Dimanche 18 juin  – troisième (et dernière) partie

Chronique et photos : Emmanuel

Pour cette dernière journée de l’énergie était requise! Le programme fut des plus chargés. Si quelques changements notables ont malheureusement eu lieu dans la programmation initiale, notamment l’absence des iconiques Incubus, remplacés au pied levé par les sympathiques espagnol de Crisix, tout s’est déroulé comme sur des roulettes. 

C’est désormais officiel : le site est plein à craquer. Ça déborde de tous les côtés, qu’il s’agisse de l’Extreme Market, ou bien des abords de la Cathédrale, ou encore du shop officiel qui accuse un monde record en cette dernière journée ainsi que les scènes principales, tout est blindax!

Halestorm

Lzzy Hale sa guitare et sa voix démontée nous auront donné bien des frissons cet après-midi. Je retiens ce moment suspendu dans les airs où le public s’est presque arrêté de respirer en l’écoutant littéralement se briser les cordes vocales, genou à terre.

Halestorm a le feu et ça n’est pas le batteur qui tape comme un sourd qui fera dire le contraire. Tout ceci fonctionne à merveille dans un café miteux du fin fond du Kansas comme sur une gigantesque Mainstage en plein après-midi. Les choses ont bien avancé en 15 ans de carrière pour les Américains et cette sympathique perf’ entre rock ultra solide et blues fut une bénédiction avant la suite des hostilités.

Concentrons-nous dès à présent sur les trois poids lourds de cette dernière journée : Electric Callboy, Pantera et Testament. 

Electric callboy

Estampillé « éléctronicore », ce groupe m’a, instantanément, tapé dans les esgourdes. Mais pour une raison assez obscure, il subsiste une pétition de principe, selon laquelle certains groupes seraient dignes d’être présents en festival metal, et d’autres non. 

En tant qu’indécrottable fan de métal depuis plus de trois décennies, je peux attester que ce raisonnement fallacieux est totalement idiot. Qu’on se le dise, Electric callboy a mis une claque de forgeron à l’audimat présent ce dimanche !

Le combo démarre fort avec une mise sous pression absolument gigantesque : Trois écrans de la taille d’une façade d’immeuble de 7 étages annoncent le début des hostilités, textes sous-titrés sur les dits-écrans et énormes inscriptions qui clignotent de manière épileptique au nom du dernier né : Tekkno. 

Le son, les compos, les riffs accrocheurs, la bonne humeur, les looks invraisemblables singés en fonction des titres, les mimiques des deux chanteurs tout bonnement surexcités, l’ambiance de folie sur scène et dans le pit, bref, c’est simple, les allemands le feu. 

J’ai retrouvé la belle et bonne ambiance du concert de Bring Me the Horizon de l’an passé, mais un level très au dessus ! 

Le groupe a plusieurs années au compteur et un line-up qui a eu tendance à évoluer à l’exception de son chanteur Kevin Ratajczak, le nouvel album Tekkno est très représenté cet après-midi et le moins que l’on puisse dire c’est que le combo allemand aurait eu sa place sur une tête d’affiche tant sa popularité, je ne compte pas le nombre des tee-shirts flanqués à l’effigie du groupe, est grande.

 Pour s’en convaincre, il suffit de regarder, le bordel qui règne dans le public au bout de seulement 30 secondes du titre éponyme. Les téléphones chutent sur le sol, des spectateurs affluent par dizaines sur la tête de courageux qui sont devant et dont je fais partie (merci Lucie et Poun), de la sueur en pagaille. Le pit s’est transformé en boite de nuit géante, le tout, en plein jour. 

Quelle bonne humeur et surtout quel excellent mélange : techno des années 90 et métal tranchant. Les deux voix contrastent à fond, entre celle du beau gosse Nico, chantée, et celle de Kevin, qui hurle comme un beau diable et enchaîne d’improbables pas de danse dignes d’un clubeur de la côte d’azur.

