Willis Earl Beal

Lorsque l’on regarde les titres des chansons, le ton est assez clair : amis de la gaudriole et des dancefloor transpirants passez votre chemin ! Avec “Too Dry To Cry”, “Ain’t Got No Love”, “Burning Bridges” ou encore “What’s The Deal”, Willis Earl Beal veut nous parler d’émotions pures. Les chansons se partagent des influences entre le blues old school et les balades indies, riches en sons chauds ou au contraire très bruités, mettant en avant chaque fois sa voix qui se fait rocailleuse et sans concession, limite enjôleuse, mais qui finalement vous prend au piège dans les recoins intimes de votre âme.

L’impression globale est que le jeune homme a vécu plusieurs vies et qu’il exorcise ses démons : il s’engage contre une vie où l’on n’a de cesse de vider l’âme de sa substance. Il semble dire : « Regardez la misère sociale, sentimentale ou sexuelle dans laquelle on vit et pas que les sans-abris et autres marginaux ». D’ailleurs, l’album s’accompagne d’un manifeste de l’artiste où il revendique que la société moderne a détruit l’âme individuelle pour la remplacer par une représentation creuse de la liberté : la société mettrait en avant la compétition dans le but de maintenir en place le régime ultralibéraliste. Et pour cela il exhorte les gens à se détourner des mass-médias.

Comme sorti de nulle part, il commence l’album par un “Wavering Light” a capella tout en émotion dans lequel il nous livre ses errances comme une carte postale du hobo américain. S’ensuit un titre plus militant “Coming Through” avec comme guest star rien de moins que Cat Power – quoi de plus normal car ils ont des univers musicaux proches. Avec une intro parlée comme un petit clin d’œil musical à Isaac Hayes, il se pose dans ce titre un peu en porte-parole d’une contreculture prêchant l’indignation lorsqu’il dit « Just wait and see / It’s gonna be empty / Everything you do, / The truth is coming through ».

A d’autres moments de l’album, Willis nous emmène sur d’autres versants de notre âme : “Too Dry To Cry”, mélopée chamanique on ne peut plus explicite lorsqu’il entonne “I got nine hard inches like a pitchfork prong / So honey lift up your dress and help me sing this song” et qu’il continue sur le refrain : “No no, don’t leave me hanging like a spider with no fly / Cause I’ve been hanging on the walls cause I’m too dry to cry”.

Tout au long de l’album, Willis Earl Beal joue avec sa voix de l’âme de l’auditeur comme d’autres jouent d’un instrument. Si certains titres laissent cloué sur place, d’autres sont plus légers et l’on sent que Beal veut apaiser ses démons. D’ailleurs dans le trio de chansons clôturant cet album, le ton se fait moins lourd et laisse respirer l’auditeur, notamment avec “The Flow” qui invite au lâcher prise.

La musique de Willis Earl Beal est très puissante et emplie de ses émotions sans aucunement tomber dans le pathos car authentique. Il réussit, un peu contre notre gré, à nous convier dans son monde de révolté, de jeune homme en colère qui veut faire bouger les choses. Cet album tranche avec le précédent en cela que la production est nettement au-dessus et qu’il se permet d’explorer d’autres terrains.

Dès lors, la voix est encore plus mise en avant et se fait plus rocailleuse qu’avant. Avec des chansons très belles et des émotions pures (trop peut-être ?) cet album ne laisse personne indifférent. Les orchestrations sont originales voire iconoclastes, ce qui peut le rendre difficile d’accès. Néanmoins il détone agréablement parmi les productions actuelles ayant tendance à avoir au final toutes le même son. Willis Earl Beal a réussi sa transformation avec NOBODY KNOWS après un essai marqué avec ACOUSMATIC SORCERY.

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