Midlake, quintette de Denton, Texas, livre un troisième album hors du temps, choquant, merveilleux. En un mot : du Midlake.

Midlake: un choc

Midlake, quintette de Denton, Texas, livre un troisième album hors du temps, choquant, merveilleux. En un mot : du Midlake.

Du Midlake oui, mais qui a su évoluer, laisser d’autres influences rentrer dans son clan, pour passer d’un soft rock à un certain classiscisme en dix ans de carrières. Pas forcément les premiers de classe, ces texans avaient toutefois marqué les années 2004 et 2006 avec deux albums cependant hors normes, avec BAMNAN AND SILVERCOCK et THE TRIALS OF VAN OCCUPANTHER. Aussi doués pour les titres d’albums absurdes que pour confectionner des fragments éblouissants, ils avaient depuis presque quitté le circuit, comme épuisés par une tournée sans fin, un succès certain mais pas suffisant pour ne pas être totalement grillé, faute de sécurité. On n’osait plus y croire, s’accrochant à des titres comme “Balloon Maker”, “Mr. Amateur”, “Roscoe”, ou encore “Young Bride”, où Fleetwood Mac et Crosby, Stills, Young and Nash n’étaient pas très loin. Depuis, Fleet Foxes ou autres Le Loup étaient passé par là afin de réchauffer nos entrailles. L’attente d’une nouvelle aventure de Midlake n’en était que plus attendue.

 

Un choc

 

Emmené par Tim Smith, le groupe revient ainsi sur la pointe des pieds en 2010. Toujours chez le précieux label Bella Union, les anciens étudiants en jazz s’ouvrent à de nouveaux horizons avec leur album, intitulé THE COURAGE OF OTHERS. Et du courage, il en fallait, au vu du résultat d’ensemble, dense, homogène, sans titre accrocheur, travaillé avec une méticulosité à l’extrême, complexe. En un mot : de la folk pop promise à l’échec commercial (le LP est tout de même classé 18ème des charts anglais). Si sa pochette effrayante (cela n’a jamais été leur fort) n’est donc pas des plus avenantes – en hommage au film de Andrei Tarkovsky, Andrei Rublev, datant de 1966 – l’intérieur pourrait nous faire tourner les talons (images du groupe enregistrant, liste entière des milliers d’instruments et des invités : on a eu vu plus excitant). De plus, son contenu n’est non plus pas d’un accès des plus aisés. Mais on a jamais demandé à Mozart de faire de la pop music, ni à Claude François d’écrire des bons morceaux. A chacun son truc. Et Midlake ne déroge pas à la règle, sa règle, ses conventions, sa lenteur apparente, sa prétendue lourdeur et une apathie certaine. Nonobstant ces attributs qu’on se plairait à contredire, l’écoute de cet album est indéniablement un choc devant un tel acte de bravoure. On n’en ressort pas fatigué mais bien transfiguré. Et surtout inspiré. Comment éviter l’éloge devant une telle œuvre ? Comment écouter encore Kaiser Chiefs après avoir aperçu la grâce ? Midlake nous rend meilleur et condense en onze titres autant de bon morceaux que la production folk-pop annuelle.

 

 

 

 

Ce “Masterpiece” débute avec le fragile “Acts of Man” qui annonce un Midlake s’inscrivant dorénavant dans un folk-rock british, proche de Fairport Convention ou Steeleye Span. Arpèges posés, résonnances, flutes font de ce morceau d’une simplicité apparente un premier jet d’une collections de morceaux flamboyants. A écouter en boucle pour débuter, tant tout semble être si parfait, ou à enchaîner sur le titre suivant, “Winter Dies”, car après tout l’ensemble voltige au même niveau dans une quasi perfection. “Winter Dies” montre lui un Tim Smith mis en avant, emmenant le groupe dans un registre ici plus prog-rock, solo de guitare y compris. Reste que ce n’est pas craignos (comme le furent Yes ou autre grotesques messieurs). « I used to feel things around me stir / Grateful for all I received » peut-on entendre Smith répéter dans un déluge pastoral. Le bien nommé “Small Mountain” reproduit les mêmes recettes de l’album tout en sachant toujours autant nuancer le propos pour apparaître étrange, comme désincarné d’une structure propre pour mieux exister en tant qu’entité même. Bientôt entendrons-nous parler de Midlake Rock, c’est impossible autrement. “Core of Nature” pourrait être du Smiths des sous-bois, avec son lyrisme émouvant et ses paroles toutes en introspection (I’ll remain no more than is required of me / Until the spirit is gone), incluant des lignes de Goethe. “Fortune” permet un léger décrochement bienvenu, moins épais, pour une ballade acoustique qui n’est toutefois pas le haut fait de l’album. Joli, sans plus, le temps de 2 minutes 4 secondes. “Rulers, Ruling All Things” nous laisse sur place, avec ses arrangements baroques d’une classe folle s’étirant dans un refrain sans fin. On croirait entendre du Eagles idéal, désincarné de leur décorum. Le temps aussi de mettre en évidence la production idéale par le groupe même, dans leur studio de Denton. “Children of the Grounds” représente l’album-même, où il faut guetter le groupe, l’attendre pour mieux se laisser saisir par l’effroi du miracle. Franchement, qui donc pourrait ne pas s’ébahir devant l’ascension géniale d’un tel morceau qu’on croirait juste pop avant d’éclater en chœur ? Une leçon, une nouvelle leçon en trois minutes chronos qu’on croirait éternité. On stoppera notre éloge de ce disque sur “Bring Down”, en duo avec Stephanie Dosen (qui a aussi collaboré avec Massive Attack et José Gonzàlez, site ici) pour un titre à la mélancolie pétrifiante. Et on pense que ce titre aurait pu / du être du Radiohead sans le virage électronique effectué un fois le 20ème Siècle terminé.


Midlake Rock

 

Récemment, Tim Smith déclarait à la presse : « je ne suis jamais satisfait avec mon travail. Quand THE TRIALS OF VAN OCCUPANTHER est sorti, j’avais déjà en tête des centaines de changements à effectuer. Mais les choses que je n’aime pas en cet album sont sans doute totalement différentes de ce que les gens peuvent croire. Je devrais être totalement occupé sur ma voix. Mais je pense devenir meilleur à mesure que je vieillis. Nous écoutons maintenant plus de musique et devenons de plus en plus confiants à mesure que nous jouons ensembles. En venir à THE COURAGE OF OTHERS est donc une chose naturelle. Bien que je pense que cela ait pris beaucoup de temps, c’est sans doute dû à mes influences et au fait que je soit tombé amouré de nouveaux styles de musique que celui duquel nous provenons (la jazz ndlr.) ». Le travail du temps est bonifiant, Midlake n’est pas au bout de son chemin. Le meilleur n’est pas encore venu, j’en mets ma main à couper.

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