mercredi , 4 décembre 2024

Le stoner à San Diego

Depuis un peu plus de 5 ans maintenant, je suis tombé amoureux d’une scène musicale un peu spécifique. Je n’ai pas la prétention de couvrir l’intégralité du sujet mais celle de vous faire partager une épiphanie, une poignée de groupes et d’albums qui m’ont insufflé les quelques bars de pression qui manquaient cruellement dans mon environnement musical.

Bienvenue dans l’univers de la scène stoner/psyché de San Diego que les plus chanceux auront peut-être tâté à l’occasion du Roadburn Festival de 2018 à Tilburg (San Diego Takeover, bitches!).

Si en mai 1967 Scott McKenzie chantait les louanges de San Francisco alors que le Summer of Love s’apprêtait à éclore, en ce mois d’août 2019 je vous sortirais bien ma guitare pour vous inviter plus au Sud en Californie. Si la commune de San Diego est connue pour son climat fort agréable en toute saison, ses plages et ses spots de skate, ces caractéristiques tendant vers une certaine cool-itude semblent avoir teinté la scène musicale de cette ville.

La scène stoner/psyché de San Diego parait fortement influencée par la scène musicale des 60’s/70’s hippie et conserve une certaine imagerie ainsi qu’un certain goût vestimentaire proches des babas cool autrefois ancrés à San Francisco.

Musicalement on retrouve une attirance pour le jam, les envolées de guitares qui, bien que modernisées et enrichies de ce qui a pu se faire dans le rock et le blues depuis, rappellent un peu les Hendrix, Steppenwolf, Jefferson Airplanes, Leaf Hounds, etc… vitaminés par les premiers moments de Black Sabbath. Je ne vous parle donc pas d’une ressucée ou copie des années hippies mais bien d’un mouvement tout autre et à l’état d’esprit tendant à s’en rapprocher sans pour autant faire preuve d’un passéisme facile.

L’ambiance joyeuse bande de potes se mélangeant, jouant ensembles, se prêtant les musiciens et se filant la main pour trouver des endroits où organiser les concerts se ressent sur les formations. Pas mal de musiciens de cette scène jouent dans plusieurs groupes. Je ne vous ferai pas précisément le détail de ces mélanges, peut-être un peu par fainéantise je l’admets.

Commençons par mon commencement avec Earthless, découvert au hasard d’une vidéo dans laquelle une team de skateboarders partaient en road trip à moto pour enchaîner les démos et les bons moments sur la route.
Earthless, c’est un trio sans concession. Une guitare, une basse et une batterie dans un premier temps avec des morceaux généralement assez longs semblant être issus de jams (rarement moins de 8 ou 10min par morceau). En 2018 changement d’optique du groupe qui balance des morceaux chantés par le guitariste Isaiah Mitchell que vous retrouverez dans Golden Void et dont le format est plus court. Il faut dire que la vilaine sainte trinité de San Diego a fait fort et s’est montré très productive avec une chiée d’albums sans parler des lives et splits ( SONIC PRAYER en 2005, RYTHMS FROM A COSMIC SKY en 2007, FROM THE AGES en 2013 puis BLACK HEAVEN en 2018)
Les morceaux dans leur très grande majorité sont très prenants, l’ambiance se créée et se transforme au fur et à mesure que les titres sont joués et quand bien même on retomberait sur des riffs similaires au sein d’un même morceau, on ne s’emmerde jamais au grand JAMAIS ! La guitare est saturée et nerveuse sans pour autant oublier de laisser l’auditeur respirer, notamment lors de l’emploi magistral d’une pédale Wah-Wah. La batterie et la basse ne sont pas en reste car si l’accent est clairement mis sur la guitare, cette dernière se repose énormément sur la section rythmique qui assure grave et ne manque pas de sortir de son fond sonore par moments, sans lourdeur ni nécessité d’une certaine convenance.
Le groupe est très abordable et en live ça envoie du steak, de la purée et du pâté par dessus. Ça transpire, ça sort ses tripes et ça emmène le public sans aucune réticence, que ce soit dans des salles à taille humaine ou des grosses scènes en festival.

Morceaux choisis : Uluru Rock, Rythms From a Cosmic Sky, End to End, la reprise du titre Cherry Red et le très court Volt Rush.

