En exclusivité, Lords of Rock a rencontré le trio le plus encensé du moment, les londoniens de The XX. Un long entretien pour parler de leur approche musicale, leurs premières amours, leur tournée actuelle. En toute humilité.

The XX

En exclusivité, Lords of Rock a rencontré le trio le plus encensé du moment, les londoniens de The XX. Un long entretien pour parler de leur approche musicale, leurs premières amours, leur tournée actuelle. En toute humilité.

 

 

18h30, salle du Transformateur, Fribourg. Les portes de l’établissement sont encore fermées. Ca caille dehors: nuit tombante, bise, brouillard, un parfait temps pour appréhender le phénomène XX et leur pop glaciale. Sauf que si l’on pouvait y rentrer, on leur serait reconnaissant. C’est que The XX aurait planté tout leur planning interview de la journée et serait arrivé 3 heures en retard pour le soundcheck. Lorsqu’on nous ouvre enfin la porte, on nous apprend que le bar ouvrira 2 heures plus tard que prévu, histoire de laisser au groupe (ainsi qu’à The Present) le temps de s’approprier les lieux. Le destin veut que nous soyons donc les seuls à pouvoir interviewer le trio, tout fraîchement arrivé d’Espagne. Aux rythmes digitaux, Jamie Smith – producteur de l’album par ailleurs – à la guitare, Romy Madley Croft et à la basse Olver David Sim. Trois jeunes gens courtois, très méticuleux dans les réglages et surtout discrets à l’extrême. Leur simplicité ne sied pas aux normes de la hype, hystérique et hédoniste. Nonchalents, les XX ne restent pas moins des gens intéressants et conscients de leurs limites.

 

 

 

” La musique avant tout “

 

Leur album – XX – avait paru fade à quelques exigeants du métier (moi y compris), demandant souvent de montrer pate blanche pour obtenir leur bénédiction. C’est chose faite maintenant: au fil des écoute, les 11 titres de ce premier LP sont entêtants plus que lassants, car sa richesse y est méticuleusement dispersée comme pour mieux durer dans le temps. C’est certains, ce foutu album, s’il reste dans cette tendance new wave amplement pillée, ne sonne comme aucun autre. Leur amour pour le R&B se ressent lui sur scène: si l’instrumentation reste parfois bancale (leur guitariste est aux abonnés absents pour un petit moment), imprécise, timide, les voix sont d’un achèvement rarement vu pour des musiciens de cet âge-là (à peine la vingtaine). Débarrassé de tout a priori négatif sur le groupe, nous voilà ainsi paré pour rencontrer ces Londoniens. Pendant ce temps-là, le cinéaste et photographe Germinal Roaux patientait sans son coin avant d’effectuer une très belle série de clichés sur le groupe. Ses photos embellissent nos collones.

 

Lords of Rock: Vous avez débuté une très très longue tournée mondiale. Pour débuter l’interview, j’aimerai savoir où étiez-vous hier soir (ndr. jeudi soir) ?

Oliver David Sim : nous étions déjà en Suisse, à Saint Gall plus précisément. Et demain à Zurich. Et puis après Barcelone. « First time visiting, first time playing », c’est souvent le cas dans notre tournée. Nous trouvons d’ailleurs la salle du Transformateur assez belle même si le son n’est vraiment pas ce à quoi nous étions habitués.
Nous avons débuté notre tournée il y a 5 semaines. Nous venons de prendre 4 jours de break pour retourner dans notre ville à Londres, ce qui était une très bonne chose. Nous avons pu répéter un petit peu. C’était très bien.
Et après, cap sur les Etats-Unis…

 

Y avez-vous lu quelques critiques vous concernant dans ce pays ?

Oliver : oui… (il soupire) nous partons dans 5 jours. Avec ces nombreuses dates outre-atlantique, cela nous fera une tournée d’une année. Concernant les critiques, oui, dans des médias traditionnels ou très importants dans la musique comme Pitchfork. C’est hallucinant. Je ne sais pas à quoi m’attendre là-bas, ça fout les jetons.


Vous êtes des amis de très longue date, n’est-ce pas ?

Oliver : oui, Romy et moi connaissons Jamie depuis l’âge de 11 ans. Je connais Romy depuis l’âge de 3 ans. Donc oui, amis de longue date (sourire). Nous avons commencé à faire de la musique à l’âge de 16 ans. Nous n’étions pas si précoces que cela. C’est un âge où nous sommes tous tombés amoureux de la musique, nous allions beaucoup aux concerts et recherchions plein de nouveaux groupes dans les magazines ou sur Internet. On essayait de s’exprimer je suppose. Un moyen comme un autre…

 

Où vivez-vous à Londres ? Dans le sud ?

Romy Madley Croft : je vis à Putney, dans le sud ouest

Jamie Smith : Fulham

Oliver : juste à côté, à Clapham. Nous habitons à environ 5 minutes l’un de l’autre.

