Wolfman

Quitte à vendre la mèche, affirmons sans plus attendre que ce premier opus est un petit bijou pour ne pas parler trop tôt de chef d’œuvre. Si le succès du duo était autrefois pressenti et presque programmé, aujourd’hui il ne fait aucun doute que nous avons affaire à des artistes de haut niveau dont le travail régale nos oreilles.

Globalement, Wolfman propose un large éventail de couleurs s’étalant tant du clair au sombre que du glacial au chaud tropical. Le duo peint des tableaux musicaux dont la richesse nous transporte dans un monde où les sentiments contradictoires se marient avec un naturel peu commun. L’auditeur est ainsi prisonnier d’un univers multi directionnel et hypnotique l’érotisme côtoyant la noirceur, la mélancolie la chaleur de l’été.

Le spleen se pare de sensualité et se fait dansant dans un voyage sidéral fait d’explosions et de comètes évanescentes qui laissent la place à des vides spectraux enchanteurs. La musique de Wolfman est ainsi à la fois forte et fugace, fragile et érotique, suppliante mais directrice, hypnotique et spatiale. L’électro qui se mêle à une voix riche en couleur, voire deux, est soutenue par une guitare folk-rock voir « bluesy » enrichie de percussions tantôt dynamiques tantôt minimalistes qui nous font faire ce voyage.

 C’est ainsi que "Eyes a fool" ouvre le bal de cette folie douce. Un beat electro à la fois sombre et presque martial introduit un léger filet de guitare pour accompagner la voix magique de Katerina Stoykova qui se veut à la fois pleine de langueur et de monotonie. Le rythme est lent, conférant de la substance et de la profondeur à une orchestration minimaliste au départ mais qui s’étoffe ensuite.

La voix devient ainsi plus sensuelle, remplie d’un grain suave et écorché. Les sonorités électroniques s’affinent alors et se superposent les unes sur les autres, s’entrecroisent par nappes pour s’unir ou s’affronter mutuellement alors que la voix d’Angelo Repetto vient s’ajouter encore à ce cocktail détonant. L’auditeur est véritablement captivé par cet univers fort en émotions et multipolaire, rempli tant de saveurs exotiques (flûtes, sonorités asiatiques) que glaciales et urbaines.

La recette est efficace : jamais le combo ne tombe dans la répétition. Ce mélange hétéroclite de sentiments et d’ambiances contraires maintient une forme de paradoxe musical et émotionnel qui donne toute sa saveur à chaque titre. En outre, le recours à la fois à l’organique et au numérique assure cette tension des antagonismes dans un magma d’émotions schizophréniques ; les possibilités musicales sont ainsi presque illimitées.

C’est en ce sens que "Sleepless" se présente comme un titre à la fois fragile mais puissant : la voix oscille aussi ici entre érotisme et supplication d’abord mais pour ensuite devenir animale et « femelle ». Le beat est percutant et s’oppose à cette fragilité déroutante. La guitare entre alors en soutient de la chanteuse et affirme sa douce mélancolie, mais aussi sa détermination et sa fougue contrôlée. L’exotisme s’oppose toujours à la froideur (reggae vs numérique) qui finalement s’unifient comme l’exige le titre de l’album.

Avec les deux pistes suivantes ("All is Random" et "Wolfman") le duo zurichois donne une dimension supplémentaire à sa musique. En recourant au delay, aux superpositions de voix, aux filets de guitares et aux explosions numériques, Wolfman ouvre les portes des limbes et nous plonge dans un monde spectral peuplé d’ondes sonores aussi tristes que joyeuses. L’effet est une fois encore des plus saisissants démontrant par là que le duo maîtrise son sujet.

Cet effort de renouvellement fonctionne bien, surtout que les deux acolytes s’octroient tous les droits en incorporant beaucoup d’éléments inattendus à leur musique. Citons par exemple la grande variété de sons electro s’échelonnant du grésillement brut aux sons retro de jeux-vidéos. Katerina, dont le registre vocal semble sans fin se permet même parfois de jouer la pin-up rock des années 40 au phrasé typique des chanteuses de cabarets d’avant-guerre.

Il y aurait encore énormément à dire tellement la musique de Wolfman est riche ce qui n’est pas possible ici. Relevons cependant avant de conclure que les titres du groupe prennent aussi une tournure mystique avec des sons d’orgues envoutants, se font tantôt rock ou folk avec une guitare qui travaille plus, ou même dansants et trip-hop avec des réminiscences de tango et des intros brillantes digne d’un Massive Attack. Le groupe se fend même d’une ballade romantique poignante (Haunted) qui remuera tous les cœurs amoureux.

Au final comme vous l’aurez compris, un album qui frôle le chef d’œuvre et qui fait preuve d’une originalité saisissante. « Unified » comme son nom l’indique est bien le fruit de la réunion heureuse de deux musiciens de talents, mais aussi de sonorités et d’univers musicaux antagonistes qui se marient avec brio pour au final délivrer une musique hypnotique et envoutante. Uni tant dans la vie que dans leurs choix artistiques surprenants, parions que les deux compères de Wolfman sauront réunir aussi les foules et mettre tout le monde d’accord avec leur premier opus génialissime. À vous procurer immédiatement les yeux fermés.

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