Comme promis juste au dessus, un petit coup d’oreille sur Golden Void basé à San Francisco dans lequel Isaiah Mitchell (guitariste de Earthless) nous livre des morceaux plus planants, plus atmosphériques, avec des morceaux chantés avant qu’il n’en fasse de même au sein de Earthless. Si les morceaux sont calibrés de manière plus conventionnelle dans leur structure et leur durée, ils n’en demeurent pas moins de véritables bijoux joués à fleur de peau avec des chœurs, des solos qui respirent, un duo basse/batterie qui frappe en profondeur et avec une certaine délicatesse rondouillarde.
En live, c’est carré, ça fait voyager et ça se fait plaisir malgré une certaine timidité en accord avec la musique du groupe.
Deux albums à leur actif, un éponyme de 2012 et le fabuleux BERKANA en 2015 que l’on peine à interrompre en cours de route une fois la touche PLAY actionnée. Il faut dire que le M’sieur Mitchell est pas mal pris par Earthless et ne peut être partout en même temps malgré son énergie débordante.

Morceaux choisis : Atlantis, Burbank’s Dream, Astral Plane.

Au tour de Sacri Monti dont j’ai déjà pas mal parlé suite à la sortie de leur deuxième album WAITING ROOM FOR THE MAGIC HOUR. Cinq amis de longue date se lancent dans un groupe aux influences très 70’s mais avec une énergie débordante et électrique. Deux guitares qui se complètent du début du premier album éponyme en 2015 à la fin du deuxième sorti en 2019 et en passant par le triptyque BURNOUT (en compagnie de Joy et Harsh Toke sorti en 2017, chaque groupe ayant un 45 tours à son nom), un clavier qui apporte une mélodie très personnelle, une basse et une batterie qui tiennent leur place et complète à la perfection ce tableau, le tout avec une voie teintée de reverb qui envoie la sauce.
Le premier album était très énergique dans son ensemble mais avec de belles perspectives quand à des morceaux plus planants, chose faite brillamment avec le deuxième album.

Morceaux choisis : Staggered in Lies, Sittin’ Around in a Restless Dream, Sacri Monti, Over the Hill, Fear and Fire, Armistice, Affirmation.

Référence à la scène skate, si Tony Hawk est un nom qui parle à tout le monde suite à ces prouesses sur une board ainsi qu’une série de jeux vidéos à succès, parlons du groupe dans lequel évolue son fils Riley (pro skater de talent également) à la guitare et au chant : Petyr.
Fort de deux albums (un éponyme en 2017, SMOLYK ainsi qu’un 45t en 2018), le quatuor se distingue par ses guitares saturées et écorchées, sa basse un brin fuzzée ainsi que la voix nasillarde sortie d’outre-tombe et la rythmique tirant sur le saccadé sans pour autant être lourde ni donner l’impression de ne pas avancer.
Leur premier disque sonnait très brut tandis que le deuxième album semblait avoir fait l’objet d’une construction un peu plus soignée, en particulier dans l’enchainement des morceaux.
Le 45t comprenant les morceaux “Emerald Eyes” et “Wasted Soul” permet de voir une certaine maturité dans la composition et le son, notamment avec le titre “Emerald Eyes” qui emmène loin et fort (à ne pas écouter en dessous du volume 9/10 de votre sono).
A noter que Riley Hawk a également lancé dernièrement le groupe Warish dont l’album 5 titres éponymes est plutôt prometteur, avec une base proche de celle de Petyr mais un accent peut-être un peu plus punk/Hardcore en arrière goût par la rapidité de certains morceaux.

Morceaux choisis : Emeral Eyes, Texas Igloo, Satori III, Vambo/Buffalo Stampede, Salt Lake, Smolyk Part 1 / 2 / 3 / 4.

Tel une line (enchainement de figures en skateboard), après la tartasse reçue du fils Hawk, on reprend un peu de vitesse à travers les ditches de San Diego avec le groupe Arctic composé de trois skaters pro («  Figgy », « Nuge » et « Frecks »). Avec son album éponyme à cinq morceaux sorti en 2016, le son de Arctic se rapproche pas mal de celui de Petyr avec de la distorsion à moitié cradingue qui vous découpe tandis que la batterie vous enfonce des clous dans les rotules et que la basse feint de vous masser avec son marteau.
Le groupe alterne entre lourdeur/lenteur et passages qui accélèrent sur un coup de tête pour vous propulser avant de vous stopper net à coup de board en plein dans la face.

Morceaux choisis : Over Smoked, Cryptic Black Sun, Burnt Ice.

