A l'honneur dans notre dossier "Le clip en question", le film Stop Making Sense, réalisé par Jonathan Demme, sur les New-yorkais de Talking Heads. Un essai cinématographique à voir absolument pour tout apprenti clippeur.

Le clip en question: Stop Making Sense

DOSSIER A l’honneur dans notre dossier “Le clip en question”, le film Stop Making Sense, réalisé par Jonathan Demme, sur les New-yorkais de Talking Heads. Un essai cinématographique à voir absolument pour tout apprenti clippeur.


Captation vidéo de quatre concert des Talking Heads au Pantage Theater d’Hollywood en 1984, Stop Making Sense est toutefois présenté comme un véritable film par le réalisateur et clippeur Jonathan Demme. Il présente à ce propos de nombreux intérêts, tant visuels que cinématographiques en se singularisant de la production habituelle de concerts de rock de par ses nombreux choix artistiques. Cette rupture peut s’analyser sous différents angles : technologie requise pour les besoins du tournage, précision de la mise en scène, interrogation de l’espace-temps propre au concert, intertextualité, déconstruction du genre ainsi que simulacre de la réalité. En filmant le groupe new-yorkais, Demme choisit un dispositif cinématographique singulier pour ce domaine: en utilisant huit caméras 35mm, il possède donc une perspective différente, ce qui lui permet par exemple de se laisser librement guider par les mouvements de corps plutôt que tenter de suivre les musiciens sur scène par des mouvements ininterrompus de caméras. De même, il peut aussi tourner des plans impossibles à obtenir dans une configuration classique (jeu du batteur tourné comme sur un rail, librement autour de lui, mais aussi l’entrée en scène du leader David Byrne filmée en travelling, près du sol).

Huit caméras 35mm

Stop Making Sense possède aussi cette intention de raconter la véritable histoire du groupe new-yorkais (débuts acoustiques de Byrne jusqu’à la formation multi-éthnique composée de membres de Parliament) en douze morceaux qui sont donc autant de chapitres historiques de Talking Heads. Par là même, on peut relever la précision de la mise en scène : éclairages – souvent bichromiques -habillements, chorégraphies et fonds (neutres ou en forme de textes ou colorés) collent aux morceaux, où chaque plan est filmé au millimètre près, sans hasard, opérant là aussi une rupture profonde avec le concert traditionnellement capté. Chaque musicien est un figurant, un acteur, arrivant l’un après l’autre sur scène, jouant sa partition et son rôle. A l’instar de nombreuses vidéos en art, le film explore la représentation du corps dans l’espace, ses déplacements, son impact sur l’environnement et sa représentation par la caméra.Quand David Byrne s’encouble lors du morceau d’ouverture, ”Psycho Killer”, la musique dérape elle aussi, le tout filmé avec une grande précision. Quand le groupe effectue une chorégraphie sur ”Burning Down The House ”, tout se fait naturellement, instruments dans les mains, sans faute technique. De fait, on se retrouve rapidement confronté à la notion de la réalité du concert, d’autant plus que l’on aperçoit lors du premier plan large le décors de la scène hollywoodienne. Est-ce une vraie scène de concert ? Est-ce un théâtre ? Est-ce un studio de cinéma avec de faux spectateurs (à l’acclamation ici anecdotique) ? L’interrogation de cette déréalisation se trouve renforcée tant par les décalages sonores consécutifs à la mauvaise synchronisation du son et de l’image que par le dénuement des traditionnels artifices de concerts.

En collaboration avec Byrne, Demme désirait aussi effectuer une dérision de la représentation d’un groupe de rock, provoquant ainsi une rupture avec le sérieux des années 70 (on peut inscrire les Talking Hands dans la lignée – tardive – de l’émergence de la scène underground et notamment de la performance). Toujours en rupture avec les codes du genre, non seulement aperçoit-on l’envers du décors mais l’on se trouve régulièrement confronté à la vision du travail des roadies, travaillant sur scène pour amener les éléments durant les morceaux, et non pas en interlude. On y voit par conséquent une présence inhabituelle du hors-champ – totalement choisie et même mise en scène – ce qui montre là aussi que ce film n’en est pas vraiment un, se trouvant dans un entre-deux. Comme nombre d’artistes utilisant la vidéo, Demme cherche autant à casser les règles (cinématographiques voire télévisuelles, artistiques, techniques), à transcender les genres artistiques, via le groupe et son métissage culturel et social, qu’à proposer un discours sur le film en lui même et sur l’art, tout en donnant une nouvelle dimension à la prestation scénique. On peut rapprocher ce film à l’esthétique épurée – où l’artiste se retrouve seul face à son œuvre – à la vidéo Western Recording de Mathias Poledna tout comme aux travaux de Bill Viola ou de McCarthy. Comme chez nombre d’artistes d’avant-garde, on saisit en les concepteurs de Stop Making Sense un reflet du refus du conformise et de la banalité.

Talking Heads

STOP MAKING SENSE

Réal. Jonathan Demme (1984)

Film à retrouver en intégralité ici

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