Romy : c’est à une demi-heure en bus du centre-ville de Londres. C’est à mon avis un bon équilibre : très proches, mais pas assez pour être totalement intégrés à tout ce qu’il se passe de fou au milieu de la ville.

 

 

” A fond dans Queens of the Stone Age et le R&B “

 

Mais êtes-vous impliqués dans ce qu’on appele « la scène londonienne » ?

Oliver : excepté la scène new-rave d’il y a 5 ans, je n’ai pas l’impression d’avoir fait partie de quelle scène que ce soit. D’autant plus qu’il n’y a maintenant plus véritablement ce que l’on peut appeler une scène à Londres, chose qui est bien à mon avis. Mais pour te répondre franchement, on n’est jamais vraiment appartenu à une quelconque scène, à un courant.

 

De quels groupes étiez-vous fans à l’âge de 15 ans ?

Romy : j’étais vraiment à fond dans les Steadies et Queens of the Stone Age quand nous faisions de la musique pluis bruyante que maintenant. Mais j’ai aussi écouté beaucoup de Peaches avant de véritablement écouter de la musique électro. J’ai toujours été une grande fan des Yeah Yeah Yeah, de Peaches et des Kills : c’est le genre de groupes que j’ai vu en concert à cet âge-là. Mais maintenant, j’ai forcément moins de temps pour écouter de la musique.

Oliver : Romy et moi partageons cet amour pour Queens of the Stone Age. J’ai aussi aimé Placebo. Enormément de R&B US du milieu des années 90 comme TLC par exemple ou Aalyah plus tardivement. Ce genre de choses… Et toi, James ?

Jamie : à cette époque je sortais juste pour aller à des soirées électro. J’ai évité pendant longtemps les concerts de rock, je ne sais pas pourquoi, c’est étrange… Maintenant, je suis toujours à fond dans l’électro mais je me suis réconcillié avec le rock.


Votre musique est autant introspective qu’épurée, parfois à l’extrême. Comment vous êtes-vous retrouvés avec un son si caractéristique ?

Oliver : c’est certain que l’on n’a pas trouvé ce son dès nos débuts. Ce n’était pas du tout naturel. Cette simplicité dans nos arrangements provient du fait que nous apprenions à jouer de nos instruments. C’était juste ce que l’on était capable de jouer. Plus le temps est passé et plus nous sommes devenus à l’aise et avons pu faire des choix conscients. Nous sommes très conscients que nous n’exagérons pas les choses.

 

Ne fut-ce pas dur, à vos débuts, de ne pas pouvoir se cacher derrière vos intruments tournés à fond et de devoir assumer ce son épuré, au risque d’entendre les conversations du public ?

Romy : c’est vrai qu’à nos tout débuts nous trouvions très embarrassant de jouer une telle musique. Nous rajoutions donc beaucoup de distorsion sur les guitares et la basse d’Oliver. Cela n’a pas duré plus longtemps qu’une ou deux semaines, cela ne nous correspondait pas. Nous avons aussi débuté avec des reprises d’autres artistes, plus pour le fun qu’autre chose, mais surtout pour éviter cet embarras que nous avions de jouer face à nos amis. Graduellement, nous sommes devenus de plus en plus conscients de nos possibilités et confiants vis à vis de chacun. Il a aussi fallu du temps avant que l’on ne puisse chanter nos propres chansons l’un en face de l’autre, Oliver et moi.

 

L’écoute de votre album, XX, donne une impression d’optimisme qui est aténuée quand on prête attention à vos paroles…

Romy : j’aime cette dualité. Quand nous avons écrit les morceaux, Oliver et moi, nous pensions que les gens se focaliseraient uniquement sur les paroles. Quand j’écoute de la musique, c’est ce sur quoi je m’intéresse. Mais dans d’autres pays, dont l’anglais n’est pas la langue maternelle, c’est toujours intéressant de voir la façon dont certaines personnes écoutent notre musique. Le son de la voix ou juste son émotion, la sonorité des instruments, ou la rythmique… En fait, je m’en fiche de savoir que notre public puisse interpréter notre musique dans une optique totalement différente. J’aime penser qu’on puisse toucher les gens de façons multiples.

 

 


” Nous avons débuté avec des reprises d’autres artistes pour éviter cet embarras que nous
avions de jouer face à nos amis “

 

 

Un autre chose dont je voulais vous faire part : quand votre album est sorti en août, je ne l’ai écouté que 2 ou 3 fois. Il ne me semblait pas dans l’air du temps, peut-être trop sombre, trop renfermé pour y prêter attention. Ce n’est qu’avec des écoutes multiples et surtout la venue de l’hiver qu’il m’est apparu comme essentiel. Votre réaction ?

