Lollapalooza

Depuis quelques temps les festivals historiquement rock, dont rien que le nom laisse imaginer des riffs dans tous les sens et des vestes en cuir, se tournent (malheureusement) vers le grand public et ne gardent du rock que des souvenirs des éditions passées. On a vu Arctic MonkeysFranz Ferdinand, Foo Fighters ou encore The Hives défiler à Rock en Seine, c’est désormais une toute autre histoire. Pour voir quelque chose de ce calibre, il faut désormais se tourner vers les plus bourrus du genre comme le Download ou le Hellfest. Parmi cette déferlante de festivals à laquelle nous avons droit chaque été, Lollapalooza affiche clairement la couleur : il y en aura pour tout le monde. Pas de fausses promesses, au contraire, on sait qu’en se rendant à Longchamp tous les ans notre line-up personnelle sera réduite.

C’est donc la troisième année, en autant d’éditions depuis son arrivée en France, que Lords of Rock était à Lolla. On pourrait peser le pour et le contre, retenir le bon comme le mauvais, mais franchement, salir un festival… Est-ce bien raisonnable ?! Nous n’allons donc pas parler de Nekfeu, Migos et autres déjections sonorités dont nous nous serions bien passés d’écouter.

Si le début de festival semblait poussif niveau rock, les choses sérieuses commençaient sur la scène alternative avec Skip The Use. Alors que l’an dernier, les gus de The Inspector Cluzo étaient un poil irrités d’ouvrir l’édition 2019, portes à peine ouvertes, Mat Bastard et sa bande prenaient place en début d’après-midi avec une majorité de festivaliers déjà là. Skip The Use, c’est comme une amourette de vacances : tu la vois souvent l’été, tu es content de la retrouver, vous passez un très bon moment ensemble, puis chacun repart de son côté. C’est bon, c’est énergique, c’est fidèle à leur image, du rock français qui tabasse. Bravo à eux.

On continue du côté de la Main Stage 1 avec Jain. La grande scène n’est pas un problème pour elle visiblement. Toulousaine de naissance, elle a pas mal bourlingué à travers le globe, pour finalement enflammer la foule de Lolla avec ses beats venus d’ailleurs. C’est l’heure de l’apéro, la demoiselle entame « Dynabeat », du boom boom branchouille pour démarrer la soirée.

Un peu plus tard dans la soirée, en plat de résistance, Orelsan débarque. Alors oui, vous êtes bien sur Lords of Rock. Oui, vous ne portez sans doute pas le rappeur dans vos cœurs (rime riche). Mais penchez-vous un peu sur la qualité des textes du jeune homme, en écartant bien entendu les « pute », « salope » ou encore « baiser ». Vous verrez que ce n’est pas mal du tout. Le français profite jusqu’au bout du public, et relance « Basique » pour la deuxième fois de la soirée. Mention spéciale à « Défaite de Famille».

Vient le dessert de ce premier jour de festival. Le concert que tout le monde attend : Twenty One Pilots. Mea culpa d’ailleurs. Alors que dans l’équipe de Lords of Rock ce groupe est plutôt apprécié, ça coinçait de mon côté. Je n’aimais pas le style de ce groupe, pas la façon de chanter non plus et encore moins cette manie qu’à le batteur de sautiller tout le temps (TOUT LE TEMPS !). C’est terminé, je suis converti. Même si je ne suis pas devenu fan du duo pour autant, il faut dire ce qui est, leur prestation était de haut niveau. L’arrivée sur la Main Stage 2, torche à la main, autour d’une voiture en flammes sur le morceau « Jumpsuit »… ça met tout le monde d’accord.

