FESTIVAL Du mercredi 10 novembre au samedi 13 novembre 2010, la Salle Del
Castillo à Vevey, Suisse, sera l’hôte de la première édition du Festival
Heartland. Quatre soirées et un line-up incroyable pour célébrer la
musique indie canadienne organisées par l’association Sounds Quixotic. Rencontre avec Pascal Roth, de l’association, programmateur mais aussi disquaire d’un magasin vital dans cette petite ville, Quixotic Sounds, parce que, mine de rien, tout cela est un peu compliqué. En fin de semaine, on parlera programmation.
Par quoi commencer? Par parler de la douce folie qui a pris une poignée d’idéalistes d’organiser un festival singulier, ou alors de tenter de décortiquer les caractéristiques de cette mini-embassade éphémère du Canada, ce pendant trois jours? Un peu des deux, sans doute. Reste que quand on a appris à la fin de l’été que le meilleur de la scène de Toronto risquait bien de faire le crocher par Vevey, et non pas la très prolifique Montreux, on s’interrogeait. Franchement, encore maintenant, on n’arrive pas à y croire. Peut-être devrons-nous attendre de voir débarquer Eric Chenaux et Ryan Driver sur la scène du vénérable del Castillo pour réaliser que tout ceci n’était pas que chimère. Parce que pouvoir assister à un concert des Broken Social Scene ailleurs que dans une grande ville des Etats-Unis ou d’Europe semble ne pas être raisonnable. Et l’on ne parle même pas de Buck 65. Bien sûr, tout ceci ne dira pas grand chose au fan de Julien Clerc, par exemple. Reste qu’avec un prix d’entrée aussi bas (37.- CHF par soir) ainsi qu’une très bonne converture médiatique, il n’y a pas de raison d’ignorer une telle opportunité d’en apprendre un peu plus sur une scène officiant en tant que rouage essentiel de la musique indépendante. On a donc profité de notre rencontre avec Pascal Roth, de l’association Sounds Quixotic (et du magasin quasi du même nom) pour parler du festival, mais pas seulement. Un festival qui repose sur un principe qui paraîtrait presque étrange en 2010, où la programmation a la priorité sur le reste. « On a fonctionné à l’inverse des grands festivals: on a passé trois
mois entièrement sur le line-up. On n’a jamais pensé sponsors et même espaces
de production scénique. Tout c’est joué sur les dates de tournées nord
américaines. On n’a travaillé que sur la disponibilité des groupes, en
cherchant le meilleur week-end possible pour réunir le maximum d’artistes ».
Lords of Rock : Présentations rapides ?
Pascal Roth (Quixotic Records) : à la base, c’est un
magasin de disque qui existe depuis six ans à Vevey qui s’appelle Quixotic
Sounds dont les propriétaires sont ma copine qui habite au Canada (Julia) ainsi
que moi, en Suisse. Depuis des années, je lui dis « vendre des disques,
c’est génial, on peut aussi faire DJ, on peut faire une critique d’album à la
radio ou sur Internet, mais voir le groupe sur scène est irremplaçable ».
Ca a toujours existé et le restera. De tous ces groupes dont on parle, dont mes
clients vont lire les critiques sur Pitchfork notamment, le plus important
c’est de les voir en live. Par ailleurs, les prix montent toujours plus dans
tous les festivals, dans toutes les salles de concerts. Cela devient de moins
en moins abordable, tout comme il reste difficile de découvrir des nouveaux
blogs. De là, on s’est dit qu’on allait organiser des concerts, pas seulement
des festivals, à Vevey, mais pas seulement. On a beaucoup d’espoirs de faire
venir des groupes à la salle de l’Oriental, une fois qu’elle sera rénovée. Des
groupes plus ou moins indépendants, de carrure moyenne, avec des prix hyper
abordables pour que les gens puissent accéder à ces groupes en live. Beaucoup
de gens le font déjà très bien, mais je pense qu’il reste de la place pour
d’autres. La différence maintenant : on s’est dit qu’on allait
trouver une ligne artistique avant toute chose. Pour notre premier festival, il
s’agit du Canada, indépendant. Pour la suite, on ne fera pas forcément des
pays ; on peut imaginer Chicago, qui est une ville de folie, ou bien ça
pourrait être l’Asie. Pour chaque année, on se promet d’avoir un fil conducteur
qui relie les groupes.
