Neuf ans après le best-of paraît une nouvelle compilation sur l’oeuvre complète de Blur, à l’heure où le groupe se reforme (provisoirement?). Bien entendu, rien n’est à jeter. Notre expert décortique ce “Guide du débutant pour Blur”.
Qui, mais qui sur cette Terre aurait pu imaginer, au moment où est sorti le très moyen album LEISURE en 1991, que Blur allait devenir le maître étalon du rock anglais au cours des quinze années suivantes? Personne évidemment. LEISURE était un album lourdingue, empêtré dans la mode de l’époque (le « baggy » de sinistre mémoire) et très pauvre en bonnes chansons (le mélancolique “Sing”, le premier morceau vaguement britpop de Blur “Bang”, à la limite le gentillet “She’s so High” et c’est à peu près tout). Il fallait vraiment être un voyant extra extra extralucide pour prévoir un quelconque avenir doré à cette bande de grands dadais aux yeux exorbités par la drogue et coiffés au bol comme des moines du Moyen-Âge (regardez le clip de “There’s No Other Way” si vous ne me croyez pas). Pourtant dès l’album suivant, le formidable MODERN LIFE IS RUBBISH, les choses changeaient radicalement : le groupe y abandonnait définitivement ses rythmiques « dance » et ses guitares psychédéliques en faveur d’un son 100% pop et de chansons parfois carrément incroyables.
Blur ne va plus pondre que des chefs-d’œuvre jusqu’à sa mise en sommeil en 2004
Seize ans plus tard, certains (et pas forcément les plus fous) considèrent encore que MODERN LIFE IS RUBBISH demeure le meilleur album du groupe. Et pourquoi pas d’ailleurs? Pourtant derrière la concurrence est rude. Parce qu’à partir de ce second album sorti au début de l’été 93, Blur ne va plus pondre que des chefs-d’œuvre jusqu’à sa mise en sommeil en 2004, pop avec PARKLIFE et THE GREAT ESCAPE, lo fi et expérimental avec BLUR, psychédélique à mort avec 13, quasi World music avec THINK TANK. Le niveau du rock anglais de l’époque était tellement élevé (Oasis, Suede, Pulp, Supergrass, Radiohead, The Verve, etc) que l’on ne va pas prétendre que Blur était seul au monde entre 1993 et 2004. Néanmoins il faut reconnaître que la concurrence, aussi bonne soit-elle, était quand même reléguée à distance respectable derrière des disques pareils.
Et cette compilation alors? Pourquoi une nouvelle compilation d’ailleurs? Le groupe n’en avait-il pas déjà sorti une il y a quelques années? Si, évidemment. Néanmoins ce nouveau best of se justifie pour au moins deux excellentes raisons : d’abord pour marquer le coup au moment de la « reformation » du groupe cet été (je mets « reformation » entre guillemets parce que le groupe ne s’était jamais vraiment séparé). Ensuite et surtout parce que la compil’ précédente était un simple Greatest Hits qui réunissait sur un seul CD les singles du groupe (et encore, pas tous). Celle-ci, intitulée MIDLIFE : A BEGINNER’S GUIDE TO BLUR, s’étale sur deux CD et réunit, en plus d’un certain nombre hits, un nombre encore plus grand de morceaux d’albums (beaucoup moins connus donc). Il s’agit donc d’une vue infiniment plus complète sur le groupe.
Verdict?
Verdict? Pendant deux heures et vingt-cinq chansons, MIDLIFE : A BEGINNER’S GUIDE TO BLUR expose au grand jour le talent quasiment sans limite des quatre boys. A coups de hits (“Girls & Boys”, “Parklife”, “Beetlebum”, “Song 2”, “Tender”…), de formidables pop songs (“For Tomorrow”, “Chemical World”, ” Stereotypes”), de ballades sublimissimes (“Out of Time”, “This is a Low”, “The Universal”), de décharges électriques (“Bugman”, “Advert”, “Popscene” -l’excellent single punky sorti entre LEISURE et MODERN LIFE IS RUBBISH qui avait été scandaleusement oublié du best of précédent-), et de machins bizarres, pas vraiment identifiés mais géniaux (“Sing”, “Death of a Party”, “Battery in Your Leg”), à peu près toutes les facettes du groupe (pop, rock, punk, planant, expérimental…) sont passées en revue avec le même bonheur. Et puis franchement, je ne sais pas qui a établi le tracklisting de cette compil’, mais quelque personne que ce soit qui a eu l’idée d’intégrer ici ces véritables petites merveilles fortement méconnues que sont “He Thought of Cars”, “Good Song”, “Trimm Trabb”, “Bad Head” et “Strange News From Another Star” mériterait d’avoir sa statue à côté de celle de l’Amiral Nelson à Trafalgar Square en plein cœur de Londres!
Reste maintenant LA question : à qui s’adresse cette compilation? Attendu qu’il n’y a ni inédit, ni face B, ni morceau rare, certainement pas aux fans qui ont déjà toutes ces chansons depuis longtemps. Alors? Alors je dirais aux 15-20 ans, aux non-convertis et aux sceptiques (au premier rang desquels on trouve la presse rock française – pensez par exemple que Blur n’a jamais fait la couverture de Rock&Folk !-). En tout cas ce qui est certain c’est que ça y est, Blur a sa vraie compilation pour l’éternité (il serait désormais temps de se pencher aussi sur les cas de Suede et de Pulp qui doivent, eux, pour l’instant se contenter de simples collections de singles). Quant aux fans, ils attendent maintenant le coffret avec les inédits et les raretés ou mieux : un nouvel album du groupe.