Les looks aussi s’adaptent en fonction de ce qui se passe dans les enceintes pour « Tekkno Train », ce sont plutôt chemises ajustées et pantalons courts,  pour « Hypa Hypa » qui n’est pas sans rappel « Hyper Hyper » d’un autre combo allemand cher aux Electric, Scooter, les voit revêtir des chemises années 80 jaunes vifs et des mulets d’une ignoble laideur. Il n’y a pas à dire le groupe sait jouer avec le visuel, et les codes « jeunes ». Au fond, n’est-ce pas cela qu’on lui reproche, un peu comme MGK, l’avant veille, de savoir faire ce qu’il faut pour mettre le feu, le tout avec le sourire ? Pour ma part, je m’éclate à fond et visiblement, je suis loin d’être le seul.

« We got the move », ses coupes au bol à la Mireille Matthieu et son gimmick « pop polopopop » repris par des milliers de gens m’indiquent que le groupe est en train de devenir un truc énorme. Et je le redis, ce groupe a porté le metal à un endroit génial. L’alliance de la techno et du metal fonctionne et comme l’avait souligné Nicolas Castelaux dans son ouvrage consacré à Burzum, l’eurodance et le metal partage en commun le goût de la provocation, de l’hystérie et du rituel. Nous sommes en plein dedans ! 

Quelques semaines plus tard, le combo sera sold-out aux USA, on comprend pourquoi. Succès amplement mérité, quoi qu’il soit. 

Pantera

Le 30 mai 1998, alors que je n’étais qu’un très jeune éphèbe sans poil au menton, je m’en allais gaiement « sur Paname » tel le banlieusard que j’étais, aller voir les messies : Dimebag Darell, Vinnie Paul, Rex Brown et Philip Anselmo. Je n’oublierai jamais.

À l’époque, la sonorisation était monstrueusement forte dans ce Zénith de Paris. Nous fumions « des roulés », nous buvions de la 33 export, et nous comportions comme des minables que nous étions.

Sur scène, la basse crachait à un volume indécent, des notes méconnaissables, Vinnie Paul cognait comme un âne et Anselmo faisait des sauts de cabri à tout bout de champ. Et Darell… Et bien Dimebag Darell Abott, il enchantait le tout. Quel bordel. Ça hurlait à tout-va, il n’y avait aucun portable dans les parages pendant le show et on kiffait comme jamais. On vivait l’instant présent. Les cowboys de l’enfer étaient au complet. Quelle époque. Le temps a passé et ça me fout des frissons d’y repenser.

25 ans plus tard : Anselmo et Brown se sont considérablement calmés. Exit les drogues, la boisson, les attitudes exubérantes. Les cheveux de Brown sont devenus gris, ceux d’Anselmo ne sont plus et le son est de très très très loin le meilleur entendu pendant le week-end.

Pour celles et ceux qui ne le savent pas, en 2003, Pantera tirait sa révérence puis, en 2004, Darrell était lâchement assassiné par un fou, tandis que son frère Vinnie, s’éteignait un certain 22 juin 2018 en pleine édition du Hellfest. Que nous était-il permis d’espérer de cette nouvelle mouture, quand bien même, les deux alchimistes mélodique et rythmique, n’étaient plus ?

Désormais accompagnés de deux artistes de choix pour raviver la flamme texane : Charlie Benante (Anthrax) à la batterie et Zakk Wylde à la guitare, le combo remet donc le couvert. 

Je vais vous le dire d’emblée cette mouture est à la fois très semblable à l’original et totalement autre. 

Que dire de ce très lourd concert ? Plein de choses, assurément.

En voyant Anselmo en…pantoufle sur scène je me suis souvenu de l’énorme potentiel punk du mec qui a fait la magie de Pantera ! Et en écoutant l’énorme basse de Brown cracher des kilowatts, j’ai eu la confirmation que le groupe n’avait pas dit son dernier mot. 

Anselmo est plus posé dans son attitude, plus mince aussi, on peut le dire, sans mauvais jeu de mots : il a atteint un new level.

