Tom McRae en interview

La rencontre a lieu dans un couloir d’immeuble, au pied d’un escalier en colimaçon, on monte une table et des chaises empruntées aux quatre recoins de cet immeuble quelconque.  Tom McRae est simple comme bonjour, discret comme la nuit; il interrompt pêle-mêle son repas pour nous offrir quelques minutes d’aparté, à quelques minutes de son premier concert au Bleu Lézard.  Une rencontre impromptue avec Tom McRae, c’est la garantie de s'immiscer dans son quotidien, sa vie est ainsi faite d’improvisations continues, à l'instar de l'endroit où se déroule notre discussion. Son dernier album FROM THE LOWLANDS en est aussi la parfaite vulgarisation: «Mon album précédent, THE ALPHABET OF HURRICANES, aurait dû être un double album. Mais seulement voilà, les maisons de disques, ça n’aime pas les doubles-albums, c’est trop cher, qu’ils disent. Ou ça ne rapporte pas assez, devraient-ils dire.  Je me suis donc décidé à produire ce dernier album moi-même. Il y'a quelques années, cela n'aurait pas forcément passé vis-à-vis du public. Aujourd'hui par contre, les gens aiment les choses bricolées soi-même, l'artisanat, la débrouillardise et les musiciens qui innovent, loin des majors. Dans ce sens-là, cet album est une réussite, je pense»

L’Anglais parle ouvertement, le verbe clair et la parole honnête; l’intelligence du regard et la parole juste. Après la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark, l’Angleterre et la France, le voici donc en Suisse, pour deux dates au Bleu Lézard qui ponctuent presque sa tournée européenne. Quid de la Suisse, pour Tom McRae: «J’aime évidemment beaucoup ce pays. J’ai rencontré Claude Nobs en 2005 pour le Montreux Jazz, et cela m’a beaucoup marqué. C'était un homme extraordinaire. J’ai eu la chance de jouer au Paléo, aux Docks et au Rocking Chair avec mon groupe, sans oublier l'ouverture de Tori Amos. Pour cette tournée en solo, je voulais des endroits intimistes, personnels. J’ai franchement l’impression que Le Bleu Lézard est parfait pour cela

Dans le couloir de l'immeuble, la lumière s'éteint subitement. L'interrupteur automatique. On se lève pour rallumer, mais Tom interrompt poliment: «Inutile de rallumer, j'aime bien le calme et la tranquillité de la pénombre.» Seule la lumière naturelle pénètre désormais parmi les rangées de chaises, de cambouis et de poussière. Qu'il en soit ainsi, simple comme bonjour, Tom; discret dans la nuit: "Ce qu'il m'a manqué pour réussir une meilleure carrière? Peut-être un titre phare, quelque chose qui dépasse les frontières.  Au fil des années et après 15 ans de métier, je me suis rendu compte qu'au fond, j'allais rester le «petit secret» bien gardé des fans. Ça fait toujours bien d'apprécier un petit artiste indépendant, qu'on garde pour soi. Je connais pas mal d'artistes, des amis notamment, qui ont subitement connu la gloire. Mais ils ont dû changer pour s'adapter au milieu. Et ça franchement, ça ne m'intéresse plus du tout

Suivre la voie toute tracée, le droit chemin, non merci. Tom McRae use de Twitter pour exprimer ouvertement ses opinions politiques, certains en prennent pour leur grade, d'autres pâtissent sévère. Il fustige les parlementaires et les politiques anglais, démonte l'héritage laissé par Margaret Thatcher. Il écrit tout haut les pensées basses de chacun: «Pour moi, les réseaux sociaux, ce n'est pas simplement donner des dates de concert, publier quelques photos dans un langage préfabriqué. Il faut être honnête, spontané, différent, et surtout pertinent.  Le reste, les gens l'apprennent de toute manière par d’autres biais.» Résultat: Barack Obama le suit sur Twitter, mais on ne saura évidemment jamais s'il le suit pour la musique McRae ou les opinions politiques de Tom, mais qu'importe finalement, l’Anglais attise bel et bien la curiosité, lui, le petit secret, finalement pas si bien gardé.

La suite pour Tom McRae, c'est un nouvel album «certainement disponible fin 2014, voire 2015».  Entre-temps, le touche-à-tout anglais improvisera des pièces pour «des séries TV, des montages artistiques, sans compter quelques projets annexes sur lesquels je travaille actuellement, en parallèle de cette tournée. » Simple comme bonjour, mais discret comme la nuit, Tom n'en dira pas plus. Mais ajoutera qu’il poursuit sa carrière passionnément «L’échec personnel n’est pas une option chez moi. Je souhaite faire plus, accomplir plus, je veux devenir très bon dans ce que je fais.»

L'entretien se termine gentiment, l’Anglais pourrait facilement continuer des heures, on le sent, sa faconde est d'autant plus impressionnante qu'elle se conjugue dans un anglais incroyablement beau, léché, fluide, lyriquement superbe. On comprend dès lors sa facilité dans l'écriture et la composition, sans jamais forcer ses expressions. «Je ne fais pas de fixation sur les paroles de mes chansons, j'aime simplement lorsqu'elles sortent du plus profond de moi, qu'elles résonnent bien dans mon for intérieur, je ne cherche pas à faire de surenchère lyrique.»

Durant l'intégralité des deux heures de concert qui suivront, Tom McRae jouera avec ses tripes, avec son cœur, avec le public. De "Lately's All I Know" en ouverture au "Lord How Long" de clôture, de grands moments d'authenticité. Une salle comble qui accompagnera l'anglais tantôt en sifflotant lors de "The Strangest Land" ou en chantant "End Of The Worls News". Deux heures de partage, une guitare sublime qui accompagne simplement une voix idoine. Tom McRae, simple comme bonjour. Beau comme cette nuit au Bleu Lézard.

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