Montreux Jazz Festival

Dans la soixantaine, les deux amis ont dès les années 1970 suivi un chemin spirituel analogue comme adeptes de la doctrine de leur maître feu Sri Chinmoy. En 1973, les deux guitaristes se retrouvaient pour créer LOVE, DEVOTION, SURRENDER, un disque qui, comme le dit Hal Miller dans l’édition de 2003, « can be viewed as both a tribute to John Coltrane and a musical expression of spiritual consciousness ». L’album, qui regroupe pour l’occasion des musiciens tous exceptionnels de Santana, du Mahavishnu Orchestra de John McLaughlin et du Tony Williams Lifetime, s’ouvre sur une reprise de Acknowledgement de John Coltrane rebaptisée A Love Supreme. Quelques mois plus tard, Santana enregistrera un nouvel album (WELCOME) sur lequel McLaughlin sera invité pour un envoûtant "Flame-Sky". L’époque incommensurable du jazz fusion débute, les styles se mélangent, les lignes de démarcation s’estompent, l’expérimentation est à son comble. L’énergie et l’excitation sont encore palpables dans ces enregistrements. John McLaughlin a traversé les décennies suivantes en cumulant les projets et les collaborations incroyables. Il fait partie des artistes qui ont très bien vieilli. On ne peut pas en dire autant de Carlos Santana…

 

 

Les deux amis, pour la première fois réunis sur une scène du Montreux Jazz Festival, viennent entourés d’invités séduisants. A l’une des batteries, Dennis Chambers qui a notamment joué avec les Funkadelic et collaboré avec nombre de musiciens de jazz comme Bill Evans, John Scofield, George Duke, Stanley Clarke, etc. La seconde batterie sera occupée par Cindy Blackman Santana. A la basse, on se réjouit d’entendre l’incroyable camerounais Etienne M’Bappe qui, signe indéniable de virtuosité, a déjà joué dans le Zawinul Syndicate, avec Steps Ahead, Jacques Higelin, etc. Raul Rekow est aux congas. Le percussionniste Karl Perazzo est aussi de la soirée ainsi que David K. Mathews qui a été le clavier de Tower of Power. Le collectif est complété par une troisième guitare et deux vocalistes.

 

 

Le concert débute sur "The Life Divine", morceau composé par Mahavishnu John McLaughlin pour l’album LOVE, DEVOTION, SURRENDER. Les deux batteries donnent d’entrée de jeu le ton d’un jazz fusion puissant mais peut-être plus proche d’un jazz rock. Dennis Chambers cogne lourd. Cindy Blackman amène la précision et le groove. La basse soutient les notes principales des accords. Les deux guitaristes peuvent savourer leur rencontre ensemble ou en alternance. On se dit que le concert sera peut-être ce que l’on espérait : un tribut d’une époque enflammée, plongé dans le passé, avec un Carlos Santana qui, sur scène avec son ami, redeviendra pour un temps le Santana d’il y a quarante ans.

 

Le second morceau, mielleux, tiède et ennuyant, se terminera sur une fin très rock et le public, largement dévolu à Carlos Santana, acclame son héros. Les deux guitaristes enchaîneront sur un rock-blues avant que Santana ne quitte la scène pour laisser McLaughlin jouer deux morceaux plus fusion. On se met à espérer à nouveau. Va-t-on avoir droit à du Mahavishnu des années 1970 ? La surprise vient surtout de la batteuse Cindy Blackman. Les coups sont puissants, précis et parsemés de surprises. Son groove et son punch sont indéniablement ce qui restera du concert. Si durant la soirée on se mettra à songer avec regrets aux musiciens qui jouaient avec Santana (notamment le duo Coster–Kermode aux claviers et Armando Peraza aux congas), Cindy Blackman, évidemment sans le faire oublier, est comme Michael Shrieve à l’époque : audacieuse, surprenante, excitante.

 

 

Un peu plus tard, le collectif à nouveau au complet reprendra le titre "The Creator has a Masterplan" du saxophoniste jazz Pharoah Sanders. Avec Raul Rewok aux congas, le morceau prend des couleurs latines. Santana prendra ensuite la parole pour un discours sur le bonheur qui ne manque pas de ravir un public désormais acquis aux théories pléthoriques du « développement personnel ». Les applaudissements déferlent. La scène se vide alors pour ne laisser plus que Santana et McLaughlin installés sur des chaises pour deux duos de guitare acoustique qui, sans arriver à la hauteur des trios de McLaughlin ou du Mahavishnu de Shakti, resteront comme un des grands moments de la soirée.

 

Le reste du concert sera davantage du Santana-en-veux-tu-en-voilà qui ravit largement le public. Le son est celui des années 1990. Avant une pause, Mathews, Rekow et M’Bappe auront chacun droit à un solo. Tout cela sonne bien réglé. Dommage. Dommage que Santana ne puisse pas intégrer davantage par exemple un bassiste de la classe de M’Bappe, comme l’a fait l’immense Joe Zawinul dans son Syndicate ou, seul dans une autre tournée, notre bien aimé Mahavishnu John McLaughlin.

 

 

Lors d’un rappel de trois morceaux, les musiciens joueront le fameux A love Supreme que le public ne semble par particulièrement connaître et on dira que l’article est déjà assez long et qu’on ne va pas commenter la performance de Claude Nobs à l’harmonica sur l’ultime titre du concert… On quitte l’incroyable Auditorium, on achète une petite bouteille d’eau à 5 francs (« oui Montreux c’est comme ça Monsieur ») et on court à la gare parce que les quais du Festival un vendredi soir c’est un peu comme un défilé de mode, une kermesse bondée et un supermarché réunis en un…

 

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