Lords of Rock se penche sur l’année écoulée et ressort ses chroniques des meilleurs albums, interviews et concerts. Aujourd’hui, place tout simplement au meilleur album sorti ces 365 derniers jours.
PASSION PIT
MANNERS
J’ai un menu souci avec les années 80 : je les ai vécues. Et niveau musical c’était pas vraiment ça (même si les années 2000 sont pires). Alors évidemment, le revival 80’s actuel, je ne vais pas dire que ça m’enchante particulièrement. Ou disons plutôt que tant que ça ne concernait que Madonna, Kylie Minogue et toute la daube Eurodance / R’n’B actuelle ça ne me dérangeait pas trop. Mais maintenant que ça touche aussi la musique que j’aime, c’est plus problématique. Passion Pit donc. A priori, ce quintette américain extrêmement jeune originaire de Boston possède absolument tout pour me déplaire : un son 80’s éhonté (des œillades permanentes à Prince et à tout un tas d’autres trucs beaucoup moins dignes, des synthés ‘vintage’, des gimmicks sonores identiques à ceux qui peuplaient à peu près tous les tubes de 1986…), un premier single, “Sleepyhead” qui a engendré une hype énorme mais qui pourtant ne casse pas des briques (c’est sympa, mais niveau compo c’est très léger), et un leader envahissant aux déclarations parfois embarrassantes de mégalomanie Gallagherienne cocaïnée (le jeune homme se prend grosso modo pour le nouveau maître du monde). Vraiment, qu’est-ce que j’aurais aimé détester Passion Pit et ce premier album, intitulé MANNERS. Malheureusement, après plusieurs écoutes, je suis bien obligé d’en convenir : c’est vachement bien.
Bon attention. MANNERS n’est pas un chef-d’œuvre irrésistible, ni même un disque qui va autant marquer les esprits qu’ORACULAR SPECTACULAR l’an dernier. Non. Mais quand même. Quand même il se passe quelque chose dans ce CD. C’est que le leader maximo du groupe a des idées. Beaucoup d’idées. Parfois 15 par morceau. On sent vraiment une frénésie créative quasiment tout au long du disque, ça part parfois dans tous les sens, et ça c’est impressionnant (pour être méchant, voulez-vous que je fasse la liste des groupes qui au cours de cette décennie ont fait des albums entiers à partir d’une seule idée ? – l’idée en question étant souvent : « Hé les gars, si on se faisait une super coupe de cheveux pour plaire aux filles ; hein ? des chansons ? mais pour quoi faire ? »-). Et puis le leader, là, Michael Machinchose, il sait écrire. Des chansons. Des arrangements. Et même des paroles joliment dépressives. Il sait composer des trucs bien tordus qu’il parvient (presque toujours) à rendre accessibles au plus grand nombre à grands coups d’irrésistibles mélodies super pop.
Au milieu de tout ça, il y a deux singles totalement imparables qui pourraient cartonner grave si jamais MTV décidait de les passer en boucle comme du Jason Mraz : l’excellent “The Reeling”, qui sonne comme un croisement pas si improbable que ça entre Phoenix et Justice (il s’agit là probablement de l’un des morceaux de l’année) et le presque aussi efficace “To Kingdom Come”. Malgré une fin un poil faiblarde (une habitude semble-t-il ces derniers temps), le reste de l’album, sans être aussi accrocheur, tient, globalement, méchamment la route. Le tout sonne moderne (oui, dans les années 2000, pour sonner moderne il faut sonner eighties, allez comprendre…), le chanteur possède une voix intéressante, capable de monter très haut, et pour qui écoute ses disques au casque, ça y va à fond la caisse à coup de guitares, de synthés, de clochettes, de cuivres, de chœurs d’enfants…
Alors au final, que manque-t-il à MANNERS pour être un grand disque ? Eh bien même si le leader maîtrise l’art pourtant très britannique de glisser des paroles dépressives sur une musique d’apparence joyeuse, il manque sûrement un peu de profondeur. MANNERS c’est quand même un peu de la pop gentillette, c’est frais, c’est léger, c’est dansant, bref c’est le parfait disque de saison, mais pas tellement plus pour l’instant. MANNERS n’a pas le côté universel d’ORACULAR SPECTACULAR. Alors même si on fera peut-être la fête tout l’été dessus, il n’est pas sûr qu’on ait encore envie de l’écouter au moment où l’automne sera venu.
Article écrit par Crocodile Duffy le 27 juin 2009
THE XX
INTERVIEW
En exclusivité, Lords of Rock a rencontré le trio le plus encensé du moment, les londoniens de The XX. Un long entretien pour parler de leur approche musicale, leurs premières amours, leur tournée actuelle. En toute humilité.