Alors bien entendu si on compare les « rare footage » du Pantera originel qui pullulent sur youtube, on s’aperçoit direct que les tempi sont plus lent, les interprétations sont moins groovy, le groove de Benante n’est pas du tout celui de Paul, bien que les parties de batterie soient jouées à la note prête et qu’il cogne lourd comme le faisait son homologue.

Lorsque tombe cet immense rideau rouge, on s’aperçoit que si Anselmo n’a plus la même mobilité qu’autrefois la voix est toujours monstrueuse ! Ce « New level » est de circonstance. Rarement, le Hellfest aura eu cette puissance et ce réglage dantesque. Je suis à la barrière et je me prends un mur de son dans la tronche. Si le jeu de Zakk Wilde n’a pas la même magie de son défunt homologue, les compos prennent un je-ne-sais-quoi de bluesy, et l’ensemble, plus lent amène un côté très south limite southern rock très agréable notamment dans les combos les plus lentes : « 5 minutes alone » , « I’m Broken ». 

La communication entre Anselmo et son public est toujours aussi chouette. Le type tape la discute avec 60 000 gonzes comme s’il était dans votre salon. Les plus jeunes découvrent Pantera et je suis extrêmement surpris de voir des gens autour de moi, ignorer totalement, l’existence du combo et repartir de là avec un énorme sourire aux lèvres.

Je pourrais en écrire des pages : le son, le light-show très clair et adéquate car peu sophistiqué, mais réglé aux petits oignons, la bonne humeur qui a régné pendant des heures et surtout : merci à ce festivalier qui s’est accroché à la barrière derrière moi et m’a permis de passer un concert incroyablement confortable. Il y a quand même des gens hyper cool! Merci à toi donc! Cherchez sur YouTube, vous verrez très peu de vidéos de ce concert. Vous savez pourquoi? Car les gens ont kiffé. Ils avaient autre chose à faire que de tripoter leurs téléphones! Je suis refaits! Et Anselmo qui me pointe du doigt à la fin du concert me voyant collé à la barrière à m’agiter comme un beau diable depuis le début certainement, à moins que ce ne fut une hallucination ?! Chapeau les artistes.

Testament

Voilà un concert parfait pour clôturer cette immense messe. Les tauliers ont mis le feu. Sous la tente de l’Altar l’équipe emmenée par Chuck Billy, Eric Peterson et Alex Schulnick a fait la démonstration qu’il n’est pas à la portée de tout le monde de produire du trash. 

Tout y était « The new Order », « The Preacher », le gargantuesque « DNR » de l’époque lombardo, « Over the Wall », les improbables cut où on entend les mouches voler pendant 2 secondes, la lumière pourpre tamisée, la fumée, l’ambiance club, la chaleur… Bref, que dire de plus ?

Testament n’a rien à prouver et la facilité déconcertante avec laquelle le nouvel arrivé enchaîne les titres à la batterie en assénant des patates de forain dans chaque fut donne encore un groove de démiurge à l’ensemble. Quel plaisir. Malgré les années, le combo ne vieillit pas, tant dans ses compos récentes et anciennes que le son, devenu très ample et clair. 

Cette édition du Hellfest a placé la barre extrêmement haute. Il reste maintenant à se renouveler, surprendre et peut-être éduquer un peu les festivaliers à davantage de tolérance envers la nouveauté, à se laisser surprendre par l’inattendu et respecter les autres en toute circonstance pendant les mosh-pit notamment pour éviter ces moments pénibles où le quidam ramasse une rangers taille 46 dans le crâne, ou encore, ne pas téléphoner à ses potes pendant 20 minutes en plein milieu d’un concert. Sinon, le travail réalisé par l’équipe de bénévoles pour rendre l’accès au site, qui que l’ont soi a été gigantesque pendant cette édition. Bravo à tout le monde.

Merci à cette incroyable équipe de rendre ce festival possible et d’assurer avec le sourire. Quel boulot fantastique vous faites ! See you soon !

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