Et dire que ce concert n’était pas un complet ! Pourtant ils sont rares ces live qui vous mettent en transe et emplissent vos cheveux de sueurs.

Crystal Castles

REVIEW Et dire que ce
concert n’était pas un complet ! Pourtant ils sont rares ces live qui vous
mettent en transe et emplissent vos cheveux de sueurs.


Rage, joie, désespoir, haine, plaisir

 

Bon je dirai quelques mots de la première partie : Male
Bonding. Le trio londonien est peut-être encore moins digne d’intérêt en live
que sur album. Leur punk californien dépourvu d’inventivité et d’émotion ne
mérite pas qu’on s’arrête plus longtemps sur cette formation de petits branchés
qui trouvent cool de jouer un truc réac. Passons à Crystal Castles. 24 heures après le concert difficile
de s’en remettre tellement ça tabassait et tellement voir ce groupe en live
c’est vivre un truc fort. Quand dans la plupart des concerts, on apprécie la
musique ou l’ambiance sympa, chez Crystal Castles y a vraiment une ambiance
très spéciale qui fait penser à l’esprit des concerts punk de 77. Il règne un
surplus d’émotions fortes : rage, joie, désespoir, haine, plaisir. Comme à
leur habitude, le duo, accompagné d’un batteur, fait attendre la salle plus de
45 minutes alors que tout est prêt. On se dit que c’est vraiment des petits
emmerdeurs. Puis soudain, un mec de Fri-son vient annoncer qu’Alice Glass était
à l’hôpital quelques heures plus tôt parce qu’elle a un truc pété au pied (j’ai
pas très bien compris quoi) mais que Crystal Castles vont quand même assurés le
concert. Et le moins que l’on puisse dire c’est la blessure était difficilement
visible. Alice Glass saute comme une furie dans tous les sens, se jette par
terre. Tous ceux qui traitent le groupe de poseurs ne les ont pas vu en live. Ethan
Kath et Alice Glass ne diront aucun mot au public, ne jouent jamais la
provocation facile mais donne tout avec une générosité presque suicidaire. Voir
chanter Alice Glass reste un des moments musicaux les plus forts actuels. Après
tous ces groupes qui demandent aux gens de taper dans les mains, qui font des
petites danses, comment ne pas être bouleversé par cette fille mi-terrorisée
mi-terrorisante, poupée diabolique aux yeux grands écarquillés, vivant sa
musique de tout son corps au point de paraître parfois se désarticuler,
s’appuyant sur sa bouteille d’alcool pour reprendre son souffle. Le public ne
peut l’ignorer ; et yo comme pouffe, emo comme clubbeur, tout le monde se
prend en pleine face cette violente décharge d’émotion et rentre dans une danse
furieuse sur le fil du rasoir entre plaisir et rage. On entre en transe, on
balance sa cigarette sur les rangs de devant.

Au delà de la présence corporelle juste hallucinante d’Alice
Glass, sa voix était audible, ce qui n’est pas toujours le cas. Cette voix on
la trouvait déjà habitée sur les deux albums de Crystal Castles. En concert,
elle est carrément déchainée. Elle ne triche pas. Elle ne joue pas. Sa voix est
un concentré d’émotions entre le cri de fureur et celui de l’oiseau blessé,
entre l’hystérie et l’effroi. Pour ce qui est des chansons du groupe qui
utilisent des effets de voix, on pourrait s’attendre à moins de puissance. Mais
il n’en est rien. En live, Alice Glass n’essaie pas de reproduire gentiment le
son de l’album mais chante avec autant de tripe avec un effet, ce qui a pour
effet de réhumaniser cette voix modifiée. A son côté, Ethan Kath reste immobile derrière sa table,
caché sous son capuchon, et envoie ses gros beats dévastateurs. C’est clair les
snobinards, les aristocrates de l’électro diront que ce n’est pas fin.
Exactement ce qu’aurait dit un glam en voyant les Ramones. Mais ce n’est pas la
finesse ou la beauté du son qui est cherché chez Crystal Castles. C’est la
force et la noirceur d’une énergie. Et ces beats carrés produisent un éventail
d’émotions proprement hallucinant. Toutes les chansons semblent être des hymnes
d’une génération tiraillée entre l’envie de se faire plaisir et le dégout d’une
époque où ce plaisir se borne à la consommation de biens prémâches, une
génération qui se tourne alors vers la force de la rage, de la mélancolie.
« Crimewave », remix de Health, reste une des meilleures chansons des
années 2000. Le public se déchaine sous les coups de butoirs des chansons tant
du premier (« Untrust Us », « Courtship Dating ») que du
tout récent second album (la monstrueuse « Baptism »). Au milieu de
ces chansons d’électro punk, viennent éclore les titres baignés de mélancolie
qui font toute la beauté de ce second album. « Empathy », quand même
boostée par rapport à la version de studio, et la très Mylène Farmer
« Celestica » seront deux grands moments de la soirée, où soudain la
foule aux cheveux plein de sueur semble danser sous l’effet du plus beau ralenti
cinématographique.

Alice Glass repart sur dos d’Ethan Kath et nous laisse
comblés. Après tant de concerts, où on ne fait qu’écouter, celui-ci on l’a vécu
au fond de nous. On en est ressortis tout chamboulés. Happés par la puissance
des beats d’un côté, touchés par l’émotion mélodique de l’autre, on a adoré
tout recevoir en pleine face.

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