18h30, salle du Transformateur, Fribourg. Les portes de l’établissement sont encore fermées. Ca caille dehors: nuit tombante, bise, brouillard, un parfait temps pour appréhender le phénomène XX et leur pop glaciale. Sauf que si l’on pouvait y rentrer, on leur serait reconnaissant. C’est que The XX aurait planté tout leur planning interview de la journée et serait arrivé 3 heures en retard pour le soundcheck. Lorsqu’on nous ouvre enfin la porte, on nous apprend que le bar ouvrira 2 heures plus tard que prévu, histoire de laisser au groupe (ainsi qu’à The Present) le temps de s’approprier les lieux. Le destin veut que nous soyons donc les seuls à pouvoir interviewer le trio, tout fraîchement arrivé d’Espagne. Aux rythmes digitaux, Jamie Smith – producteur de l’album par ailleurs – à la guitare, Romy Madley Croft et à la basse Olver David Sim. Trois jeunes gens courtois, très méticuleux dans les réglages et surtout discrets à l’extrême. Leur simplicité ne sied pas aux normes de la hype, hystérique et hédoniste. Nonchalents, les XX ne restent pas moins des gens intéressants et conscients de leurs limites.
” La musique avant tout “
Leur album – XX – avait paru fade à quelques exigeants du métier (moi y compris), demandant souvent de montrer pate blanche pour obtenir leur bénédiction. C’est chose faite maintenant: au fil des écoute, les 11 titres de ce premier LP sont entêtants plus que lassants, car sa richesse y est méticuleusement dispersée comme pour mieux durer dans le temps. C’est certains, ce foutu album, s’il reste dans cette tendance new wave amplement pillée, ne sonne comme aucun autre. Leur amour pour le R&B se ressent lui sur scène: si l’instrumentation reste parfois bancale (leur guitariste est aux abonnés absents pour un petit moment), imprécise, timide, les voix sont d’un achèvement rarement vu pour des musiciens de cet âge-là (à peine la vingtaine). Débarrassé de tout a priori négatif sur le groupe, nous voilà ainsi paré pour rencontrer ces Londoniens. Pendant ce temps-là, le cinéaste et photographe Germinal Roaux patientait sans son coin avant d’effectuer une très belle série de clichés sur le groupe. Ses photos embellissent nos collones.
Lords of Rock: Vous avez débuté une très très longue tournée mondiale. Pour débuter l’interview, j’aimerai savoir où étiez-vous hier soir (ndr. jeudi soir) ?
Oliver David Sim : nous étions déjà en Suisse, à Saint Gall plus précisément. Et demain à Zurich. Et puis après Barcelone. « First time visiting, first time playing », c’est souvent le cas dans notre tournée. Nous trouvons d’ailleurs la salle du Transformateur assez belle même si le son n’est vraiment pas ce à quoi nous étions habitués.
Nous avons débuté notre tournée il y a 5 semaines. Nous venons de prendre 4 jours de break pour retourner dans notre ville à Londres, ce qui était une très bonne chose. Nous avons pu répéter un petit peu. C’était très bien.
Et après, cap sur les Etats-Unis…
Y avez-vous lu quelques critiques vous concernant dans ce pays ?
Oliver : oui… (il soupire) nous partons dans 5 jours. Avec ces nombreuses dates outre-atlantique, cela nous fera une tournée d’une année. Concernant les critiques, oui, dans des médias traditionnels ou très importants dans la musique comme Pitchfork. C’est hallucinant. Je ne sais pas à quoi m’attendre là-bas, ça fout les jetons.
Vous êtes des amis de très longue date, n’est-ce pas ?
Oliver : oui, Romy et moi connaissons Jamie depuis l’âge de 11 ans. Je connais Romy depuis l’âge de 3 ans. Donc oui, amis de longue date (sourire). Nous avons commencé à faire de la musique à l’âge de 16 ans. Nous n’étions pas si précoces que cela. C’est un âge où nous sommes tous tombés amoureux de la musique, nous allions beaucoup aux concerts et recherchions plein de nouveaux groupes dans les magazines ou sur Internet. On essayait de s’exprimer je suppose. Un moyen comme un autre…
Où vivez-vous à Londres ? Dans le sud ?
Romy Madley Croft : je vis à Putney, dans le sud ouest
Jamie Smith : Fulham
Oliver : juste à côté, à Clapham. Nous habitons à environ 5 minutes l’un de l’autre.
Romy : c’est à une demi-heure en bus du centre-ville de Londres. C’est à mon avis un bon équilibre : très proches, mais pas assez pour être totalement intégrés à tout ce qu’il se passe de fou au milieu de la ville.
” A fond dans Queens of the Stone Age et le R&B “
Mais êtes-vous impliqués dans ce qu’on appele « la scène londonienne » ?
Oliver : excepté la scène new-rave d’il y a 5 ans, je n’ai pas l’impression d’avoir fait partie de quelle scène que ce soit. D’autant plus qu’il n’y a maintenant plus véritablement ce que l’on peut appeler une scène à Londres, chose qui est bien à mon avis. Mais pour te répondre franchement, on n’est jamais vraiment appartenu à une quelconque scène, à un courant.
De quels groupes étiez-vous fans à l’âge de 15 ans ?
Romy : j’étais vraiment à fond dans les Steadies et Queens of the Stone Age quand nous faisions de la musique pluis bruyante que maintenant. Mais j’ai aussi écouté beaucoup de Peaches avant de véritablement écouter de la musique électro. J’ai toujours été une grande fan des Yeah Yeah Yeah, de Peaches et des Kills : c’est le genre de groupes que j’ai vu en concert à cet âge-là. Mais maintenant, j’ai forcément moins de temps pour écouter de la musique.
