Faire une interview reste toujours pour moi une expérience étrange. Déjà il faut le préparer, chercher des questions pas trop débiles ni trop étranges. Ensuite en plein festival c’est le stress, vous appelez pour fixer un rendez-vous et on vous rappelle en plein concert pour changer l’heure, alors il faut être prêt en permanence, au cas où. Et quand finalement ça commence, et bien la plupart du temps j’ai la bête surprise de me rendre compte que la personne que j’ai en face de moi, peu importe son niveau de célébrité, est simplement quelqu’un de normal – au moins en grande partie.
Micachu en l’occurrence est une jeune londonienne de 22 ans, prodige de la musique qui s’intéresse autant à la pop qu’au grime tout en étudiant à la prestigieuse Guildhall School of Music and Drama. Elle sort une mixtape, un album et a composé l’année passée une pièce pour l’orchestre philharmonique de Londres. Eclectique donc, et créative, si Micachu se préoccupe des conventions c’est avant tout pour les dépasser…
Alors, première chose, comment allez-vous et comment vous avez trouvé votre public ce soir ?
Et bin je vais bien, ouais et c’était bien.
Vous avez dit au début que vous appréciez le festival…
Ouais vraiment, le public était vraiment sympa et c’était cool qu’autant de gens soient venus pour nous voir.
Vous avez produit pendant longtemps et maintenant vous jouez aussi en live avec un groupe, The Shapes. Pourquoi, et comment vous avez fait cette transition, passer d’être toute seule à être sur scène et avec un groupe ?
J’étais en train de faire ce disque et j’avais besoin de le jouer live d’une manière ou d’une autre. En plus je voulais vraiment monter un groupe depuis longtemps et j’avais besoin d’un batteur et de quelqu’un au clavier. J’ai demandé à Marc et Raisa de tourner avec moi, donc on s’est juste mis ensemble et c’était vraiment amusant, vraiment bien, une bonne expérience.
Au début il paraît que vous appréciez pas trop la scène, et maintenant ?
Maintenant c’est beaucoup plus fun ! Je pense que c’est surtout, tu vois, je devenais parano. Si tu collectionnes les disques et que t’es à fond dans la musique, t’es très critique sur la musique des autres et donc tu l’es dix fois plus sur ta propre musique. Et c’est sain mais parfois… Nous on a été très chanceux parce qu’on est sorti et on a eu tous ces concerts directement un peu partout et on a juste essayé de s’amuser. C’est juste une expérience à vivre.
Et comment vous avez rencontré The Shapes, ils étaient au même conservatoire ?
Ouais exactement.
Alors est-ce qu’il y avait des affinités musicales entre vous ?
La chose qu’on a en commun c’est qu’on fait de la musique électronique, ils étudient la musique électronique et moi aussi, mais on a des goûts musicaux très différents vraiment. Marc est à fond dans tous les anciens grands groupes comme les Who, Cream, et c’est un grand fan de drum’n’bass, il produit de la drum’n’bass. Et Raisa écoute beaucoup de groupes de rock nordiques et elle connaît beaucoup de choses d’un peu partout, elle sait qui vient de tel ou tel endroit et c’est plutôt… inhabituel je suppose.
Ca a l’air de plutôt bien marcher en tout cas. Vos influences sont assez écléctiques : vous faites de la musique pop et vous étudiez au conservatoire, est-ce que c’est dur de vivre dans ces deux univers différents ?
Hm non, je pense qu’ils sont plus liés que les gens le pensent. Beaucoup de ceux qui étaient dans les groupes dans les sixties, c’était des vieux types qui avaient étudié la musique aussi. Ce qu’on étudie à l’université en musique, composer et tout ça, c’est simplement des capacités qui nous servent après.
Alors c’est quoi vos influences principales, qu’est-ce que vous écoutiez quand vous étiez adolescents ?
Pas mal de garage anglais, et… du Captain Beefheart, des supergroupes…
Et qu’est-ce que vous écoutez maintenant, quand vous êtes en tournée par exemple ?
Beaucoup de hip-hop, du grime, j’ai fait une mixtape [NDA : Filthy Friends], Toddla T, Golden Silvers…
Plus généralement, qu’est-ce que vous pensez de la scène musicale anglaise ? Est-ce qu’il y en a vraiment une ou c’est juste un terme inventé par les journalistes ?
Je pense que de toute façon on a évidemment des liens qui nous rassemblent, mais les “scènes”, ce genre de truc, c’est souvent rétrospectif, c’est quelque chose que les gens décident après coup. Mais quand vous êtes là, que vous le vivez vous en avez aucune idée. Tu fais des concerts, tu vois des groupes, mais c’est assez éclectique pour ce qui est du son.
Est-ce que vous pensez pas que l’opinion du New Musical Express est parfois… écrasante ?
Oh ouais, ouais, ils sont genre “LE NME” et ils ont le pouvoir. Ouais, c’est difficile parce que… moi je ne pense pas que ça spot un très bon magazine et ça défie pas les gens, ça ne les pousse pas à vraiment être curieux et écouter des choses qu’ils devraient pas. Le NME, c’est pour être cool et ça me concerne pas parce que ce n’est pas tellement pour la musique mais plus pour l’image.
Votre musique est définie comme pop mais elle est pas vraiment conventionelle, qu’est-ce que ça veut dire “pop music” pour vous ?
C’est plus en rapport avec la structure, trois personnes, trois instruments, une basse forte, des chansons courtes. Dans notre réseau musical, les concerts qu’on fait et les choses qui nous entourent nous désignent comme “pop”, mais c’est un peu paresseux comme désignation.
Donc c’est plus un cadre ?
Ouais c’est ça, un cadre exactement.
A propos d’un nouvel album, vous travaillez déjà dessus, vous avez des idées ?…
Des tas, des tas ! On va le faire plus avec le groupe, et nous-mêmes…
Il sera aussi enregistré avec Matthew Herbert ?
Non pas nécessairement, il sera certainement toujours dans le coin pour aider, mais on veut essayer et le faire nous-mêmes. Pour apprendre. Mais il est content de nous aider.
Et est-ce que vous serez encore là demain pour Sonic Youth ?
Non, je suis assez triste à ce propos, ça va être incroyable. C’est tellement un chouette festival !