Je restais sur leur image de vilains garçons aux looks bizarres, avec un Tyler Joseph aux mains cradingues recouvertes d’encre, et un Josh qui change plus souvent de couleurs de cheveux que Katy Perry. J’avais de la répugnance pour eux, mais quand Tyler débarque quelques morceaux plus tard, avec une chemise à fleur, des lunettes de soleil et un ukulélé, j’ai craqué. J’ai trouvé le type cool. Mes oreilles ont été plus attentives à partir de ce moment-là et j’ai pu découvrir Twenty One Pilots sous un autre angle. Ces mecs-là restent énervants à mes yeux, mais parce qu’ils savent tout faire. Tyler enchaine entre guitare et piano sur « Heathens », Josh fracasse sa batterie dans tous les sens entre deux saltos arrière et se fait du crowd surfing détente avec sa batterie… et tout ça sous une pluie battante. Chapeau les gars.

Deuxième et dernier jour de festival, le concert du jour n’arrivera que tard dans la soirée. On patiente donc avec Shame. Ces dignes descendants du punk britannique forment un des groupes en vogue outre-manche depuis des mois, avec Idles et Fontaines D.C.. Si les deux derniers cités s’excitaient sur la scène de Glastonbury il y a quelques semaines, nous avions la chance de voir Shame donc, avec Charlie Steen aux commandes. Si vous les croisez dans la rue, ils vous salueront probablement, un grand sourire aux lèvres. C’est une toute autre histoire en live. La vingtaine à peine passée, ces cinq jeunes dégomment tout sur leur passage, c’est nerveux, c’est couillu, c’est déglingue, tout ce qui fait l’essence même du punk. On aime la voix rocailleuse de Charlie, sans savoir s’il s’est pété les cordes vocales ou s’il fume trop de guinzes. Le chanteur, torse poil, se paye un petit bain de foule dans les règles. Longue vie à Shame putain.

Quelques minutes plus tard, changement d’ambiance avec Caravan Palace. Il y a du bon dans ce qu’ils font et leur joyeux bordel emporte la marée humaine venue les voir. Pas de place à la morosité avec eux puisque tous les morceaux sont explosifs, tous les titres sont entrainants. C’est clairement un groupe qui t’invite à danser à permanence.

Plus beaucoup de temps à attendre les Strokes. Il reste encore Biffy Clyro sur la scène alternative, une valeur sûre. Leur musique n’a pas vraiment évolué depuis leur venue au Printemps de Bourges, mais on apprécie tout de même. « Mountains » en est l’exemple parfait. D’ailleurs on a repéré quelques tatouages de plus par rapport à leur live dans le Berry. Du côté de la Main Stage 2 on touche au but. Ben Harper et ses boys démarre la soirée. Affublé d’un bandana sur le front, la légende dévoile un blues envoutant aux rythmes africanisés… planant. Le prêcheur Harper vient rassembler ses brebis égarées.

Il est maintenant temps de voir le main event de ce festival pour tout fan de rock. Le groupe qui ne se sépare pas même si chaque année on peut lire des rumeurs de clash entre les membres. Souvent considérés comme à l’origine du retour du rock au début des années 2000 : les Strokes. On les avait presque perdus de vue d’ailleurs. Il faut dire que depuis « Comedown Machine » en 2013, les nouveaux morceaux se font rares, avec un petit EP sorti il y a trois ans. Depuis nada, chacun se consacrant sur des side-projects. Notamment The Voidz pour Julian Casablancas. On assiste donc à un monument du rock. Les new-yorkais arrivent donc sur scène, alors que Migos grignote sur leur show. Pas grave, les rappeurs arrêteront d’eux-mêmes (ou on leur coupera le son plutôt). Leur entrée se fait sur « Heart In A Cage », puis « You Only Live Once ». Dès les premiers morceaux, on sait qu’on va passer une soirée mémorable. L’avantage avec un groupe qui ne sort plus d’albums, c’est qu’on connait toutes les chansons. C’est un concert best-of en quelque sorte avec « 12:51 », « Reptilia » ou encore « Someday », le public est en transe sur chaque refrain (et pas que !). Malgré des problèmes techniques qui ne dureront que quelques minutes, la setlist est millimétrée, pas une minute de plus, c’est le seul point noir. On termine donc sur « Last Nite », tout est passé trop vite, et la foule de fans se presse à son tour… pour fuir Nekfeu qui clôture cette édition 2019.

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