Oliver : Romy et moi partageons cet amour pour Queens of the Stone Age. J’ai aussi aimé Placebo. Enormément de R&B US du milieu des années 90 comme TLC par exemple ou Aalyah plus tardivement. Ce genre de choses… Et toi, James ?
Jamie : à cette époque je sortais juste pour aller à des soirées électro. J’ai évité pendant longtemps les concerts de rock, je ne sais pas pourquoi, c’est étrange… Maintenant, je suis toujours à fond dans l’électro mais je me suis réconcillié avec le rock.
Votre musique est autant introspective qu’épurée, parfois à l’extrême. Comment vous êtes-vous retrouvés avec un son si caractéristique ?
Oliver : c’est certain que l’on n’a pas trouvé ce son dès nos débuts. Ce n’était pas du tout naturel. Cette simplicité dans nos arrangements provient du fait que nous apprenions à jouer de nos instruments. C’était juste ce que l’on était capable de jouer. Plus le temps est passé et plus nous sommes devenus à l’aise et avons pu faire des choix conscients. Nous sommes très conscients que nous n’exagérons pas les choses.
Ne fut-ce pas dur, à vos débuts, de ne pas pouvoir se cacher derrière vos intruments tournés à fond et de devoir assumer ce son épuré, au risque d’entendre les conversations du public ?
Romy : c’est vrai qu’à nos tout débuts nous trouvions très embarrassant de jouer une telle musique. Nous rajoutions donc beaucoup de distorsion sur les guitares et la basse d’Oliver. Cela n’a pas duré plus longtemps qu’une ou deux semaines, cela ne nous correspondait pas. Nous avons aussi débuté avec des reprises d’autres artistes, plus pour le fun qu’autre chose, mais surtout pour éviter cet embarras que nous avions de jouer face à nos amis. Graduellement, nous sommes devenus de plus en plus conscients de nos possibilités et confiants vis à vis de chacun. Il a aussi fallu du temps avant que l’on ne puisse chanter nos propres chansons l’un en face de l’autre, Oliver et moi.
L’écoute de votre album, XX, donne une impression d’optimisme qui est aténuée quand on prête attention à vos paroles…
Romy : j’aime cette dualité. Quand nous avons écrit les morceaux, Oliver et moi, nous pensions que les gens se focaliseraient uniquement sur les paroles. Quand j’écoute de la musique, c’est ce sur quoi je m’intéresse. Mais dans d’autres pays, dont l’anglais n’est pas la langue maternelle, c’est toujours intéressant de voir la façon dont certaines personnes écoutent notre musique. Le son de la voix ou juste son émotion, la sonorité des instruments, ou la rythmique… En fait, je m’en fiche de savoir que notre public puisse interpréter notre musique dans une optique totalement différente. J’aime penser qu’on puisse toucher les gens de façons multiples.
” Nous avons débuté avec des reprises d’autres artistes pour éviter cet embarras que nous
avions de jouer face à nos amis “
Un autre chose dont je voulais vous faire part : quand votre album est sorti en août, je ne l’ai écouté que 2 ou 3 fois. Il ne me semblait pas dans l’air du temps, peut-être trop sombre, trop renfermé pour y prêter attention. Ce n’est qu’avec des écoutes multiples et surtout la venue de l’hiver qu’il m’est apparu comme essentiel. Votre réaction ?
Romy : nous avons terminé l’enregistrement de l’album en février. On voulait vraiment sortir cet album le plus vite possible car nous avions passé tellement de temps sur ces morceaux qu’il fallait pouvoir mettre un terme à ce processus. Mais tout s’est ralenti, notamment avec l’artwork de la pochette (ndr. splendide au demeurant) ainsi que quelques autres détails. Ca a donc pris plus de temps que prévu. Cependant, j’aime bien l’idée d’une sortie d’album en été, c’est l’époque où les gens sortent, prennent du bon temps. Peut-être qu’en effet certaines personnes n’ont pas vraiment trouvé cet album génial à cette période, mais je suis sûr qu’ils y reviennent avec la fin des beaux jours. Une histoire de connexion avec notre environnement, je ne sais pas… Il est tout à fait possible de passer à côté de certaines parties de l’album dont tu peux prendre conscience au fil des écoutes. Cela dit, certaines personnes l’ont aussi aimé à la première écoute (sourire).
Revenons à votre nom de groupe, The XX. Un explication ?
Oliver : le nom nous est venu très rapidement, bien avant que nous n’ayons joué une seule note. Nous voulions quelque chose de visuel et de fort tout en aimant cette lettre. Deux X associés permettent beaucoup de possibilités au niveau visuel ; suivant leur placement, ils peuvent avoir une certaine signification ou une forme spéciale. Placés simplement l’un à côté de l’autre, ils ont une grande force visuelle. Par ailleurs, nous aimons son côté mystérieux ; pour nous, cela n’a rien à voir avec le chromosome féminin, « kiss kiss », ou le chiffre 20, mais on peut l’interpréter d’une multitude de façons différentes. Nous aimons ces multiples facettes.
