Notre époque veut qu’il est difficile de captiver sa cible avec une production quasiment dénuée de rythmiques, de refrains ou de gimmicks accrocheurs. Mélancolie, intimité et poésie sont pourtant les clés de la chanteuse et compositrice californienne. Julia Holter puise son inspiration dans les livres de sorcellerie et l’héritage de l’incontournable Nico. Avec ce deuxième album, elle lance ses filets dans les marécages brumeux décrits par EKSTASIS. Oui j’ai cédé, j’ai été pris au piège et si vous dépassez dix minutes d’écoute vous le serez aussi, sans aucun doute. Morphine incandescente, les plages sonores branchent progressivement notre cerveau sous perfusion. La magie douce opère au grès de quelques mélodies vocales bien trouvées. Tiré vers le fond, moins d’une heure en apnée, on en oublierait de respirer pour avaler chaque bulle sortant de la bouche de cette étrange sirène.
Indéniablement atmosphérique, le sentiment d’intemporalité est justifié car cet album s’ancre dans la mémoire des Anciens, qu’ils soient littéraires ou musiciens. Comme pour son premier album, TRAGEDY (2011), Julia Holter chante des paroles vieille de 2500 ans tirées de l’oeuvre du dramaturge grec Euripide. Des boutures volées à la féministe britannique Virginia Woolf et au poète américain Frank O’Hara participent aussi à l’extasiant EKSTASIS. Pour le son, l’héritage sombre et torturé de Nico hante l’album. Un brin de Jazz pimente quelques mroceaux à l’image de "This is Ekstasis". Plus que jamais la divine dramaturge confronte avec succès les claviers, samplers et autres inventions contemporaines chers à l’industrie de l’électro à leurs ancêtres saxophones, violons et contrebasses.
Entre la fragilité d’Agnès Obel et la mystique de Laurie Anderson, Julia Holter envoie sa plus belle bouteille à la mer. Un grand cru!