Qui représente donc le festival ?
Depuis des mois, Julia et moi-même travaillons pour
le festival. On s’est très vite retrouvés dépassé par l’ampleur de la tâche,
donc on a créé une association culturelle à but non lucratif basée à Vevey qui
s’appelle comme le magasin, mais inversé : Sounds Quixotic, un petit jeu
de mot en anglais. En tout et pour tout, l’association compte cinq personnes,
soit trois Canadiens et deux Suisses.
Des gens qui
travaillent aussi dans la musique ?
Le magasin de Vevey compte une amie québécoise qui y
travaille, Julie travaille elle dans un des meilleurs magasins
indépendants d’Amérique du Nord, Soundscape à Toronto. Julia est mon amie qui vient de Toronto et avec qui j’ai crée le magasin à Vevey il a 6 ans. La cinquième personne est
notre comptable et trésorier de l’association. Il s’agit donc soit de personnes
travaillant dans des magasins de disques soit de passionnés. Cette équipe de
cinq personnes a engagé un certain nombre d’externes pour nous aider, comme
production manager, attaché de presse, etc.
« A force d’aller
à Toronto pendant dix ans, j’ai eu accès à des disques, à des groupes ainsi
qu’à des concerts. Ce qui se passe là-bas est tellement intéressant alors que
peu effectuent des concerts en Suisse. Ou alors il faut à tout prix qu’il y ait
un nouvel album pour que le groupe passe, à l’instar de Black Mountain ou
encore Wolf Parade. Ou bien c’est un problème de taille de salle, ou de
problèmes de dates. Avec toutes ces contraintes, on se retrouve devant tout un
panel de groupes qui ne font jamais le crochet par ici. On s’est donc donné
comme mission de rendre accessible des groupes ici-même, à Vevey. Des groupes
qui normalement ne passeraient jamais dans cette petite ville ».
Vous ne prenez donc
pas ces groupes lors de leur tournée ?
Les ¾ du line-up vient exprès pour Heartland. C’est la folie
de ce festival : on leur paie l’avion pour un seul concert, excepté pour
Broken Social Scene. Nous avons cherché les moyens qui rendaient leur venue
pour le festival possible. Ce n’est pas facile, mais les groupes seront là,
quoi qu’il arrive. Dès l’instant que les groupes auront joué, ça sera réussi
pour nous ! On espère être encore là dans dix ans, quoi qu’il arrive cette
année. Il n’y aura pas de catastrophe de toute manière. La billetterie décolle
très doucement, mais la réponse médiatique est fulgurante (ndlr. de nombreux
articles sur des sites anglais, nord américains, notamment la référence
Pitchfork). On a reçu de nombreux compliments, de par le fait qu’on a réussi à
réunir tous ces artistes en un seul lieu. Cela n’est même jamais arrivé à
Toronto d’ailleurs. Les disquaires et personnes de l’industrie locale se
déplaceront pour l’occasion. Des programmateurs de salles suisses nous ont
félicité : parmi le line-up se trouvent des groupes qu’ils ont longtemps
tenté de faire venir chez eux. En vain.
Site web du festival: http://www.heartland.ch/
Rappel de la programmation:
Mercredi 10 novembre
Eric Chenaux avec Ryan Driver
Sandro Perri
Daniel, Fred & Julie
Jeudi 11 novembre
Snowblink
Andre Ethier
Destroyer
Owen Pallett (Final Fantasy)
Vendredi 12 novembre
Zeus
The Hidden Cameras
Broken Social Scene
Samedi 13 novembre
The Acorn
Timber Timbre
Buck 65
Do Make Say Think