Cette simplicité se retrouve dans la pochette de votre disque avec des photos très abstraites, où n’apparaissent jamais vos portraits. Cette liberté totale au niveau graphique a-t-elle été permise grâce à votre label indépendant, XL Recordings ?
Romy : oui, ils nous ont donné tellement de liberté pour notre artwork. Tout ce que nous avons fait au niveau musical, visuel ou pour les vidéos n’a été influencé. XL ne nous a jamais mis une quelconque pression. Et c’est tant mieux car, pour nous, cela a toujours été la musique avant tout. Les images doivent juste accompagner le groupe, pas orienter le public vers une certaine lecture de notre musique. Il y a tellement de groupes qui mettent en avant leur personne. Nous n’avons jamais eu envie de leur ressembler ; de plus, nous mettre en photo sur la pochette du disque n’aurait eu aucun sens. La musique doit parler par elle-même. Nous ne sommes non plus pas les gens les plus extravertis. Notre artwork reflète bien notre personnalité. Son imagerie n’est pas spécifique.
Ne pas avoir à être constamment comparé avec d’autres groupes doit aussi être une bonne chose pour vous. Ce qui frappe le plus, c’est l’impression que vous êtes à part, totalement singuliers…
Oliver : je ne sais pas… comment l’expliquer (sourire). Je pense que les jeunes groupes ont souvent cette propension à se mettre en avant en tant que personne avant de faire parler leur musique. Peut-être que nous sommes des personnes… différentes (rires).
Vous avez fait des premières parties pour Florence and The Machine…
Oliver : oui, elle est notre opposé, definitely (rires) ! Elle est très extravertie, spontanée, un peu exhibitionniste. Oui, elle est une exhibitionniste dans ses performances sur scènes, c’est fantastique. Elle est vraiment dans un truc radicalement différent de nous, mais nous l’adorons. Quelle grande dame !
Avec aussi beaucoup d’humilité…
Oliver : avec tout le talent qu’elle a, en effet.
Romy : elle sait garder une certaine sensibilité, ce qui est très atypique quand on a des qualités scéniques comme elle. Malgré nos attitudes relativement différentes, nous avons effectivement beaucoup de points communs.
Pour terminer, sentez-vous avoir de plus en plus de facilité sur scène ?
Oliver : oui, totalement. D’autant plus que nous ne sommes plus que 3 sur scènes maintenant, pour une certaine durée. Certaines choses ont changé forcément et cela nous a aussi permis d’avoir de plus en plus de confiance sur scène. Bien sûr, nous avons encore beaucoup de travail devant nous, mais nous sentons maintenant que nous maîtrisons nos morceaux. Romy a plus de boulot à la guitare afin de palier à la défection de la deuxième guitariste, James aussi la rythmique. Nos shows deviennent de plus en plus bons : c’est une nouvelle façon de voir la musique pour nous. Jouer sur scène ne me plaisait pas particulièrement il y a quelques temps, mais avoir su gérer mon stress et ma confiance en moi m’a enfin permis d’aimer cela. Ce fut un gros travail, je t’assure.
Site de Germinal Roaux: www.germinalroaux.com
FLAMING LIPS
EMBRYONIC
Les Flaming Lips avaient quelque peu déçu lors du précédent opus, mais EMBRYONIC ramène à la vie ce groupe presque mythique. Voici un album
majeur.
Dans les premiers moments du disque, « Worm Mountain » sublime le son
expérimental, saturé, aux voix en reverbe soulignées par des lignes
électriques inquiétantes. Puis soudain la batterie accélère et les chœurs
fusent, le chaos prend forme… pour bientôt se dissiper vers l’ombre.
Les interludes jalonnent le parcours et renforcent l’ambiance puissante d’ EMBRYONIC les tréfonds sauvages de sa musique, juxtaposant avec justesse
des lieux différents, harmonie d’une atmosphère singulière éclairée de
tonalités en nébuleuse.
Les Flaming Lips chantent de l’antre de leur monde, construisant
intelligemment pour l’auditeur la finesse de ses nuances. La durée de chaque
piste indique comme une borne l’étape à laquelle on se trouve dans la bulle
« Embryonic ». Et ainsi, « Sagittarius Silver Announcement » et « I Can Be
A Frog » préparent aux rafales silencieuses de « The Ego’s Last Stand » et
« Powerless ».
Les Flaming Lips chantent de l’antre de leur monde, construisant
intelligemment pour l’auditeur la finesse de ses nuances.
« Powerless », moment épique, progresse à pas de loup sur des rives
incertaines, illuminé de lucioles et rassuré par le flot paisible de l’eau
fendant la nuit. Puis les chœurs réapparaissent en feutré, hymne aux aléas,
et inconsciemment nous préparent à la prochaine escale.
Grésillant vers sa suite, « Embryonic » livre « See the leaves »,
ajustement vers les origines des Flaming Lips, quoique ses boucles
psychédéliques prolongent l’expérience de cet album si particulier. Les
deux dernières minutes du morceau frappent de mélancolie les esprits faibles,
et étourdissent les esprits solides.
