Petite devinette : à quoi reconnaît-on qu’une salle, en l’occurrence ici l’Olympia, n’a pas l’habitude de recevoir des concerts rock ? Facile. Les serveurs du bar roulent des grands yeux ronds quand on leur demande une bière, et pire, quand quatre personnes en demandent une en même temps, alors là c’est la panique, la moitié du verre est rempli de mousse, et le temps que celle-ci descende pour remplir l’autre moitié, trente personnes sont venus garnir la file d’attente pour être servies… Du coup, il y a encore beaucoup de monde au bar lorsque les jeunes Ecossais de Dananananaykroyd (meilleur nom de groupe depuis très longtemps….) investissent la scène. Pour être honnête, je n’ai jamais entendu parler d’eux, et je ne sais donc absolument pas à quoi m’attendre. Et ça tombe bien, ce groupe ne ressemble pas à grand chose de connu.
Sur scène, les Dananananaykroyd sont sept. Ils ont le même look que 90% des groupes anglais actuels si ce n’est que le très jeune chanteur s’est fait une espèce d’horrible raie au rasoir sur le côté. Lorsque commence la première chanson, on n’est pas trop surpris, on est dans une lignée Rakes/Good Shoes/Editors… (rajoutez les noms des 250 groupes clones anglais actuels à la suite de cette liste). Et puis soudain les guitares se déchaînent, le chanteur se met à hurler en sautant dans tous les sens, l’un des deux batteurs (eh oui ils sont deux) se joint au chanteur, tous deux descendent dans la fosse et invitent les spectateurs à se serrer dans le bras les uns les autres, puis ils remontent sur scène, hurlent, se re-déchaînent, et continuent sur le même rythme pendant une petite trentaine de minutes. Sur scène, tout cela a plutôt de l’allure, mais je me dis que ça ne doit pas forcément donner grand chose sur disque. Je vérifierai.
Petite pause d’une demi-heure. Les mêmes causes provoquant les mêmes effets, une longue queue de buveurs de bière se forme à nouveau devant le bar. Dans les allées, je croise une bonne copine. Je lui demande si elle aime danser ; elle ne comprend pas bien ce que je veux dire. Il faut dire que c’est la première fois qu’elle vient voir les Kaiser Chiefs. Moi c’est la quatrième. Les lumières s’éteignent. Enorme ovation. Les Kaiser entament les hostilités avec "Spanish Metal", le morceau qui ouvre leur dernier album (déroutant à la première écoute, excellentissime à la cinquième). Au bout d’une minute vingt, les habitués se regardent incrédules : le chanteur Ricky Wilson alias le pois sauteur n’a pas encore bougé d’un millimètre. Ce n’est pas normal. Et puis soudain, à la fin du premier couplet, Ricky balance son pied de micro dans les airs. Le concert est officiellement lancé.
L’acclamation à la fin de ce premier morceau a à peine le temps de démarrer que résonne le petit gimmick de synthé qui ouvre le classique "Everyday I Love You Less And Less". Ma copine comprend enfin ce que j’ai voulu dire quelques minutes plus tôt : juste le temps de cette petite intro, l’Olympia s’est transformé en discothèque géante. Ca bouge dans tous les sens, et même parmi les places assises, la moitié des spectateurs sont déjà debout en train de danser. Et on n’en est qu’au deuxième morceau. Histoire de montrer qu’ils ne sont pas venus là pour rigoler, les Kaiser enchaînent direct avec un deuxième tube, "Everything Is Average Nowadays" qui remplit le public de bonheur. Pendant quasiment une heure, le groupe va enchaîner les titres au même rythme. D’ailleurs, les Kaiser Chiefs ne sont bientôt plus un groupe mais un juke box vivant. Singles ou simples morceaux d’album, quasiment tous leurs titres sont des hits en puissance que le public reprend en chœur.
Ricky Wilson a beau avoir la voix un peu enrouée ce soir, il est en grande forme, il chante, il bouge, il crie, il court, il saute, il monte sur l’estrade de la batterie, s’éjecte dans les airs et se remet à chanter. Les morceaux s’enchaînent comme à la parade. Chose importante : même si moins acclamés au départ, les "You Want History", "Good Days Bad Days » et autres "Half The Truth" issus du dernier album remportent finalement autant de succès que les classiques des deux premiers. Particulièrement détendu, Ricky nous fait sa blague habituelle (faudrait quand même songer à te renouveler Ricky…) : « Je vous invite à chanter celle-là avec moi. Les paroles sont très faciles, ça fait : na na na na na ». Autre classique des concerts des Kaiser Chiefs, le morceau "Take My Temperature" (qui est à la base la face B du single "I Predict A Riot"), qui est certainement, de loin, la plus mauvaise chanson jamais écrite par le groupe, mais qui est aussi celle qui a les paroles les plus drôles. Ca pogote gentiment sur ce titre punky lorsque soudain le groupe part dans une improvisation instrumentale planante. Musicalement, c’est étonnant et intéressant, mais dans les faits, ça casse un peu l’ambiance du concert-dancing géant. Heureusement, la machine repart à fond la caisse à coups de "I Predict A Riot" et de "The Angry Mob".
Le groupe quitte la scène sous une ovation gigantesque qui ne baissera quasiment pas jusqu’à ce que les Kaiser reviennent pour le traditionnel rappel. Qu’ils entament de façon surprenante avec le poppy et irrésistible "Tomato In The Rain" (c’est leur prochain single ou quoi ?). Et puis la machine à danser repart à fond une dernière fois avec "Can’t Say What I Mean" et un "Oh My God" énorme que le groupe étire sur plus de dix minutes en faisant longuement chanter le public. Un dernier saut de Ricky depuis l’estrade de la batterie et le groupe disparaît dans la nuit parisienne. Dans la salle, les lumières se rallument. Tout le monde est en sueur, le sourire aux lèvres. Chacun fredonne un refrain du groupe dans son coin. Sûr que lors de la prochaine venue des Kaiser Chiefs à Paris, je serai encore là…