Retour de la rubrique Déchronologie après les principaux festivals de l'été. A l'honneur cette fois-ci, une nouvelle compilation qui suscite le débat: LET IT ROLL de George Harrison, recueil imparfait de dix-neuf morceaux.

George Harrison

Retour de la rubrique Déchronologie après les principaux festivals de l’été. A l’honneur cette fois-ci, une nouvelle compilation qui suscite le débat: LET IT ROLL de George Harrison, recueil imparfait de dix-neuf morceaux.

 

Le problème est toujours le même avec les compilations d’artistes ayant ou ayant eu une très longue carrière: ces artistes ont généralement, au fil des ans, enregistré pour plusieurs maisons de disques différentes, ce qui fait que les best of qui leur sont consacrés sont très souvent incomplets, ne comportant que les chansons sorties dans une seule ou deux de ces maisons de disques. Ainsi, aussi incroyable que cela puisse paraître, à ce jour, aucune compilation ne retraçait l’intégralité de la carrière de l’immense George Harrison, depuis ses compositions pour les Beatles jusqu’à celles de son dernier album solo sorti à titre posthume en 2002, l’excellent BRAINWASHED. Et retracer l’intégralité de la carrière de Beatle George, c’est justement ce que tente de faire LET IT ROLL, ce nouveau best of qui vient tout juste de sortir. Tout est-il donc désormais pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Malheureusement pas tout à fait…

 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la carrière de George Harrison a été chaotique. Grandi dans l’ombre écrasante mais tellement stimulante de John Lennon et de Paul McCartney, George a commencé à composer lui aussi, et après la parenthèse hindoue de 67 (parenthèse pendant laquelle il s’est quasi totalement désintéressé du groupe), il est devenu une force créatrice majeure, comme en témoignent les trois formidables morceaux des Beatles réunis ici, “While My Guitar Gently Weeps”, “Something” et “Here Comes the Sun”. Malheureusement, ce ne sont pas les versions originales qui sont ici proposées, mais des versions live issues du fameux CONCERT FOR BANGLADESH de 1971. Reconnaissons quand même que ces versions live sont excellentes (il ne s’agit pas d’un vieux live pourri au Japon dans les années 80), donc on va dire que sur ce sujet ça passe…

 

George avait dans ses cartons une montagne de chansons inutilisées

 

Le problème est que le génie musical de George, aussi immense soit-il, était en partie barré par ceux de Lennon et de McCartney, tous deux aussi en pleine frénésie créative durant les dernières années du groupe (surtout MCartney). Du coup, au moment où Paul prononça la dissolution définitive des Beatles en avril 1970, George avait dans ses cartons une montagne de chansons inutilisées. Ce sont en grande partie ces chansons que l’on retrouve sur le faramineux triple album ALL THINGS MUST PASS de 1970. Sur ALL THINGS MUST PASS, entouré de ses amis Ringo Starr, Eric Clapton ou Billy Preston, George est véritablement à son apogée créatrice. On assiste tout au long des deux premiers disques (le troisième est composé de longues jams sans intérêt), les yeux exorbités et la bouche ouverte, à un incroyable défilé de chansons toutes plus merveilleuses les unes que les autres et excellemment produites par ce fou génial de Phil Spector. Evidemment, ALL THINGS MUST PASS est très largement représenté sur cette compilation (pas moins de cinq chansons), et si l’on excepte l’omission dommageable de “I’d Have You Anytime”, ce petit chef-d’œuvre co-composé avec Bob Dylan qui ouvre le triple album, on peut dire que le choix de ces cinq chansons est parfaitement judicieux.