Enfin, par projectiles tamisés venus d’un monde magique, « Aquarius Sabotage
» signale le dernier tournant de l’album. Avec ce passage vers les sources
claires, les musiciens explorent les merveilles du repos mérité, comme un
songe éveillé après une nuit dense.
Et au moment précis où se referme EMBRYONIC, les Flaming Lips
franchissent une montagne vers la postérité.
Article écrit par Alistair Urbaniak le 10 juin 2009
GOLDEN SILVER
TRUE ROMANCE
Golden Silvers. Les argentés dorés. Un peu comme si Raymond Poulidor volait le maillot jaune à ce carnassier Eddy Merckx, à cette crapule de Felice Gimondi ou au détesté Jacques Anquetil. Dans l’affaire, on y verrait bien une reconstitution du brigandage avec comme bande son “True No.9 Blues“ de ces jeunes londoniens toniques : ce qu’il faut de bossa nova, de basse funk, de clavier et de voix vicelardes pour une splendide course poursuite comme on n’en fait plus. A en donner la nausée à Prince ou à Isaac Hayes. Se contentant de ce titre, l’auditeur pressé louperait toutefois l’essentiel : TRUE ROMANCE, premier album de Golden Silvers, est une ode à la pop, naïve, orchestrée, représentant le passé sûrement, le présent sans doute, mais aussi – l’avenir nous le dira – le futur d’un genre aujourd’hui remué tant par The Last Shadow Puppets, Fleet Foxes que Vampire Weekend.
Pour preuve, ce décapant “Magic Touch“ ignorant tout des recommandations de sagesse, mais aussi l’inaugural “Another Universe“ qu’on confonderait successivement pour du Arcade Fire, Eugene McGuinness, David Bowie et finalement Queen. N’empêche, le petit plaisir coupable est bien appétissant. A l’image de leur pochette affiliant or et violet pour un patchwork de photographies et de symboles (le rendu est assez fantastique et devrait vendre beaucoup d’albums à lui seul), ce trio ne redoute pas la démesure et l’excès, le tout sans guitare. Les titres lents de TRUE ROMANCE dévoilent quelques ressources insoupçonnées que les morceaux très – trop ? – infernaux cacheraient malheureusement, comme l’enfilade convaincante “My Love Is A Seed That Doesn’t Grow“ – “Here Comes The King“, hommage à Blur période THINK TANK et à Pulp. Ou comment affirmer que les jeunes londoniens de 2009 ne jurent plus par le rock à guitares et vestes en cuire-Converse-tout -le-reste et que, finalement, sans savoir si cela est tant mieux, certains ne s’en sortent pas si mal que cela.
La preuve ? “Shakes“ et ce son qu’on croirait être une guitare mais qui risque bien de s’avérer être un clavier douteux, dans une tendance noisy absolument géniale coupant net les critiques qui pourraient se faire après le putassier “True No.9 Blues“ ou le presque Jimmy Cliff (oui, ils ont osé) “Arrows Of Eros“. Golden Silvers ne perd pas de temps en ricochant sur un “Queen Of The 21st Century“ qui nous ferait penser tout le contraire, proche dans l’esprit de “Country House“ de Blur en plus sobre. Ebourrifés, les londoniens semblent posséder une besace pleine de bonnes idées, comme sur ce “Please Venus“ assez bluffant, très contemplatif, où encore une fois Jarvis Cocker n’est pas si loin. Nombre de critiques les accusaient de forniquer avec le mauvais goût eighties, force est de remarquer que plus cet album défile, plus on plie devant le savoir-faire de ces faux-jeunes volant tout devant la grand-mère ébéthée de tant de gentillesse apparente. Serait-ce le début d’une vraie romance ?
Article écrit par Julien Gremaud le 10 juin 2009
EBONY BONES
BONE OF MY BONES
Dire qu’Ebony Bones! sera la grande dame de la fin de l’année ne consiste pas à prendre un grand risque. Son album est une ode au débraiillé hyperactif.
Nom de Dieu que ça fait du bien un album pareil. Un album dans lequel on ne sent aucun calcul, aucune envie d’appartenir à quelque mode ou courant musical que ce soit. Un album dans lequel on sent une sincérité, une patte, une personnalité. Un album où rien n’est formaté, rien n’est lisse, rien n’est prévisible. Un album qui n’est qu’un joyeux bordel, fun, dansant et enthousiaste. Ebony Bones! est donc présentée comme la nouvelle diva trash à la Amy Winehouse. J’ai même entendu parler de « Beyonce punk » à son propos. Ces qualificatifs sont naturellement faux. Même si son premier album, BONE OF MY BONES, est un gigantesque carambolage de styles (soul, funk, electro, rap, rock, punk, musique africaine, trip hop, glam) et d’influences (Tricky, Funkadelic, Queen Latifah, Beastie Boys ou, mais oui, T-Rex -les claquements de main servant de rythmique sur “W.A.R.R.I.O.R.” ne viennent pas de nulle part !-) Ebony Bones! n’est qu’elle-même, rien d’autre qu’elle-même.
