INTERVIEW On le dit cramé, au bout du rouleau. Peut-être
pas, mais un peu secoué, c’est certain. Le prolixe Gallois Gruff Rhys a reçu
Lords of Rock, le samedi 5 février, sous les combles du Rocking Chair, à Vevey.
Un café fumant à la main, il traverse sa loge, tend sa pogne et gratifie son
interlocuteur d’un sourire enjoué. Avant de s’enfoncer dans le canapé, le
regard fuyant, embarrassé par la présence du magnétophone. Sur un ton
mi-sérieux, mi-rigolard, il se lance dans des explications emberlificotées. On
suit tant bien que mal.
Leader
des Super Fury Animals et moitié des brillants Neon Neon, l’artiste est de
retour avec un troisième album solo, HOTEL SHAMPOO. L’enfant terrible de la pop
anglaise pond un disque en dentelle et exorcise ses démons. Cette troisième
escapade en solitaire confirme le talent d’un Gruff Rhys enclin aux suprises.
En treize titres, il décline un répertoire pop mémorable, où se côtoie
orchestre à cordes et formation mariachis.
“Je laisse les chansons venir à moi”
Lords: Jusque-là,
comment se déroule votre tournée?
Gruff Rhys: On a commencé il y a deux semaines en Grande-Bretagne, c’était cool.
C’était la première que je jouais avec mon backing band, Y Niwl, qui assure
aussi la première partie. Et là, on arrive sur le continent. On a joué hier
soir à Paris.
Vous
êtes très occupé. Entre vos projets cinéma et musique, quand trouvez-vous le
temps de respirer?
A la fin 2008, je me suis octroyé six mois de
repos, pour pouvoir m’occuper de mes enfants. Les enregistrements, ça ne prend
finalement pas beaucoup de temps. Pour HOTEL SHAMPOO, par exemple, j’ai
seulement passé trois semaines en studios, avec aussi quelques semaines pour me
documenter. Pour deux ans d’écriture. Je n’arrive pas à écrire tout d’un coup.
Ca vient par période. Je laisse les chansons venir à moi.
Par contre, pour le documentaire Separado!, c’est
un projet qui a duré cinq ans. On a tourné bout par bout, pendant une année et
demi. Et rien que le montage nous a pris deux ans.
Et, vous
avez même réalisé votre propre HOTEL SHAMPOO…
Tout à
fait. Je joue depuis près de quinze ans. Même plus, en fait. A l’époque, je
passais déjà pas mal de temps dans des hôtels. Et chaque fois, je me disais:
merde encore ces produits, quand je découvrais tous ces trucs gratuits et
moches qu’on nous distribue. Il y a quinze ans, j’ai donc décidé de ramasser
tout ça. Et puis, l’an dernier, il y en avait partout dans ma maison. Sur les
escaliers, dans les tiroirs… Heureusement, jusque-là, ma copine a été assez
compréhensive (rires). Mais, je me suis finalement décidé à les ranger dans des
boîtes. Et là, j’en étais certain, j’en avais assez pour bâtir mon hôtel, comme
je l’imaginais, pour pouvoir aussi dormir à l’intérieur. Comme une niche. Tu
vois un peu la taille.
“On
a aussi eu des problèmes avec la police. La vraie.”
Et
comment s’est déroulé la construction?
En fait, une galerie, toute proche de chez moi,
était entre deux expositions. On m’a donc proposé de m’installer et de
construire mon hôtel durant trois jours. Durant la première journée, j’ai
sélectionné toutes les bouteilles de shampoing. Le deuxième jour, j’ai collé
tous les produits. Puis, j’ai fini par dormir dedans. Ca m’a permis de me
débarrasser de tous ces trucs, de toutes ces chansons personnelles aussi. C’est
un soulagement.
Après le
tournage de Separado!, vous avez enchaîné avec le clip de “Shark Ridden
Waters”. C’était comment de tourner avec Roxanne Mesquida?
La folie! (rires) Tu vois, je voulais montrer une
sorte d’apparition des réseaux sociaux dans les années 60’s ou 70’s. Enfin, pas
forcément une époque précise. Mais une ère assez proche de ce que l’on peut
voir dans “Pierrot le fou”, de Jean-Luc Godard. J’ai rencontré le
réalisateur, alors il m’a présenté ses idées et aussi, il m’a demandé: “tu
veux qui avec toi dans ce clip? il faut qu’on soit ambitieux (rires)”.
Même en ayant pas un sous, on lui a proposé, en pensant qu’elle allait refuser.
On a tout mis en place pour tourner en France, sans avoir le moindre permis.
Et, on ne pensait pas que Roxanne allait venir. Et, franchement, j’avais un peu
peur. Je connais rien des règles des acteurs. Je n’avais jamais joué face à de
véritables acteurs.
“On vit un peu la crise de la
quarantaine”
Ca a
aussi été assez mouvementé!
C’est sûr. Il y a aussi cette scène où je conduis la Ford Mustang rouge.
Et, Roxanne me tape sur la tête, me lance des choses, me tape. C’était fou! On
a aussi eu des problèmes avec la police. La vraie. On a dû quitter un village
où l’on tournait. Une vraie aventure (rires).
Dans la
vidéo, vous êtes déconnecté de la réalité. Etes-vous le même dans le quotidien?
Mon amie m’accuse toujours d’être distrait par cet
univers virtuel. Pourtant, je mène une vie tout ce qu’il a de plus normal, dans
une petite maison, avec des animaux. Le clip est une version fantaisiste de ma
vie.
Il vous
reste encore plusieurs semaines de concerts, après ça, vous avez des projets?
Je vais aller présenter un peu Separado! J’ai bien
envie de me lancer dans un petit projet de bande-son, cette année.
Et pour
Super Furry Animals?
Notre dernier album remonte à 2009. Depuis, on a
fait des bébés, on a aussi d’autres projets. On vit un peu la crise de la
quarantaine. Une fois que ce sera terminé, on sera prêt à se lancer dans une
grosse tournée (rires).