Nox Orae 2016

Avec une capacité d'environ mille deux-cent personnes, la Nox Orae permet d'apprécier des groupes qui font la tête d'affiche de grands événements (comme le Primavera Sound à Barcelone) dans des conditions intimes. Cette année, The Thurston Moore Group et The Brian Jonestown Massacre ont couronné les deux soirs de la première version "sold out" de ce festival à deux pas de Vevey (le samedi 28 août), lequel fête sa septième année.

 Les locaux de Zahnfleisch ont ouvert les feux avec un morceau hypnotique et long, aux percussions tribales, aux voix éthérées résonant grâce à des échos et à la basse profonde et répétitive. Le groupe veveysan a ensuite entamé des chansons déchaînées et énergiques plus proches de leur répertoire habituel, flirtant avec le rock garage et la kraut allemande des années 1970. Le public s'approchait de la scène, mais une grande partie se baignait encore, en appréciant le splendide coucher du soleil, ou buvait des caipirinhas et des bières au bord des quais. Ceux-là ont vécu une expérience unique, celle d'écouter un concert depuis l'eau.

 La soirée a continué avec les algériens d'Imarhan, qui mélangent blues et musiques africaines traditionnelles. Le groupe a su enflammer la scène avec leurs percussions sensuelles, leurs guitares en transe et leurs voix entraînantes, en prodiguant des chansons chaleureuses et à fleur de peau.

 

Le programme de la Nox Orae pour cette édition est d'ailleurs conçu de la façon suivante: d'abord, un groupe local (Zahnfleisch, Disco Doom), ensuite un exposant des musiques du monde en lien avec le rock psychédélique (Imarhan, Kikagaku Moyo). Nous passons plus tard à une tête d'affiche (Thurston Moore Group, Brian Jonestown Massacre) et nous finissons avec un groupe hypnotique (Spectrum, Föllakzoid). Cette structure fonctionne de façon élégante, avec des soirées qui se déroulent sans hâte et en plein émerveillement.

 Après Imarhan, The Thurston Moore Group offre un concert explosif. Moore commence avec sa magnifique 'Forever More', une chanson d'amour et de désir à la structure répétitive et intense. L'ancien guitariste de Sonic Youth crée sur scène des symphonies soniques au son sauvage, accompagné par l'énergique bassiste Debbie Googe (My Bloody Valentine) et par l'excellent James Sedwards à la guitare.

 

Le répertoire inclut des morceaux du dernier album en solo de Thurston Moore, THE BEST DAY (2014, Matador), lequel a été enregistré avec son band actuel. Ce vendredi-là, le musicien joue aussi de nouvelles compositions ainsi que des classiques de son premier disque en solitaire, PSYCHIC HEARTS (1995, Geffen), dont l'inquiétante 'Ono Soul'. C'est en live que ce groupe s'apprécie le mieux, car les chansons sont interprétées passionnément sous la forme de jams.

 La nuit s'achève avec Spectrum, le projet rock de Pete Kember (ex- Spacemen 3). L'anglais commence son set avec l'entrainante 'How you satisfy me', accompagné par un musicien. Les deux s'appliquent à la guitare et aux claviers. De son ancien groupe, Kember joue une très planante 'Transparent radiation'. Le concert part ensuite dans une longue envolée psychédélique avec la chanson 'Big City', aux allures new wave et électroniques, proche des Chemical Brothers et Underworld.

 La soirée devient alors floue pour conclure en splendeur. Il est impossible de dire combien de temps a duré vraiment ce show, tellement la perception est altérée par l'état d'hypnose provoqué par la musique de Spectrum. Les assistants restent un moment au bord du lac après la fermeture de l'enceinte du festival. Le public y traîne jusqu'à tard, avec même une jam improvisée aux voix et à plusieurs guitares.

 

Samedi, c'est aux suisses de Disco Doom d'ouvrir la soirée. Le quatuor arbore son rock aux sonorités indie nineties avec panache, en se rapprochant de Sonic Youth. Avec Peter Kernel et Ventura, il s'agit certes d'un des groupes les plus intéressants et prenants de la région dans ce style bruitiste et enveloppant.

 Par la suite, les japonais de Kikagaku Moyo inondent l'espace avec des mélodies venues d'autres temps et d'autres lieux: la musique indienne, le psychédélisme improvisé des années soixante, la kraut allemande et la folk américaine. Ce voyage sonore laisse place à The Brian Jonestown Massacre, le groupe d'Anton Newcombe, qui est devenu une icône de la scène psyché des 30 dernières années. Ce musicien compose tous les morceaux de son groupe et il joue en studio tous les instruments (il en maîtrise une centaine!), hormis quelques collaborations.

 

Les tournées des BJM sont devenues plus rares et le mythe autour du groupe s'est amplifié, en partie grâce au documentaire DIG. La soirée affiche donc le premier complet dans l'histoire du festival. Le concert commence et les morceaux choisis correspondent au répertoire le moins expérimental d'une discographie pourtant riche en innovations stylistiques, pour se centrer sur les tubes, c'est-à-dire des compositions dont l'intérêt gît dans l'aspect "chanson", avec un côté Rolling Stones-Beatles au classicisme indéniable.

 La bière coule à flots au point que les tireuses se cassent. 20 milles litres se sont écoulés selon Jean Patrick Perrin, responsable du bar. Les chiliens de Föllakzoid font la clôture de cette septième édition de la Nox Orae en grandeur. Leur présentation expansive est jouée en effet sous LSD. Le son hypnotique et répétitif des sud-américains crée le rite à la façon des cultures aborigènes qui les inspirent. La nuit s'achève donc entre émerveillement et spiritualité.

 

L'été commence avec le Kilbi et finit avec la Nox Orae. L'été est mort, vive l'été.

 

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