Crocodiles

 

En première partie, les Fribourgeois de Mrs Burroughs, duo qui jongle entre basse, guitare, boîte rythme et synthé retro. Un timbre de voix très proche de Ian Curtis, avec des trémolos semblant agoniser, et de même pour les compositions qui se targuent de créer cette même atmosphère intemporelle, sombre et incurablement désespérée, sans pour autant faire dans la geignardise facile, s’enfonçant dans un créneau plus humble. Donc cette comparaison – raccourci facile ­– n’est pas à prendre à la négative (il en sera autrement pour le plat de résistance de cette soirée) : maîtrise générale, bonne exploitation de l’espace, la prestation de Mrs. Burroughs était tout à fait à la hauteur de sa référence dinosauresque. Des mélodies recherchées, parfois un brin trop tendres, mais Mrs Burroughs est incontestablement à suivre de près.

Pour Crocodiles, c’est donc tout autre chose. Et pourtant, qu’est-ce qu’on l’attendait cette prestation, après l’écoute frénétique de leur premier album éclôs dans l’ombre des caves froides, à l’abris du soleil de San Diego, ce "Summer of Hate", pestiférant une verve cold-wave shoegazing sertie de vapeurs psychédéliques grâce à un synthé bien vintage. Il n’en fût rien. Piquez à Oasis sa signature de batterie (à la Zak Starkey pour être plus précise, vue la succession des têtes à ce poste) ainsi que le principe «  jeu de scène pompeux du leader », brouillards pop transcendants, et voilà donc ce qu’offre Crocodiles sur scène pour défendre son second album, SLEEP FOREVER. On comparait le duo dès ses débuts à The Jesus and Mary Chain, voir on dénonçait à grands cris la pâle copie. Trop de révérences souligne les carences.

 

 

Brandon Welchez entre sur scène, armé de l’accoutrement du typique rockeux qui joue un rôle et porte son masque de soirée, blouson de cuir et ray-bans fumées, balançant au public en signe de salutations ce qui semble être des beignets de crevettes. Une fois les mains libres, le trublion surexploite les mimiques de Russel Sams dans son rôle de Dick Jared dans Les lois de l’attraction, le film, monopolisant l’attention sur sa personne. Même réverb’ dans le micro, on croirait véritablement que Liam G. vient de faire son entrée. Bref, tant de comparaisons viennent à l’esprit, car tant la prestation de Brandon Welchez ne semble porter aucune signature personnelle. Pour l’authenticité, il repassera. Un monopole agaçant, rendant l’attention sur le reste de l’équipe quasiment impossible – car le duo a appelé du renfort scénique –, et même sur les titres qui se jouent. Se faire avoir à son propre jeu. Certaines introductions de morceaux rappellent encore une fois Oasis, dans la trempe de "The Shock Of The Lightning", au point que les bras m’en tombaient, je ne saurais dire si c’était d’excitation ou de perpléxité, certainement un mélange amer. Louis XIV aurait dû leur balancer : « mec, il est sans comparaison plus facile de faire ce qu’on est, que d’imiter ce qu’on n’est pas, eh merde j’ai perdu ma consigne… ».

 

 

Les compositions sont entraînantes, on a droit à toute la fougue du rock’n’roll du côté de la guitare, une basse somme toute minimaliste tandis que le synthé apporte sa touche mélodique – tiens, comme lors des lives d’Oasis. Décidémment. L’ombre des Mancuniens plane de toute sa lourdeur sur Crocodiles du début à la fin. Pourtant le duo Américain et sa musique n’ont que peu à voir avec du brit pop. Donc manquait drastiquement ce souffle noisy-psyché – certes toujours discret – mais que nous promettaient tout de même les galettes. Du coup, une suite de titres présentant linéairement le même visage, contraste minimisé au maximum, et voilà l’ennui qui pointe son nez. Le cachet de la déception.

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