 

 

En 1971, George organise le premier charity-concert de l’histoire du rock, le fameux CONCERT FOR BANGLADESH qui se tiendra au Madison Square Garden de New York en août. Et là c’est la première faute vraiment impardonnable de cette compilation qui oublie le magnifique single “Bangladesh” enregistré pour l’occasion. Carton jaune! Il faudra deux années supplémentaires à George pour sortir un nouvel album, le très inégal LIVING IN THE MATERIAL WORLD, représenté ici par le seul (et excellent) “Give Me Love”». Une seule chanson c’est un poil léger (ils auraient au moins pu rajouter le mirifique “Try Some Buy Some” repris par Bowie il y a quelques années), mais derrière c’est pire.

 

A partir de 1974, Harrison va à nouveau se désintéresser de la musique

 

En effet à partir de 1974, George va à nouveau se désintéresser de la musique, et sortir pendant une dizaine d’années une série d’albums très décevants, allant du encore à peu près correct EXTRA TEXTURE au carrément catastrophique GONE TROPPO. Et c’est précisément là que l’on attendait cette compil’. C’est que dans chacun de ces albums enregistrés par-dessus la jambe, George a composé deux-trois bons morceaux que le compilateur aurait pu faire l’effort d’aller chercher pour obtenir un résultat très complet. Malheureusement, cet effort n’a pas été fait, et cette période, certes triste, mais qui représente quand même dix ans dans la carrière de George, a quasi totalement été zappée. Pour ceux qui attendaient cette compilation pour récupérer ces chansons sans être obligés d’acheter six albums très, très moyens, il faudra donc repasser. Pas de “So Sad”, de “You”, de “Crackerbox Palace”, de “Ding Dong”, ou de “This Song”. Les deux seuls morceaux de cette période inclus ici sont l’entêtant “Blow Away” de 1979, et “All Those Years Ago”, le magnifique hommage rendu à John Lennon en 1981 (avec Ringo à la batterie et McCartney dans les chœurs). Deuxième carton jaune, ça fait donc un rouge !

 

 

Après cette période déprimante, George fait un come-back aussi miraculeux qu’inattendu en 1987 avec l’excellentissime CLOUD NINE, représenté ici par ses trois impériaux singles “Got My Mind Set On You”, “When We Was Fab” et “This Is Love”. Et puis à partir de là, malgré deux albums enregistrés au sein du supergroupe Traveling Wilburys (Harrison + Dylan + Jeff Lynne + Roy Orbison + Tom Petty), George va à nouveau disparaître de la circulation, son disque suivant, le superbe BRAINWASHED, ne sortant finalement qu’un an après sa mort tragique survenue en 2001. Parmi les trois extraits de BRAINWASHED réunis ici, signalons la présence d’un instrumental, “Marwa Blues”, ce qui, même s’il est très beau, est quand même surprenant quand on sait combien de chansons historiques ont été omises. A noter également la présence de deux très bonnes chansons assez peu connues puisque parues sur deux bandes originales de films dans les 80’s, “Cheer Down”, et “I Don’t Want To Do It”.

 

Un come-back aussi miraculeux qu’inattendu en 1987

 

Au final, George Harrison n’a donc toujours pas la grande compilation qu’il mérite (de toute façon, un seul CD pour résumer quarente ans d’une carrière aussi riche, c’est forcément court). Reste malgré tout la musique. Écoutées à la suite, ces dix-neuf chansons représentent quand même une somme musicale impressionnante. Bien qu’il ait souvent traité sa carrière en dilettante, George était un talent véritablement hors norme comme on n’en voit plus que trop peu, malheureusement, aujourd’hui. Sa musique était merveilleuse, profonde, inimitable (cette voix, ces fameuses parties de slide guitare présentent à peu près partout), et malgré ses oublis, cette compilation, réservée donc aux néophytes, le prouve amplement, en même temps qu’elle pose cette question insoluble : comment un gamin de 19 ans va-t-il pouvoir retourner écouter Bloc Party, The Kooks ou Pete Doherty après s’être pris dans la tronche “While My Guitar Gently Weeps”, “Ballad of Sir Franckie Crisp”, “My Sweet Lord”, “Isn’t It a Pity” ou “When We Was Fab” ?

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