Pour la transition, on suit avec Figgy de Arctic que l’on retrouve dans le groupe Pharlee dans lequel on continue de ressentir un peu son côté frénétique à la guitare avec un son cependant plus courtois et moins tranchant. Le gros point fort du groupe et de son album éponyme sorti en 2019, la voix de sa chanteuse qui n’hésite pas à se saturer un peu le gosier par moment et donne une petite tonalité énergique qui pourrait ravir une certaine Janis Joplin si elle n’avait pas rejoint le club des 27 (sans pour autant jouer dans la même catégorie, soyons clairs) ou plus modestement et contemporainement la française Izia.
Les morceaux alternent les parties qui déroulent sans encombrement, les passages qui respirent en rondeur et les solos de guitares qui se déchaînent jusqu’à l’asphyxie.
Lorsque le 6ème morceau se termine et vient sonner la fin de l’album, une chose est sûre : on en redemande. Il faut dire que la touche féminine est bienvenue dans cette scène.

Morceaux choisis : Creeping, Darkest Hour, Going Down.

Transition avec Figgy à nouveau mais dans le groupe Harsh Toke. Pour être sincère ce n’est pas ma préférence au sein de la scène, sans trop comprendre pourquoi. Leur son est énergique mais semble un peu décousu tout au long de leur album Light Up and Live sorti en 2013. On reconnaît la fougue de Figgy à la gratte qui pour le coup s’excite frénétiquement sur son manche (de guitare, bande de vicieux) mais l’ensemble me paraît très bruyant. A noter cependant leur participation au triptyque BURNOUT aux côtés de Sacri Monti et de Joy. Les deux morceaux qu’ils y présentent sont des tueries avec “Burn the Flames” qui est lancinant au possible et “Bermuda” qui file à vitesse grand V avec une batterie qui rappellerait presque celle du groupe punk Gray Matter.

Morceaux choisis : Bermuda, Burn the Flames.

Pour relancer la machine, je vous présente Radio Moscow (bien que formé en Iowa) dont le bassiste n’est autre que Anthony Meier qui œuvre au même poste pour Sacri Monti. Riche de 6 albums (un éponyme en 2007, BRAIN CYCLES en 2009, THE GREAT ESCAPE OF LESLIE MAGNAFUZZ en 2011, 3&3 QUARTERS en 2012, MAGICAL DIRT en 2014, NEW BEGINNINGS en 2017) sans compter les splits et lives.
Ce groupe a une saveur particulière dans le paysage avec une voix caillouteuse très bluesy et un son tendant vers le desert rock à la Raging Slab ou The Force. On est pas encore sur du Clutch et la teinte 70’s hippies est bien présente. Par moment, notamment lors de l’ablbum BRAIN CYCLES, on se croirait presque dans les morceaux lents des Lords of Altamont. Lorsque la guitare se met en branle, on se rapproche de l’énergie de Earthless sans virer dans le jam ni le solo sur plusieurs minutes consécutives.

Morceaux choisis : Deceiver, Last to Know, Broke Down, Hold on Me. These Days.

Et pour finir, last not least comme ils disent outre Manche et outre Atlantique, le groupe Joy dans lequel on retrouve le batteur de Sacri Monti et que je rapprocherais volontiers du son de Radio Moscow mais avec une voix peut-être un peu plus braillarde et une énergie rock psyché/garage prononcée telle qu’on pourrait la rencontrer dans des films de motards de ces mêmes décénies. Malgré la renommée du groupe, j’admets que ce n’est pas celui que j’ai le plus écouté. Je vous renverrai plus vers leur premier album IN THE SPELL OF (2012) que vers RIDE ALONG ! (2016) tant ce premier disque sonnait de manière pêchue, se rapprochant de quelques sonorités qui feraient honneur aux Lords of Altamont.

Morceaux choisis : Going Down Slow, Ride Along !, Miles Away, Driving Me Insane, Death Hymn Blues.

Pour vous laisser avec la migraine que cet article aura pu provoquer, un peu d’exotisme un peu plus loin du rock à proprement parlé avec l’indescriptible THE ISLAND par le groupe Volcano datant de 2019 et qui allie psyché et beat afro issu de la jungle, une curiosité à ne pas louper ne serait-ce que pour le voyage durant les 6 morceaux qui composent l’album. Les quelques vidéos du groupe en live laissent à penser que la formation est plus pêchue sur scène, une curiosité que j’espère pouvoir couvrir un jour en Europe.

En espérant que les sons évoqués vous transcenderont… rendez-vous de l’autre côté du miroir.

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