Cyrille, le guitariste du groupe français qui sonne anglais, a accepté de nous rencontrer dans les bureaux de sa maison de disque. Un moment sympathique qui donne un point de vue nouveau et inédit sur le rock français.

Hushpuppies

Comment positionnes-tu les Huspuppies? Sur la scène rock française ou non?
Cyrille: Forcément, on est quand même lié à elle, parce qu’on est Français et qu’on fait du rock. En plus, les gens ont besoin de références et de carcans. De mettre les groupes dans des boîtes. À partir de là, à la fois on en profite parce que les gens parlent de nous, mais à la fois on n’est pas du tout proche de la scène rock française, en tout cas musicalement. Nous, on se sent très très très éloignés de la scène rock française traditionnelle. Quand on est en France, on a tendance à nous comparer à des groupes comme Deportivo, dont nous ne nous sentons pas du tout proches, mais pareil, on nous compare à des groupes comme les Arctic Monkeys, ou quand on dit de nous qu’on est les nouveaux Franz Ferdinand, même si ça nous ressemble plus, on ne fait pas la même chose !

Faites-vous le choix de chanter en français pour atteindre un public international ou est-ce plutôt parce que vous êtes plus influencés par le rock anglo-saxon?
Non, c’est surtout une question d’influence musicale. L’ambition? Non, on chanterait en français si on avait tant d’ambition, on n’aurait moins de mal à se faire connaître du grand public en France et à passer sur les radios. Maintenant, c’est cool qu’on puisse jouer ailleurs, dans deux jours on est à Moscou, après on va en Allemagne, en Espagne, et c’est peut-être des pays qui ne nous auraient pas forcément bookés si on avait chanté en français. On va aussi en Suisse, le 31 mai à Nyon et à Annemasse la veille, le 30 mai.

Qu’est-ce que vous inspirent les groupes français tels que Aaron ou Stuck In The Sound qui comme vous ont fait le choix de l’anglais
Les Stuck oui, on les apprécie. C’est un groupe dont on se sent assez proche et puis en plus ils sont très sympas. Mais on ne se met pas dans le même panier que Aaron. Même s’ils chantent en anglais, ils restent dans une veine beaucoup plus pop, finalement assez française. C’est cool qu’il y ait d’autres groupes français comme The Do ou Cocoon ou des choses comme ça, qui chantent en anglais et qui commencent à avoir du succès. Pour nous c’est hyper intéressant. Ça ouvre des portes, parce que les directeurs de radio ou de média se disent : «ça peut marcher, finalement. Les groupes français qui chantent en anglais, ça peut s’exporter ». Après, musicalement, on se sent plus rock que ces groupes qui fonctionnent, que ce soit The Do ou Aaron. Mais je trouve ça bien que les gens se débloquent à ce niveau-là. Ça n’a jamais choqué les Suédois qu’un groupe suédois chante en anglais, alors en France, il était temps que ça change.

Votre tube "Bad Taste And Gold On The Doors" évoque le mauvais gout des stars de rock. C’est une chanson qui se moque des stars de rock anglaises, pourquoi?
On se moque presque plus de tout ce qu’il y a autour du système que de la musique elle-même. On se moque plus de ce qu’il y a autour de Pete Doherty. Quand il est connu parce qu’il fait des bons albums, nous, on s’en fout que ce soit une star. Au contraire. Quand il est connu parce qu’il s’injecte de l’héro dans le bras et qu’il sort avec Kate Moss, on n’en a rien à branler. On occulte tout ce que sont les vraies idées, les vraies choses qu’on devrait retenir au final. C’est pareil avec les Beach Boys, si tu ne retiens que leur vie, la star attitude et tout ce qu’il y avait autour, il y en avait un qui s’est marié avec sa cousine, l’autre qui est tueur en série, aujourd’hui, ce qu’on retient des Beach Boys, c’est que c’étaient des mecs qui ont écrit des super chansons et que c’était un super groupe, et voilà. Tout ce qu’il y a autour, on s’en fout. Au niveau de la musique, "Bad Taste", c’est un peu différent de ce qu’on joue d’habitude, c’est un morceau où il y a assez peu de choses. Deux trois accords et le reste est linéaire. On était fier d’avoir écrit cette chanson-là, en rapport avec tout l’album.

Quelle pierre apportez-vous à l’édifice du rock français et du rock en général?
Ce serait un peu présomptueux de dire qu’on apporte une pierre à l’édifice du rock. On ne se pose pas trop la question. On est assez humble là-dessus. On est dans une logique trop anglo-saxonne pour être vraiment remarqué en Angleterre par exemple. On prend notre place dans le paysage du rock, mais on n’a pas un style suffisamment novateur pour lancer un mouvement différent. Et les médias rock en France véhiculent une image de merde à l’étranger sur les mouvements rock français et ça nous portent préjudice en tant que groupe de rock français. D’ailleurs, les étrangers nous demandent «mais vous êtes Allemands ? Ca n’existe pas un groupe français qui chante correctement en anglais, et qui fait quelque chose d’intéressant.» Pourtant, il y en a plein des groupes français excellents, que ce soit Stuck in The Sound, ou British Hawaï. Il y a plein de choses à exporter et ce que l’étranger connaît de nous, c’est la merde !

Quel est l’album que tu es fier de ne pas posséder ?
Je suis fier de ne pas posséder un disque des Stones de ces vingt dernières années. Voilà. Ça s’est arrêté à la mort de Brian Jones, à peu de choses près !

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