Lundi 15 juin 2015 : Nous y voilà… douze ans après l’Olympia et la tournée pour THINK TANK, Blur est de retour à Paris… Enfin, si je devais chipoter un peu, je dirais que cette tournée n’était pas à proprement parler blurienne, mais l’œuvre d’un trio amputé du pilier qu’est Graham Coxon. Car, force est de constater que le son Blur est grandement dû à son toucher de guitare (cf. les versions, par exemple, de Out of Time avec ou sans lui).
Bref, bref, Blur était bien de retour, plus d’une décennie plus tard, avec son nouvel album, sorti le 27 avril dernier, THE MAGIC WHIP, pour une escale extrêmement attendue par les fans (français principalement mais tout le monde était le bienvenu !). Le Zénith, rempli jusqu’à la gueule, ronronnait de plaisir bien avant l’arrivée du combo. La scénographie (cornets de glace, miroirs, etc.) rappelait que l’évènement était à venir et que nous attendions tous cela depuis (trop) longtemps.
Après une première partie très congolaise un brin prise de tête mais rythmée et virevoltante (Jupiter & Okwess International), une petite musique de jeux pour enfants annonce le début des hostilités. La petite musique en question m’a renvoyé près de vingt ans en arrière et la vision de Damon s’amusant dans une voiture pour enfants dans un centre commercial anglais, issue du documentaire StarShaped.
Dès le premier pas sur scène, la foule s’est soulevée comme un seul homme et n’a pas cessé de faire corps avec le groupe. Visiblement heureux d’être à Paris, et s’imposant quelques mots en français, çà et là, Damon Albarn a repris ses bonnes (vieilles) habitudes d’haranguer la foule et de vider des bouteilles d’eau sur les premiers rangs.
Blur a alors entamé un concert oscillant entre énergie et mélancolie, vague punk et pop acidulée, passé, présent et futur ; l’écran géant diffusant des petits rappels entre clip vidéo délirant (Ong Ong), Ken & Barbie s’éclatant sur ‘Girls & Boys’ et pochettes d’albums, sans compter sur le message principal sur ‘Tender’, décliné dans plusieurs langues, déclamant que l’amour est le plus grand…
Entamant le concert par un nouveau morceau (Go Out), Blur revient soudain 25 ans plus tôt avec l’énergique ‘There’s No Other Way’ qui a balancé les premiers rangs dans une vague punkinette qui n’a plus faibli.
Le très blurien ‘Lonesome Street’ a fait place au désormais légendaire ‘Badhead’, suivi de près par l’immortel chant Coxonien ‘Coffee & TV’, repris en chœur comme un seul homme par le public ; Damon Albarn, sautillant et s’amusant avec nous, fit glousser à deux reprises un Graham Coxon toujours en réserve et concentré sur ses morceaux. C’était sans compter sur le « So we could start over again » répété en boucles par un Damon heureux comme un gosse (un message subliminal ?) en fin de morceau.
Après cette période agitée, arrivèrent les deux douceurs que sont ‘Out Of Time’ (qui a, décidément, une autre gueule avec Coxon à la guitare) et le futur mythe de l’institution blurienne ‘Though I Was A Spaceman’, ode à deux voix (Albarn/Coxon) et à cette touche aérienne peu utilisée depuis le magnifique ‘Battle’ (qui pourrait revenir dans une Setlist, merci).
Un repos bien mérité quand Damon Albarn entame alors son hallucinant duo ‘Trimm Trabb’ (toujours attendu par les fans) et la vieillerie ‘He Thought of Cars’. Il est à noter que PARKLIFE était de sortie ce lundi soir…
Un petit interlude mélancolique (et accessoirement une déclaration) avec ‘My Terracotta Heart’ et revoilà de quoi secouer la fosse (et les gradins qui sautillaient aussi bien que les autres) avec ‘I Broadcast’ (taillé pour les concerts) et le ressorti de derrière les fagots ‘Trouble In The Message Centre’ qui a longtemps manqué dans les Setlists.
Mais que serait un concert de Blur sans la communication avec le public et les deux pépites qui font frissonner tout fan de musique : ‘Beetlebum’ (en version un brin plus folk) et surtout le grandiose ‘Tender’. L’harmonie entre le groupe et son audience est alors palpable tellement les chœurs chantent de plus en plus fort.
