Il y a toujours eu un énorme malentendu entre Green Day et la critique rock. L’histoire remonte à l’explosion du groupe en 1994. Très vite, les trois Green Day ont été qualifiés de clowns, de « punks MTV »,

Green Day

Il y a toujours eu un énorme malentendu entre Green Day et la critique rock. L’histoire remonte à l’explosion du groupe en 1994. Très vite, les trois Green Day ont été qualifiés de clowns, de « punks MTV », et on leur a dénié tout crédit. Il faut dire que dans l’« intelligentsia rock » on ne plaisante pas avec le punk. Le punk c’est la vache sacrée de la critique. Le punk c’est sérieux. Le punk c’est sacré. Donc ces trois branleurs américains de 20 ans (à l’époque) qui venaient chanter leurs histoires marrantes de glande, de masturbation, de pipi-caca et d’haleine fétide, forcément, impossible de leur accorder la moindre considération. Pas de chance pour les critiques, DOOKIE, le fameux album de 94, était un excellent disque de power-pop survitaminée rempli de formidables chansons de 3 minutes aux mélodies imparables qui méritait bien mieux que le mépris.

Lors des trois disques suivants, le très sombre et métallique INSOMNIAC, l’éclectique NIMROD et le super pop WARNING, le crédit du groupe a remonté au fur et à mesure que ses ventes s’effondraient, selon le vieil adage de la critique, « moins un groupe vend plus on le trouve intéressant ». Et puis pas de chance, au moment où Green Day allait devenir respectable, un paquet de mômes qui avaient douze ans quand DOOKIE est sorti ont monté des groupes (Blink 182, Sum 41, Good Charlotte…) pompant honteusement la musique de cet album tout en l’aseptisant et ont obtenu un succès colossal. Pas plus cons que les autres, les trois Green Day ont décidé de profiter de cette vague pour revenir sur le devant de la scène avec un album très ambitieux, un quasi opéra-rock intitulé AMERICAN IDIOT. Honnêtement, AMERICAN IDIOT contenait un paquet d’excellentes chansons (Billy Joe Armstrong est un mélodiste hors pair), mais ces excellentes chansons étaient systématiquement gâchées par une production FM assez insupportable (la même que celle de Sum 41 ou Good Charlotte). Malgré tout ça a marché fort pour Green Day, c’est le moins que l’on puisse dire, puisque AMERICAN IDIOT s’est vendu à plus de 12 millions d’exemplaires dans le monde (faisant ainsi du groupe l’égal de U2 et Coldplay) et que même mon père de 60 ans a “Boulevard of Broken Dreams” et “Wake Me Up When September Ends” dans son iPod !

Quatre ans et demi après AMERICAN IDIOT, voici donc que sort 21st CENTURY BREAKDOWN. Comme son prédécesseur, ce disque se veut un opéra-rock, un album concept, ce que prouve d’ailleurs la petite rengaine acoustique qui ouvre l’album et que l’on retrouve au début de l’avant-dernier morceau ou ces deux chansons aux titres quasi identiques, “¡ Viva la Gloria !” et “¿Viva la Gloria ? (Little Girl)”. Et de ce point de vue, c’est totalement réussi : 21st CENTURY BREAKDOWN est le jumeau quasi parfait d’AMERICAN IDIOT. On y retrouve là aussi en deuxième plage un long morceau en plusieurs parties, il y a un mélange de chansons rapides très mélodiques (“Christian’s Inferno », “Murder City”, “The Static Age”), de ballades très mélodiques (“Last Night on Earth”, “Restless Heart Syndrome”), de chansons très mélodiques aux rythmiques très américaines (“Peacemaker”, “¿Viva la Gloria? (Little Girl)”), de morceaux très mélodiques qui changent de direction à mi-parcours (“¡ Viva la Gloria !”, “Before the Lobotomy”, “American Eulogy”). On l’aura compris, 21st CENTURY BREAKDOWN est un disque très… mélodique (même “East Jesus Nowhere” qui est basé sur un bon gros riff bien bourrin débouche sur un refrain pop). En ces temps d’illettrisme rock où quasiment plus personne ne sait écrire une mélodie (et où même, pire encore, une mélodie est quasiment perçue comme une compromission), ça fait plutôt plaisir. Globalement, il n’y a aucune chanson faible sur le disque, ce qui n’est pas un mince exploit quand on en sort dix-huit d’un coup comme ça.

Maintenant, 21st CENTURY BREAKDOWN souffre également à peu près des mêmes défauts qu’AMERICAN IDIOT. D’abord une production certainement beaucoup trop propre. Et puis si aucun morceau n’est faible, pas un n’est viscéralement vital non plus (rien ici n’approche de près ou de loin un “Basket Case”, un “Welcome to Paradise” ou même un “Geek Stink Breath”). Dommage. Si l’on veut par contre, on peut s’amuser à essayer de deviner quels seront les prochains tubes extrait du disque (et qui se retrouveront sur l’iPod de mon père). Perso, je parierais bien sur  “21 Guns” et son refrain en falsetto, sur le très Britpop “Restless Heart Syndrome” (sans blague, on dirait du Oasis !) ou la fausse ballade qui s’énerve, “Before the Lobotomy”, qui pourrait nous refaire le coup de “Wake Me Up When September Ends”.

Dernier point pour qui suit le groupe quasiment depuis ses débuts ; lassés visiblement d’être considérés comme des clowns punks, les trois Green Day poursuivent incontestablement avec ce 21st CENTURY BREAKDOWN leur entreprise de « respectabilisation ». Pour qui (âgé de 35 ans au moins) a encore en mémoire le bordel invraisemblable qu’ils avaient foutu sur la scène de Woodstock 1994 (une bataille de boue avec le public, l’intervention musclée des services d’ordre sur scène et le bassiste qui perd plusieurs dents dans la bataille), c’est à se demander quasiment s’il s’agit bien du même groupe. Finis donc les hymnes rigolos à la glande, à l’apathie et aux plaisirs adolescents, place à des chansons très politisées qui appellent clairement à l’action. C’est moins drôle mais c’est comme ça. Dans sa volonté d’être enfin considéré comme une formation importante, Green Day est même allé recherché dans son placard Butch Vig, l’homme responsable (en partie) du son de la dernière révolution rock en date, l’album NEVERMIND de Nirvana.

Au final, 21st CENTURY BREAKDOWN est plutôt un bon disque, solide, constant, mais à qui il manque quand même une étincelle de génie. Tous ceux qui ne jurent que par les clones anglais actuels de Clash, Joy Division et Echo & the Bunnymen seront horrifiés. Les vieux de la vieille hausseront les épaules (21st CENTURY BREAKDOWN est au TOMMY des Who ce que les années 2000 sont aux années 60 ; la forme y est mais le fond a totalement disparu). Et tous ceux qui avaient aimé AMERICAN IDIOT ronronneront de bonheur. A vous de choisir votre camp. Et que ceux qui considèrent Green Day comme un groupe pour gamins jettent une oreille sur DOOKIE.

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