Soyons clairs d’entrée de jeu : je ne connais rien, ou très peu, au hip hop. J’ai subi pendant des années les clichés graveleux de ce que nous offrait MCM dès le petit matin, avalant mon petit déj’ dans ma chambre car la petite sœur était maîtresse de la télécommande dès les premières lueurs de l’aube. Restée très longtemps dans une attitude de rejet, il n’est peut-être pas judicieux de me confier le nouvel album d’un enfant du Good Life Café, haut lieu qui faisait entendre la voix des rues de Los Angeles qui prit la forme du hip-hop underground. Un bon exercice pour moi : Pigeon John massacre avec son flow tous ces préjugés qui se sont installés dans mes oreilles depuis l’adolescence et offre un hip hop bluesy bien pensé et bien pensant.
Qu’est-ce qu’il reste ici du hip hop tel qu’on croit le connaître?
Dans cette nouvelle galette, DRAGON SLAYER, Pigeon John mobilise de vrais instruments, des compatriotes au talent reconnu (General Elektriks) , et s’est attelé lui-même au boulot de mixage. On découvre un hip hop – mais ce jeu hilare sur les styles discrédite bien vite cette appelation – délivré d’une attitude grognonne et des normes de la sur-virilité. Pigeon joue et s’éclate, traite ses sujets avec humour, on le rejoint dans cette fête dès le premier titre, un vrai tube toute saison, "The Bomb" (que vous aurez déjà entendu si vous vous perdez parfois devant le Grand Journal de Canal+) où un synthé à la Scouby Doo fait échos aux tappages bien inspirés de la musique noire et au funk. Viendra des dérappages psyché dans "Dude, it’s On", la basse érotique et l’élan rock de "Hey You", une touche vieillotte avec le clavecin de "Buttersoft Seats" ; on change d’époque à chaque titre, quoique la production rend le tout très 90’s.
Une diversité qui le fait un peu perdre pied de ces racines, on peut se demander au fond qu’est-ce qu’il reste ici du hip hop tel qu’on croit le connaître, hormis le chant. Innovation ou retour aux sources démystifiées, on ne sait pas très bien. Qu’importe, tape des pieds, tape des mains.