Suivent alors la version française de ‘Parklife’ (avec le trio comique Albarn/Coxon/James se fendant d’une conversation mi-français, mi-anglais applaudie par tout le Zénith), le décalé ‘Ong Ong’ (dont je ne sais toujours pas quoi penser… tellement il est nunuche sur l’album mais drôlement jouissif en live !) ;
Qui dit Blur, dit ? "Song 2"… Effectivement, la plupart du temps, quand vous parlez de Blur à quelqu’un, surtout en France, pays dans lequel Blur est synonyme d’Oasis (un comble), on ne sait pas de quoi vous parlez ; Fredonnez "Song 2" et là, la magie opère… (avec Girls &Boys)… Alors, ‘Song 2’ c’est déjà l’énergie punk/rock avec le côté « je me balance dans le voisin qui lui-même va s’encastrer dans le suivant, etc. », mais dans le cas présent, c’était l’hystérie collective. Certains ont perdu une cheville, d’autres l’équilibre et le reste a juste essayé de ne pas sombrer sous la masse.
Dès les dernières notes, le souffle coupé et les pieds en compote, le public a vu un Damon Albarn, toujours fringant et sautillant, la jouer copain comme cochon et attendre la boule à facettes virtuelle pour entonner ‘To The End’, pure merveille avec ses paroles en français et le côté retrouvailles avec « Son Graham » à coup d’œillades en coin, sous le regard complice de James et Rowntree qui valait son pesant d’or.
Que dire de ‘This Is A Low’ qui arriverait à tirer des larmes à tout le monde ? A ce moment-là du concert, nombreux étaient ceux qui, épuisés, lessivés, en redemandaient encore et encore.
Arriva l’interlude avant le rappel… frissons, refrains en vrac, applaudissements, « encooooore » hurlé à la mort avant le retour des quatre fantastiques du soir pour le retour sur scène (Encore). Amorcé par l’étonnant et revenant ‘Stereotypes’ (toujours aussi incroyable en live), le rappel se poursuit par le tubesque ‘Girls&Boys’ qui offre à l’écran géant la possibilité de faire danser des Ken & Barbie sous acide, avant que le public hurle à plein poumon le célèbre refrain à la gloire de l’amour universel (et plus si affinités)…
Le final combine l’inusable et inébranlable ‘For Tomorrow’ (et sa célèbre phrase : And the view’s so nice) et le futuriste mais désormais réaliste ‘The Universal’ (It really really really could happen). L’instant est toujours aussi magique entre harmonie, mélodie, mélancolie, communion avec le public et ce petit pincement au cœur qui étreint l’ensemble des présents car la fin est proche…
Alors, pour résumer ces élogieux propos, qui, ma foi, sont grandement mérités, il faut constater une chose. Même un peu vieillissant, les quatre de Blur sont aussi enthousiastes, heureux et énergiques qu’il y a vingt-cinq ans. Ça sautille, ça hurle, ça harangue, ça file des frissons, ça s’amuse comme un gosse, ça fait des blagues, ça fait du yeux-dans-les-yeux, ça charme et agace (Damon). Ça maîtrise, ça assure vocalement, ça rassure à la guitare, ça souffle, ça change de guitare toutes les deux chansons, ça regarde le public timidement et ça sourit de temps à autre, aussi (Graham). Ça fume, ça montre ses fesses, ça fait la tronche du bassiste blasé qui, soudain, sourit aux anges, ça fait de l’humour incompris (Alex). Ça fait le job, ça pose des baguettes dans la salle en amont comme cadeaux, ça reste concentré et ça regarde ses petits camarades avec tendresse (Dave)…
Les années passent, et certains avaient peur que THE MAGIC WHIP ne soit pas à la hauteur des autres productions, mais il l’est. Largement. Près de deux heures d’un bonheur simple comme des chansons, une guitare, une basse et quelques cordes. Près de deux heures en dehors du temps qui font perdre des années de vie mais en revisitent une, musicalement.
Pour ceux qui ne connaissent pas, n’ont jamais vu, ou n’y pensent même pas, le concert est en replay sur Arte Concert jusqu’en novembre 2015 et appréciez un peu la vie d’un blurien… Promis, vous ne le regretterez pas !
Espérons maintenant qu’il ne faille pas attendre douze ans pour un nouvel album, ni un nouveau concert de cette trempe en France !
En attendant, soyez fous, soyez Blur !