Franchement, décrire un disque pareil est quasiment impossible.
Même si Ebony a du style, beaucoup de style dans sa musique, aucune chanson ne ressemble à une autre. Toutes pourtant (à l’exception de la fadasse “Smiles & Cyanide”) ont le petit quelque chose, le petit gimmick, la petite accroche mélodique ou rythmique, le petit refrain qui fait la différence. Voilà c’est ça. Ce disque est une explosion, une déflagration de rythmes dansants (des basses sursaturées et des percussions dans tous les sens), mais surtout, il contient des chansons. Des sacrées chansons. Qui donnent envie d’arrêter la voiture sur la bande d’arrêt d’urgence pour se mettre à gesticuler comme un fou (ceci dans le cas bien sûr où vous écoutez le disque au volant !). Qui vous donnent la patate pour toute la journée quand vous écoutez ça le matin. Et qui vous donnent envie de faire un grand feu avec vos CD d’Interpol, d’Editors et de Bloc Party. Vraiment, que ça fait du bien un album pareil !
Article écrit par Crocodile Duffy le 18 juillet 2009
ANIMAL COLLECTIVE
MERRIWEATHER POST PAVILLION
Quel grand album. Après l’acclamé STRAWBERRY JAM sorti en 2007 chez Domino (distr. Musikvertrieb), Animal Collective n’en finit pas d’étonner et de détonner dans le rock indé. Constitué de membres à surnoms autant improbables que la pochette de ce nouvel album MERRIWEATHER POST PAVILLION – emprunté à l’artiste Japonais Akiyoshi Kitaoka – à savoir Avey Tare (alias David Porter), Panda Bear (Noah Lennox), Deakin (Josh Dibb) et Geologist (Brian Weitz), le quartette regroupe une belle brochette de freaks amis d’enfance. Si leur compatriote Jay Reatard synchronise cinquante ans de rock alternatif, les New-Yorkais font s’enchevêtrer ici folk psyché, pop expérimentale à la Hot Chip ou TV On The Radio, ou encore electronica étincellante.
Tumulte
En introduction, “In The Flowers“ calmera les sceptiques : voici un morceau génial, parfaitement produit, tout en nuances, un mille-feuille de poésie, des criquets, des applaudissements et des murmures dans le décorum, et cette explosion humble et candide, où la batterie enjoint le loop, les cœurs et le Moog à se mêler à la fête. « To hold you in time ». Absolument imparable. On les croirait mégalos, il n’en est rien. En un morceau, Animal Collective hallucine, la tête à l’envers, le nez dans les fleurs. “My Girls“ démontre les capacités mélodiques et vocales du quintette, tout en gardant cette richesse dans le son. “Summertime Clothes“ élargit le spectre électro du groupe, où pop et minimale semble ne faire qu’un. II faudra tout ce tumulte flamboyant, tout ce bouillonnement créatif pour atteindre avec “Bluish“ la plénitude, summum de psyché, pas si éloigné de leurs compatriotes hallucinés de Mercury Rev.
Nonobstant l’obstacle des dix premières écoutes déconcertantes, MERRIWEATHER POST PAVILLION est donc un album qui a du cœur et qui marquera la décennie de sa trace, tant du point du vue créatif que de sa réalisation. On appelle ça un album étalon. Leurs collègues visionnaires et divinateurs se réjouiront de répondre à Animal Collective de la plus belle des manières. Dans la langue française actuelle, on appelle cela un buzz.
Article écrit par Julien Gremaud le 22 janvier 2009
TIM EXILE
LISTENING TREE
Est-ce que l’IDM vous dit quelque chose? L’« intelligent dance music », c’est donc de la musique électronique qui a pour but de faire bouger nos hémisphères cérébraux avant de nous faire taper du pied en rythme 4/4 à 130 bpm. L’IDM refuse toute convention, parce que la musique électronique, c’est avant tout la liberté en matière de création. C’est uniquement dans cette large catégorie que l’on pourrait « classer » l’allemand Tim Exile, qui signe sont dernière album LISTENING TREE chez Warp.
D’abord quelques mots sur l’artiste en question : violoniste à la base, il se met à la musique électronique à l’âge de 12 ans et sort son premier album de Drum & Bass en 1999. En plus de la philosophie, il obtiendra un master en composition électro-acoustique à l’université de Durham.
Complexe, mystérieux, cosmique
Il créera ses propres outils logiciels à l’aide de Pure Data (je rentre pas dans les détails, mais sachez que c’est un peu comme créer sa propre guitare à partir d’un arbre et deux morceaux de métal : c’est du boulot). Bref, Tim Exile n’est pas un rigolo arriviste de la scène électronique.
Complexe, mystérieux, cosmique sont les mots ce qui nous viennent à l’esprit lors de l’écoute de LISTENING TREE. Complexe parce que les rythmes sont saccadés, syncopés, saturés (prenez “Family Galaxy” on commence par un rythme lent et ça finit en drum & bass des plus violentes). Mystérieux, parce que les morceaux se suivent mais ne ressemblent pas et cela reste cohérant : il y a tellement à écouter dans chaque piste. Cosmique parce peuplé de voix étranges extra-terrestres.
