Une courte question pour amorcer un sujet sensible: Ariel Pink et ses Haunted Graffiti sauveront-il la lo-fi en devenant hi-fi ?

Ariel Pink’s Haunted Graffiti

INDIE Une courte question pour amorcer un sujet sensible: Ariel Pink et ses
Haunted Graffiti sauveront-il la lo-fi en devenant hi-fi ?

A la nouvelle de la signature d’Ariel Pink sur le label 4AD (mythique
pour avoir sorti notamment Cocteau Twins, Bauhaus et les Pixies, et toujours
actif avec The National, Deerhunter ou encore Gang Gang Dance), notre première
réaction fut la surprise. En effet, celui qui est autant vanté que décrié, qui
passe selon les avis du génie de la pop lo-fi californienne à une vague arnaque
hype, nous avait plutôt habitué à des albums soit autoproduits, soit sortis sur
le label d’Animal Collective, Paw Tracks, propice aux expérimentations sonores.
Et les questions fusent : est-ce qu’Ariel Pink va enfin réussir un
album ? Parce qu’on l’avait découvert en concert à la Dépendance
(soupir de nostalgie), où ç’avait juste été incroyable de fureur, de
transe-pop, de déchainement. Mais, à l’écoute de ses albums, on était toujours un
peu déçu : malgré quelques bonnes chansons, tout semblait vraiment en-dessous du potentiel pop du groupe. Est-ce que cet album sera plus sage ?
Mieux enregistré ? Penchera-t-il définitivement du côté mélodie pop en
laissant tomber les moments d’expérimentations bruitistes ? Pour dire les choses comme chez nous, cet album nous a
vraiment surpris en bien. BEFORE TODAY
est une vraie réussite. Les chansons sont très variées et pourtant recentrées
sur l’influence principale du groupe : la pop des années 70-80. Les
chansons sont basées sur des mélodies parfaites. Si on prend la tubesque au
possible “Bright Lit Blue Skies”, on croit entendre une sorte de
Monkees sous MDMA, fous et géniaux. Y a qu’à regarder le clip de cette même
chanson, on dirait, sans déconner, un épisode de Benny Hill. Mais le tout est
vraiment hyper premier degré. Ariel Pink est loin de toute ironie, de tout pastiche
postmoderne. Il vit juste une musique, pop, sucrée. Il est une sorte de
Sébastien Tellier californien. Là où le Français affichait sa sensualité et son
romantisme, le Californien dégaine sa coolitude de sous le soleil, son insouciance
et sa freakness (de sous le soleil également).

Où le baroque
rencontre le tube

Si Ariel Pink propose avec cet album des chansons plutôt
courtes et tubesques, les expérimentations n’ont pour autant pas disparues. Il
y a ainsi de très nombreuses ruptures de rythme. La structure des chansons change
d’un coup sans crier gare. Et c’est juste jouissif. “Fright Night
(Nevermore)” et “Round and Round” sont en même temps simples,
naïves et surprenantes, bref grandioses. C’est comme si MGMT, au lieu de faire
des ballades baroques, décidaient d’appliquer le même schéma à un format moins
prétentieux, celui de la chanson pop. Chaque chanson, derrière son apparente
naïveté, cache une multitude de parties différentes, qui surprennent à chaque
écoute. Une telle richesse sera difficile à épuiser.

La touche Ariel Pink se sent aussi dans les ajouts sonores
aux différentes chansons. Il y a d’abord les backing vocals lo-fi toujours
efficaces comme surplus d’énergie aux chansons. Il y aussi des effets sur la
voix, comme le ralentissement (définitivement l’effet vocal le plus à la mode
depuis la mort de l’auto-tune). Puis des ajouts vraiment propres à Ariel
Pink : on ne comprend ni leur intérêt ni la raison de leur présence, par
exemple le cri de Tarzan dans “Beverly Kills”. Mais en fait, ils
expliquent tout car ils sont la marque de l’originalité d’Ariel Pink, ce type
est sincèrement fou. Les chansons pop de BEFORE TODAY sont faites sans réfléchir. Le début de l’album, à part la première
chanson qui sert de mise en bouche instrumentale, enchaîne les tubes. A ceux
déjà cités, on peut ajouter encore “L’estat” dont le refrain à coup
de « Madame, mad mad love » convaincra les derniers indécis de
l’intuition pop d’Ariel Pink. La fin du CD amène plus de variation. Entre le hard
rock de “Butt-House Blondies”, la chanson d’amour kitch “Can’t Hear My Eyes” et la très post-punk “Revolution’s a Lie”,
Ariel Pink s’amuse à changer de visage. Mais ces essais de costume stylistiques
apparaissent plus faibles que l’autre partie de l’album, car plus réfléchis et
moins franc du collier. On notera quand même l’excellente “Reminiscence”, instrumentale qui démontre si nécessaire qu’Ariel
Pink possède, au delà de la mélodie pop, une maitrise ès ambiance sonore.

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