Amen Dunes au Bourg

Les nord-américains d’Amen Dunes sont passés en début d’automne nous réchauffer le cœur et l’esprit au Bourg avec les chansons inspirées et mélancoliques de leur nouvel album, LOVE (2014), à placer déjà parmi les meilleurs disques de l’année. En effet, le trio a déployé ses mélodies au cœur brisé menées par deux guitares – plus le clavier et piano occasionnels– et la voix du compositeur Damon McMahon, accompagnées par la batterie de Parker Kindred. Jordi Wheeler complète le groupe qui était à la base le projet solo de McMahon. D’ailleurs, l’atmosphère du vieux cinéma de Lausanne se prêtait à la perfection au jeu émotionnel de morceaux comme "Lilac in Time" et "White Child" : leurs sons anciens à la réverbération éthérée de vieux cowboy rêveur se répandaient dans toute leur ampleur dans la salle aux velours pourpres. Car, si de folk il s’agit, nous retrouvons plutôt ici un aspect dépouillé et minimal, une version beaucoup plus psychédélique d’un style lo-fi exploité auparavant par Will Oldham (Bonnie Prince Billie) et Bill Callahan (Smog).

En effet, Amen Dunes exploite un aspect spectral dans ses chansons, lesquelles ont l’air tellement anciennes que c’est comme si nous les connaissions déjà, tel de vieux fantômes qui nous rendent visite. D’ailleurs, c’est peut-être aussi la texture des vieux échos à bande aux guitares et au piano qui produit cet effet, un peu à la Galaxie 500, lorsque le son devient brumeux et transparent : un écran parfait pour y projeter tous nos fantasmes, nos oublis et nos regrets. Car, comme avec tout bon groupe ou avec tout bon art, nous avons l’impression que ces mélodies nous regardent en même temps que nous les écoutons : elles miroitent quelque chose de nous-mêmes, elles nous connaissent en quelque sorte et savent quelque chose à propos de nous qui est là, au plus profond de nous-mêmes. Ce sont en quelque sorte des fées proustiennes qui voyagent à travers la mémoire grâce à l’alcool ou aux psychotropes et qui sortent du miroir pour nous inviter à danser avec elles en dehors du temps. Pourtant, dans l’immédiat, des femmes ensorcelantes, il y en avait ce soir-là à Lausanne, avec un public éminemment féminin composé de très belles filles ébahies et envoutées par la musique enivrante des nord-américains.

Car, des morceaux hypnotiques comme la très Velvet Underground et saccadée "I can’t dig it" ou "Love", avec son piano minimal et plein de spleen, ont laissé la salle dans le silence complice le plus absolu – pas question ici des habituelles conversations gênantes au milieu d’une chanson. Au contraire, ce pacte tacite était brisé chaque fois juste par les applaudissements, les pétitions explicites d’un groupe de fans au premier rang et la blague occasionnelle de McMahon entre chaque composition jouée. D’ailleurs, le chanteur n’a pas pu s’empêcher d’apprécier le bâtiment, inauguré comme salle de cinéma en 1917. En outre, le groupe a joué aussi des titres plus anciens, dont des extraits du deuxième album, THROUGH DONKEY JAW (2011). Cependant, le concert à Lausanne a tourné surtout autour de ce répertoire de ballades hippies et romantiques qu’est le plus récent LOVE. Car, Amen Dunes appartient à cette nouvelle chanson folk et psyché, comme Fai Baba, Great Black Waters et Kurt Vile, tout en gardant des caractéristiques qui le distinguent comme unique, à savoir les moments de rêverie soudaine provoqués par des passages d’échos contemplatifs et éthérés (qui se rapprochent plus du Joy Division d"Atmosphere") comme ceux de "Splits are Parted" et par les pianos poussiéreux comme celui de "Sixteen". Sans doute, il s’agit là d’un des concerts intimistes les plus prenants de la saison –à se demander comment a été celui de Mark Kozelek (Sun Kil Moon) à la fête de Noël d’Antigel à Genève.   

Une mention à part mérite le groupe de Christian Garcia (Velma, Deep Frozen) et Valérie Niederoest (Toboggan), Meril Wusblin, qui a offert une excellente première partie en jouant des morceaux d’un deuxième album qui sortira prochainement. Il s’agissait de mélodies circulaires qui faisaient appel autant au kraut rock minimaliste de Can et de Neu comme au post rock sophistiqué de Mogwai, Sophia et The Sonora Pine. En effet, la première chanson était une longue montée de vingt minutes aux accords mystérieux. Les voix des deux musiciens étaient accompagnées de lignes de guitare et d’un clavier analogique occasionnel.   

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