L’album est une réussite parce qu’il réussi à mêler l’expérimentale avec un côté pop.
Et pour les réticents qui diront : « mais c’est facile la musique électronique, il suffit d’appuyer sur des boutons », je les invite à voir comment Tim Exile mix en live un discours d’Obama (à voir sur You Tube). Oui, Tim Exile est un potard-hero.
Article écrit par Antoine Tille le 15 avril 2009.
SOAP & SKIN
LOVETUNE FOR VACUUM
Comme une marche funèbre. A 18 ans, Anja Plaschg a tout d’une grande écorchée. Compositrice dès son enfance dans son village natal de Gnas, en Autriche. Ses parents sont fermiers. Son village, situé en Styrie orientale, non loin de la Hongrie, ne comporte pas plus de 2’000 habitants. A 14 ans, le label berlinois Shitkatapult (T.Raumschmiere, Warren Suicide notamment) la prend sous son aile. A 16 ans elle abandonne l’école, à 18 elle zappe les Beaux-Arts de Vienne. Pendant ce temps-là, Anja enregistre ses morceaux, toute seule dans sa chambre, du bricolage fièrement arrangé. En 2009, LOVETUNE FOR VACUUM résume quatre ans de fragments de mélancolie, de cœur déchiré, de beauté mystérieuse. Où dès le premier morceau, “Sleep“, on flaire qu’une Cat Power n’est pas loin. Ces bruits épars, qui nous hantent, c’était comme si Coco Rosie faisait maintenant des morceaux intéressants, même si “DDMMYYYY“ (qui démontre son intérêt pour l’électro berlinoise) s’avère ici vain. “Turbine Womb“, joué au piano, prouve qu’Anja Plaschg n’a même pas besoin de sa voix parfaite pour nous couper le souffle. Et pourtant…
Cœur déchiré
« Qu’elle hurle comme un chien, qu’elle se mette à rugir ou qu’elle mâche ses mots, elle se moque de l’idéal de beauté lisse » avise pertinemment Sonja Eismann, du Tageszeitung. Dans LOVETUNE FOR VACUUM, il y a de bien belles promesses. Bruts mais bourré d’idées, les treize titres de l’album planent, emplis de grâce et de mélancolie (“Cynthia“ et “The Sun“ sont les sommets de l’album). Sous ses traits sévères, Soap & Skin n’est déjà plus la commun des mortels. L’ « enfant prodige », comme aime la qualifier l’Allemagne, parvient même à nous rappeler l’austère WHITE CHALK de PJ Harvey. C’est dire son talent.
Article écrit par Julien Gremaud le 14 mars 2009.
THE WHITEST BOY ALIVE
RULES
Non, The Whitest Boy Alive n’est pas un groupe de punk white power douteux. S’ils sont les garçons les plus blancs en vie, c’est plutôt que leurs origines nordiques et allemandes font qu’ils n’ont pas bronzé depuis des années. S’ils sont blancs comme neige, c’est aussi parce que ce sont des gentils garçons timides et amoureux. Mené par Erlend Øye (si si, Kings of Convenience), le groupe se fait connaître en 2006 avec le tube “Burning“ : titre obsédant et dansant qui rend fou par sa simplicité. Un premier album résussi, mais qui souffrait d’un sérieux déséquilibre entre un hit single et d’autres pistes moins intéressantes, mais qui se démarquait par un son unique : basse omniprésente, batterie simpliste et son de guitare propre, proche, dans une certaine mesure, aux deux premiers albums de The Cure.
Comme une recette de grand-mère
Début 2009, c’est reparti donc, avec RULES, et la première chose qui nous vient à l’esprit c’est que, non, rien n’a changé : même pochette noir et blanche par Geoff McFetridge, même son de basse, même rythmique etc… Seul point changement majeur : Daniel Nentwig et son Rhodes magique (il fait une démo assez convaincante de ses talents ici) et avec ça, le groupe prend une autre ampleur. Certains morceaux deviennent alors presque dance, tandis que chez certains on se rapproche de la lounge music (oui, ce mot fait peur, je sais). Il suffit d’écouter la dernière piste, “Island“ (la plus réussie de l’album) pour se rendre compte qu’un morceau peut être puissant sans passer par la case noise et larsen. The Whitest Boy Alive, c’est comme une recette de grand-mère de fondant au chocolat : on a l’impression de gouter au divin alors que les ingrédients sont extrêmement simples. Tout est si bien arrangé, si bien produit, que l’on craint le live, car un son simple sans les artifices du studio peut rapidement se transformer en son pauvre.
Vous l’aurez compris le dernier Whitest Boy Alive est une réussite. Léger, frais, dansant, voilà un groupe qui rentre définitivement dans la catégorie “Healing & Easy Listening”. Un CD qui rend heureux (peut-être naïvement), et qui donne envie de faire une bataille de coussin sur grand lit avec une fille qui rit au éclat et qui dit « arrête, arrête », mais qui a bien vu la bosse dans le jeans trop serré du garçon.
Article écrit par Antoine Tille le 31 mars 2009.
