Débuts du groupe en 2002, à Bordeaux. Le coup classique, vous vous rencontrez sur les bancs du lycée ou de la fac ?
Julien Perez (chant): Ouais, nous deux on s’est connu au lycée, on faisait de la musique depuis longtemps ensemble. Après les quatre autres membres sont plus vieux que nous, ils ont tous huit à dix ans de plus que nous. C’est à force de faire des groupes, de traîner dans les lieux de musique à Bordeaux qui sont assez restreints qu’on a connu ces mecs. On avait d’abord fait une démo à deux qu’on avait enregistré chez moi. On avait tous des groupes à côté et on s’était dit à l’époque que ça serait marrant de faire un groupe pop, puisqu’on faisait des trucs un peu plus durs. Adam Kesher était un peu au départ un side project pour faire des morceaux différents et finalement ça a pris le pas sur le reste.
Comment vous considériez-vous à l’époque face au parisianisme, quand on est un petit groupe de province?
Jérôme Alban (guitare): Au niveau de la musique, c’est pas tellement évident, c’est-à-dire que s’il y a des supers groupes qui passent uniquement à Paris. En Province il y a énormement de lieux, il y avait des tas de groupes qui passaient. C’est peut-être moins le cas aujourd’hui, je ne sais pas, Bordeaux était connue comme une ville particulièrement dynamique
Julien Perez: Au niveau de la scène, je pense qu’il y avait plus de groupes de rock bordelais que parisiens, des groupes qui pouvaient sortir un peu de la France. Paris c’est pas vraiment un ville rock finalement.
Vous agréez au fait de dire que ça a été monté de toutes pièces?
Julien Perez: Oui c’est clair
Jérôme Alban: Disons que c’est une ville un peu grande en fait pour qu’il y ait une véritable scène qui puisse se fédérer.
Parlons de votre premier album, sorti au mois d’avril, ça mache plutôt bien pour vous actuellement non?
Jérôme Alban: On a des super retours sur l’album, c’est génial.
Julien Perez: Maintenant on aimerait pouvoir sortir de France pour pouvoir exporter notre album dans d’autres pays. Et puis on aimerait aussi enregistrer rapidement un maxi pour janvier. On commence déjà à penser à ça.
Vous allez jouer à Dublin, pour une soirée du NME. On connaît leur amour pour les comparaisons invraisemblables entres les groupes. À qui est-ce que vous aimeriez être comparé si vous deviez figurer dans leurs pages?
Julien Perez: Dans les groupes actuels, Liars je dirais, pas tant au niveau des morceaux mais plus dans ce que représente ce groupe qui est assez libre et qui a su évoluer tout en gardant une identité. C’est quelque chose dans laquelle je me retrouve pas mal. Aussi beaucoup d’autres groupes new-yorkais de toute cette scène, mais aussi des trucs d’Atlanta comme Deerhunter ou Black Lips qui ne sont pas tellement comparés avec nous au niveau du son mais ce sont des groupes que l’on respecte énormément. En tout cas on serait plus portés vers des choses comme ça que tous les trucs à la Klaxons ou Hadouken ! dont on n’est pas super fans.
Vous allez ouvrir pour Sébastien Tellier. Est-ce quelqu’un qui vous inspire?
Julien Perez: C’est quelque chose qu’on aime beaucoup, il y a vraiment des choses supers dans les morceaux pop comme La Ritournelle ou certains morceaux sur le nouvel album. C’est un privilège de pouvoir jouer avec lui. Même si on n’a pas grand chose à voir, on se retrouve dans cette idée qu’on peut sortir de la France.
Vous insistez sur ce côté authentique. Le nom de groupe vient d’un film de Lynch, des influences comme Suicide ou Walter Benjamin. Vous dites sonner métaphoriquement comme «l’homme qui, pour des motifs d’apaisement et d’illusion, tente de s’interpréter lui-même sur le modèle de l’étant non humain, puis, qui, par l’expérience de l’angoisse assurant ce passage, va reconquérir son authenticité, et exister selon ses modalités propres et irréductibles.»
Julien Perez: (rires) Ouais, ça c’est une citation d’Heidegger, mais c’est plutôt anecdotique, c’est plus pour la blague.
Jérôme Alban: Il faut quand même être lucide, ce qu’on fait, ce n’est finalement que de la musique. Il faut ouvrir les yeux un peu sur soi. C’est très bien comme ça et si des gens s’y retrouve, eh bien c’est tant mieux. On ne peut pas changer le monde
Julien Perez: On aurait pu faire un autre style de musique, du psychédélique ou autre chose. Enfin là on fait de la pop, il faut être arrogant mais arrogant fun (rires). Faut pas être pompeux.
Votre album dévoile un bel artwork : des photos travaillées, un peu schizo, à l’image de vos morceaux.
Jérôme Alban: Cela fait un peu à l’ancienne, il y a un coté nineties, mettre des photos sur un disque, c’est quelque chose qu’on ne voit plus trop. Et puis, après on fait des CD, c’est vrai que ça nous emmerde un peu car nous aimerait bien faire du vinyl, on est très attaché aux objets. Mais partager nos photos est quelque chose de toujours très agréable.
Le deejaying, c’est quelque chose que vous faites souvent?
Julien Perez: C’est arrivé assez par hasard finalement, on aurait dû joué avec Klaxons. Ils avaient annulé leur live mais étaient venus pour faire un dj-set. On a donc aussi fait un dj-set, les gens ont pas mal croché, et voilà maintenant on nous appelle aussi pour en faire. On n’est pas du tout DJ, mais c’est vrai qu’on aime bien passer les disques qu’on aime.
Justement, quels seraient les trois-quatre titres pour débuter un dj-set?
Jérôme Alban: Ca c’est une bonne question les gars !
Julien Perez: Je pense le morceau Stay Trooper de Bruce Springsteen pour commencer, c’est cool. En fait ça ressemble à du Suicide avec juste une guitare acoustique et sa voix, c’est hyper glacial. Un titre qui figure sur Nebraska. C’est pas très dansant mais du coup ça te met un truc hyper bizarre dans les clubs quand tu as des gens excités et hyper guindés. Avec une telle musique ça glace bien l’ambiance (rires). Après des tubes de funk new-yorkais et des trucs un peu bourrins ou new-wave. Après forcément du Daft Punk. C’est pas hyper original de mettre ça en soirée, mais ça nous fait toujours plaisir. Des choses actuelles du label DFA, c’est excellent en soirée aussi.