done ». Le côté très déstructuré à la Dillinger draine le public et « The One Inside » passe comme une lettre à la poste. Le son est fort, très fort. Croyez moi c’est une expérience sonore que de se prendre deux notes dans les oreilles pendant plusieurs minutes. Qualifié par certain de free-jazz metal, j’ai l’impression d’assister à la fin du monde notamment lorsque raisonnent les notes de « My Dying Drive ». Munkeby affiche un sourire de pervers qui ferait fuir n’importe qui. Les parties de batterie sont assénées avec une rigueur déconcertante notamment lorsqu’on sait qu’il est presque 1H30 du mat’. Les norvégiens me font passer un moment étrange et visiblement je ne suis pas le seul. Au milieu de ce chaos sonore, un couple de suédois se hurlent dessus, s’engueulent comme du poisson pourri, et la musique du combo n’aidant pas à revenir au calme, j’ai l’impression que les gens autour de moi deviennent complétement fou. Le saxo de Munkeby est un supplice pour les oreilles mais on en redemande.
Ce groupe est une énigme qu’il vous faut voir ou revoir pour les ignares, grâce à Arte TV concert, vous ne le regretterez pas.
Fin de cette première journée il est presque 2h00 du mat’, le temps d’aller se coucher. La nuit sera courte, je le sais. #hellfestreport