BLACK LIPS
FESTSAAL, BERLIN
Interdis dans une poignée d’Etats aux USA, les Black Lips font pourtant de la musique on ne peut plus joviale, qu’ils appellent Flower Punk. Recommandé et chéri successivement par nos compatriotes érudits The Mondrians et Welingtons Irish Black Warriors (WIBW), le groupe d’Atlanta avait déjà fait le crochet en 2008 du côté du Romandie à Lausanne, concert manqué malheureusement. Dès lors, impossible de ne pas aller vérifier leur cote de popularité lors de leur venue à Berlin à la Festsaal de Kreuzberg – un joyau de salle garage – avec la peur au ventre. Se prendre une chope en pleine poire ? « Non, tu risques de te faire niquer les oreilles par des amplis trop forts, de voir un guitariste cracher en l’air et essayer de ravaler son crachat… peut-être même de le voir se mettre à poil (et peut-être qu’il se branlera). Mais tu va aussi entendre des merveilleuses chansons… ». Sur les conseils avisés d’un membre des WIBW, la prise de risque s’est avéré en effet payante.
Accompagnés des locaux Hara Kee Rees (garage Nuggets) et des indécents King Khan & BBQ Show (malgré quelques longueurs, quel show!), les Black Lips ont proprement renversé les quelques 300 personnes présentes. En restant loin du chaos de l’album LIVE IN TIJUANA – enregistré dans un bar de prostituées, à voir absolument – les Américains nous font penser à des Libertines première époque. Spontané, approximatif, jouant fort, et chantant à tue-tête, main dans la main, un pied dans le précipice, des véritables petits hymnes autant décadents qu’impitoyables, à l’instar de ce “O Katrina !” : « O, Katrina! Why you gotta be mean? You saw a highway down in New Orleans. I can’t believe what I saw on the telescreen. O, Katrina! Why could you be so mean? », le quartet est tout simplement ce qu’on a vu de mieux depuis fort longtemps. Le bassiste Jared Swilley démontre son aptitude à l’auto crachat tout en tenant le rythme de croisière du groupe : vite, très vite, sans pause, hormis pour réquisitionner des bières au public.
Vite, très vite
Parmi tous ces groupes shoegaze-psyché (Brian Jonestown Massacre, Warlocks, Deerhunter, la liste est longue…), les Black Lips sont sûrement les plus incapables car les plus j’m’en foutistes à coup de guitares désaccordées et d’un son assez limite, mais aussi les plus géniaux en concert. Et pour finir, leur nouvel album 200 MILLION THOUSAND sort dans deux semaines. Beaucoup de choses nous paraissent fades dorénavant…
Article écrit par Julien Gremaud le 6 février 2009.
GRIZZY BEAR
VECKATIMEST
Faire une chronique de ce nouvel album de Grizzly Bear se révèle aussi difficile que de jouer du flamenco à la guitare pour un lépreux en phase terminale tant on a peur de faire du tort à cet édifice d’ingéniosité et de sensibilité. A l’image de la pochette, VECKATIMEST est construit par d’infimes sonorités qui, associées, fondent un tout d’une grande beauté. Du baroque psychédélique en quelque sorte. Ce qui frappe au premier abord, c’est la complexité de cette musique que l’excellente production permet de rendre accessible. En effet, chaque instrument joue des parties plutôt complexes qui sont admirablement recherchées, travaillées et précises. L’élaboration des voix, chantées par les deux chanteurs principaux, Ed Droste et Daniel Rossen – membre de Department of Eagles également -, est remarquablement réalisée. Les voix sonnent juste. Elles sont très travaillées sans franchir la limite de l’artificiel ou du maniérisme. Chaque chanson est un ensemble baroque et enchevêtré regorgeant de parties diverses. Elles donnent ainsi l’impression d’être un album à elles-mêmes, d’être une sorte d’aboutissement, comme un enfant diabolique, qui, après avoir lutté pendant des heures contre une confusion de câbles constrictors, hurle sa supériorité en haut de cette structure moléculaire, celle qu’on trouve parfois dans les parcs pour enfants aux abords des restoroutes français.
Baroque psychédélique
Les parties de batterie démontrent assez bien ce procédé. Alors que la plupart des batteurs se seraient contentés de ne jouer qu’un simple rythme pop standard avec, parfois, quelques fausses excentricités comme de petits roulements de cymbales joués avec des baguettes en mousse, le batteur de Grizzly Bear, Christopher Bear, montre son intelligence en participant réellement à la construction rythmique complexe en jouant des rythmes plutôt atypiques. Il utilise, par exemple, beaucoup les roulements sur la caisse claire. De cette manière il devient un instrument à part entière et ne fait pas seulement office de stupide boîte à rythme.
Cet album demandera plusieurs écoutes avant de parvenir à cerner toutes les petits éléments qui forment cette construction complexe et polychrome. Il ne s’agit en aucun cas d’easy listening. A écouter lors de vos ébats amoureux homosexuels, au moment décisif où, pris d’une folie frénétique de patriotisme, vous hurlerez l’hymne national américain au travers des fesses de votre partenaire.
Article écrit par Laurent Kung le 6 juin 2009.