Romy : nous avons terminé l’enregistrement de l’album en février. On voulait vraiment sortir cet album le plus vite possible car nous avions passé tellement de temps sur ces morceaux qu’il fallait pouvoir mettre un terme à ce processus. Mais tout s’est ralenti, notamment avec l’artwork de la pochette (ndr. splendide au demeurant) ainsi que quelques autres détails. Ca a donc pris plus de temps que prévu. Cependant, j’aime bien l’idée d’une sortie d’album en été, c’est l’époque où les gens sortent, prennent du bon temps. Peut-être qu’en effet certaines personnes n’ont pas vraiment trouvé cet album génial à cette période, mais je suis sûr qu’ils y reviennent avec la fin des beaux jours. Une histoire de connexion avec notre environnement, je ne sais pas… Il est tout à fait possible de passer à côté de certaines parties de l’album dont tu peux prendre conscience au fil des écoutes. Cela dit, certaines personnes l’ont aussi aimé à la première écoute (sourire).

 

Revenons à votre nom de groupe, The XX. Un explication ?

Oliver : le nom nous est venu très rapidement, bien avant que nous n’ayons joué une seule note. Nous voulions quelque chose de visuel et de fort tout en aimant cette lettre. Deux X associés permettent beaucoup de possibilités au niveau visuel ; suivant leur placement, ils peuvent avoir une certaine signification ou une forme spéciale. Placés simplement l’un à côté de l’autre, ils ont une grande force visuelle. Par ailleurs, nous aimons son côté mystérieux ; pour nous, cela n’a rien à voir avec le chromosome féminin, « kiss kiss », ou le chiffre 20, mais on peut l’interpréter d’une multitude de façons différentes. Nous aimons ces multiples facettes.



Cette simplicité se retrouve dans la pochette de votre disque avec des photos très abstraites, où n’apparaissent jamais vos portraits. Cette liberté totale au niveau graphique a-t-elle été permise grâce à votre label indépendant, XL Recordings ?

Romy : oui, ils nous ont donné tellement de liberté pour notre artwork. Tout ce que nous avons fait au niveau musical, visuel ou pour les vidéos n’a été influencé. XL ne nous a jamais mis une quelconque pression. Et c’est tant mieux car, pour nous, cela a toujours été la musique avant tout. Les images doivent juste accompagner le groupe, pas orienter le public vers une certaine lecture de notre musique. Il y a tellement de groupes qui mettent en avant leur personne. Nous n’avons jamais eu envie de leur ressembler ; de plus, nous mettre en photo sur la pochette du disque n’aurait eu aucun sens. La musique doit parler par elle-même. Nous ne sommes non plus pas les gens les plus extravertis. Notre artwork reflète bien notre personnalité. Son imagerie n’est pas spécifique.

 

Ne pas avoir à être constamment comparé avec d’autres groupes doit aussi être une bonne chose pour vous. Ce qui frappe le plus, c’est l’impression que vous êtes à part, totalement singuliers…

Oliver : je ne sais pas… comment l’expliquer (sourire). Je pense que les jeunes groupes ont souvent cette propension à se mettre en avant en tant que personne avant de faire parler leur musique. Peut-être que nous sommes des personnes… différentes (rires).

 

 

 


Vous avez fait des premières parties pour Florence and The Machine…

Oliver : oui, elle est notre opposé, definitely (rires) ! Elle est très extravertie, spontanée, un peu exhibitionniste. Oui, elle est une exhibitionniste dans ses performances sur scènes, c’est fantastique. Elle est vraiment dans un truc radicalement différent de nous, mais nous l’adorons. Quelle grande dame !

 

Avec aussi beaucoup d’humilité…

Oliver : avec tout le talent qu’elle a, en effet.

Romy : elle sait garder une certaine sensibilité, ce qui est très atypique quand on a des qualités scéniques comme elle. Malgré nos attitudes relativement différentes, nous avons effectivement beaucoup de points communs.

 

Pour terminer, sentez-vous avoir de plus en plus de facilité sur scène ?

Oliver : oui, totalement. D’autant plus que nous ne sommes plus que 3 sur scènes maintenant, pour une certaine durée. Certaines choses ont changé forcément et cela nous a aussi permis d’avoir de plus en plus de confiance sur scène. Bien sûr, nous avons encore beaucoup de travail devant nous, mais nous sentons maintenant que nous maîtrisons nos morceaux. Romy a plus de boulot à la guitare afin de palier à la défection de la deuxième guitariste, James aussi la rythmique. Nos shows deviennent de plus en plus bons : c’est une nouvelle façon de voir la musique pour nous. Jouer sur scène ne me plaisait pas particulièrement il y a quelques temps, mais avoir su gérer mon stress et ma confiance en moi m’a enfin permis d’aimer cela. Ce fut un gros travail, je t’assure.

 

Site de Germinal Roaux: www.germinalroaux.com

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