Killbody Tuning

A la première écoute, l’auditeur aura immédiatement l’envie de classer le son de Killbody Tuning dans une catégorie musicale toujours controversée et souvent remise en cause, puisqu’elle définit son appartenance au rock par voie négative, celle du post-rock. Avec 47°0’40.00″N/6°42’20.00″E les Chaux-de-fonniers paraissent ainsi à mi-chemin entre Mogwai (les premiers à refuser l’appellation susmentionnée) et Godspeed you Black Emperor. Pas de révolution dans un avenir immédiat donc, mais un sacré bon disque que l’on prend plaisir à écouter et réécouter. Car oui, Killbody maîtrise parfaitement les superpositions, les longs crescendos ponctués de montées et de descentes et surtout ces explosions finales qui font du post-rock un transporteur d’âme autant en peine qu’épanouie. Ce post-rock plutôt métallique réveille ainsi en nous des sentiments tantôt complémentaires, tantôt contradictoires – apaisement, mélancolie, inquiétude ou plénitude – pour une musique qui pousse à la contemplation, voire l’introspection.

 

 

Grossièrement, la structure des 7 morceaux de ce 47°0’40.00″N/6°42’20.00″E peu paraitre plus ou moins répétitive de premier abord, puisqu’elle est composée de lentes montées caractérisées par une superposition d’instruments, puis un enchaînement de un-deux cycles (montées et descentes), pour finalement déboucher sur une explosion métallique emplie de distorsion. Dans le détail, l’ "Ara Ubiorum" introductif se construit gentiment pendant 5 :30 pour finalement s’élever et s’arrêter brusquement (un coup d’arrêt décevant que l’on retrouve sur certains autres morceaux). L’aspect répétitif de ces sons nous fait rapidement planer et ce morceau mélange à merveille lourdeur et douceur, ce qui donne une impression ambivalente à l’auditeur : il croit la musique limpide, cristalline, alors que celle-ci est en réalité fugace, difficile à saisir. Le "Seetrasse" qui suit est un peu de la même trempe. Ce titre est plutôt bien foutu car on se met rapidement à imaginer une rue pluvieuse, calme mais sombre et angoissante, à travers laquelle on retrouve l’art de jouer sur les ambivalences de Killbody Tuning. Ce titre apparait plus puissant mais aussi plus atmosphérique que le premier : une réussite, notamment à travers l’omniprésence des deux guitares. Si cet opus est avant tout instrumental, deux morceaux sont agrémentés de voix féminines pour le plus bel effet : la troisième piste, "Marker of Change", un moment très émouvant, ponctué par une voix magnifique et un brin torturée (surtout avec les vocales en arrière-plan), et qui se termine sur une note solennelle, voire héroïque ; ainsi que "Muswell Hill", morceau conclusif de l’album, de nouveau une réussite avec, ici, un son très mogwaien. "Porta Capena" et "Bamberg" nous plaisent aussi beaucoup, surtout le second dont les sonorités sont très lourdes et où la basse est très perceptible. Ce morceaux a un petit côté stoner qui se confirme avec "Mountain Home [E / 5/1]", qui, pour nous, est le clou de l’album, notamment avec un son désertique à tomber, autant intriguant, inquiétant que stressant, surtout lorsque les baguettes de la batterie se transforment en horloge : le temps nous est compté.

En définitive, Killbody Tuning nous réserve ici un bien beau cadeau, qui ne changera pas le monde mais qui fait le plus grand bien à nos oreilles. Il paraît que les Chaux-de-fonniers valent le coup en concert, on n’en doute pas… Mais surtout, ils ont un énorme potentiel à exploiter, on se réjouit donc du successeur de 47°0’40.00″N/6°42’20.00″E : bravo les gars !

 

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