Entre Erlend ”Orlando” Øye et la capitale allemande, c’est une longue histoire d’amour. Déjà triomphal en 2009, le concert de son projet parallèle The Whitest Boy Alive au Tape Club samedi passé relevait de la haute voltige.

The Whitest Boy Alive à Berlin

 REVIEW Entre Erlend
”Orlando” Øye
et la capitale allemande, c’est une longue histoire d’amour. Déjà triomphal en
2009, le concert de son projet parallèle The Whitest Boy Alive au Tape Club
samedi passé relevait de la haute voltige.


La soirée
sera longue et belle

En aucun cas un coup commercial : le concert organisé
par le club du Mitte regroupant les norvégiens de Kakkmadafakka et leur
semi-compatriotes Whitest Boy Alive en ce mois d’août maussade n’a été annoncé
que deux semaines auparavant, à l’aide de discrètes affiches (la pochette de
RULES brillamment détournée pour l’occasion par l’excellent illustrateur Geoff
McFetridge) et un bouche à oreilles marchant du tonnerre. Pas trop de scrupules
donc de lâcher 15 petits euros afin de voir le groupe chéri des Berlinois. C’est
un fait, Erlend Øye
se cache derrière la mise en place de ce concert en plein air qui risque bien
de devenir traditionnel après le succès de l’an passé, en pleine canicule. Derrière
le Tape, situé à quelques pas de la Hauptbanhof, un terrain vague rendu boueux
par trois semaines de délit de sale temps. Une scène quasi bancale, coincée entre
un long bar improvisé (le bar, très important), des palettes dont on ignore la
provenance mais qui seront bien utiles pour les quelques chanceux qui éviteront
les lacs épars, et du bitume déchiré par le temps. Rien de très glamour mais il
y a plus préoccupant : le retard des concerts aidant peut-être, le bloc
massif de nuages noirs a mis la flèche à droite. Entendu ici et là :
« qu’il pleuve seulement, The Whitest Boy Alive réchauffera la ville
entière ».


The Whitest Boy Alive : une merveilleuse trouvaille
formée sur ces mêmes terres en 2003 par celui qui connaissait déjà la
reconnaissance au sein des cultes Kings of Convenience ainsi que le local
Marcin Öz. Une envie commune de faire de la musique électronique rapidement
dépassée par l’évidence du superflu des machines : avec Sebastian Maschat
à la batterie ainsi que Daniel Nentwig au Rhodes et Crumar, le groupe semble débarquer
pour faire vivre une électro bien trop monolithique par moment ou plutôt par
endroit. The Whitest Boy Alive, où l’impression de gouter au divin alors que
les ingrédients sont extrêmement simples. C’est un fait : un concert open
air, organisé à la va-vite, pourrait bien noyer la qualité du travail fait en
studio. On prendra ainsi connaissance des compétences des préposés au son avec
le groupe d’ouverture, les – très – sympathiques Kakkmadafakka, proches des
germano-norvégiens. Sous des atours légers, force est de remarquer en eux de
grandes habilités rythmiques et scéniques. Avec leurs gueules de beaux gosses
scandinaves directement sortis d’un youth movie, Kakkmadafakka troussent
cependant de remarquables pop songs, parfois proches du quartette à Øye, des Mando Diao d’un
bon soir, et du raggea sans aucune nonchalence, avec des paroles faciles, un
peu couillonnes. On ne donnerait pas femmes et enfants pour ce groupe, mais il
y a là derrière de sacrées aptitudes qui pourraient bien déboucher sur quelque
chose et non plus seulement contenter les kids de Bergen, Malmoe ou de
Copenhague. Parmi les points importants, à noter le duo de choristes
improbable, tentant le tout pour le tout, aussi peu synchronisé que les Ting
Tings sur scène. Associé à une gouaille proche des Happy Mondays, des dégaines à
la Mick Hutnall (Simply Red), des belles envolées rythmiques, le groupe fait
une prestation optimale en prévision de ce qui nous attend.

La bonne affaire donc : les éclaircies accompagnent la
venue des Whitest Boy Alive sur scène. On espère secrètement un niveau sonore
supérieur à celui de l’ouverture et on jubile tout en se demandant comment donc
en Francophonie on arrive à ne pas faire de grève de la faim devant la soupe
fréquemment offerte par les festivals / foires à la saucisse. Bref, ”Keep a
Secret” pour lancer dans une veine jazzy le concert. Il faut presque tendre
l’oreille pour entendre ce formidable clavier Crumar 1978 s’enrober dans la
voix indécente d’Erlend Øye.
Sa tignasse rousse, ses lunettes rondes XL, son anorak bleu se plient pour
réclamer plus de gentillesse de la part des vigiles pour les premiers rangs de
la même façon qu’un entomoligiste rouspéterait sur un coléoptère : c’est
très drôle, touchant et surtout efficace. Erlend désire bien recevoir ses
invités d’un soir, c’est compris ? Le concert reprend avec ”Dead End“,
puis l’affable ”Gravity” suivi de ”Intentions”. En parcourant le répertoire de
leur dernier album – RULES – le groupe se met en place, gentiment. La soirée
sera longue et belle. ”Time Bomb” nous boute doucement de notre tendre torpeur.
Ce son qu’on ne croyait pas suffisant s’introduit gentiment corps et âme. On
zappe rapidement ”Rollercoaster Ride” pour se célébrer jovialement ”Burning”,
titre inaugural du projet Whitest Boy Alive (2006) et en tête de liste des
préférences d’un public aux anges.

Joie cafardeuse

On y danse gentiment, sans prétention, juste pour le plaisir
d’être présent. On dit parfois qu’un public reflète fidèlement la mentalité
d’une ville : ici, à la coule, bon enfant, tolérant mais aussi connaisseur
sans faire semblant. Et surtout généreux. Tant mieux, la suite du concert prend
des allures de triomphe et de célébration. ”Courage” fait chanter en chœur les
2000 personnes présentes, ”1517” est joué à la perfection après un court break,
histoire de préparer les derniers assauts harmonieux. Ca sent la fin : les
premiers accords du superbe ”Island” sont joués et on se prend déjà à regretter
ce concert. En sept fascinantes minutes, les quatre instruments des Berlinois créent
une brèche dans nos carapaces. Les paroles semblent presque superflues :  « I think you got mixed up with
care / Taking care, taking care ». En rappel, le très beau ”Don’t Give
Up”, où l’on se croirait presque face aux trop rares Kings of Convenience, puis
la reprise surprise de ”Show Me Love” de (l’énorme tube disco de Robin S de
1993), adroite et parlante sur les vastes influences du quartette. Comme quoi
on peut toucher la grâce en citant du trivial. Le double tour de montre est
presque atteint le temps d’inviter tout le public à un after show dans la
petite salle du Tape (« Enfin, pas tous, seulement ceux qui en ont
vraiment envie, sinon on ne pourra pas faire rentrer tout le monde. Enfin, venez
tous sinon on sera seuls » dixit le toujours aussi cocasse Erlend Øye). Lumières de scène
éteintes pour mieux apprécier le coucher de soleil sur la ville qui ne dort
jamais. Joie cafardeuse d’avoir assisté à un grand truc, en toute simplicité. Sûrement
la marque de fabrique de ces décidément passionnants Whitest Boy Alive.

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The Whitest Boy Alive

Rules (2009) / Label: Bubbles

Chroniqué par Antoine Tille le 31 mars 2009

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