Comment a démarré l’aventure des Living Dead Boys ?
Romainville: C’était en 2004 au Palais de Tokyo à Paris, pendant l’exposition « LIVE » organisée par le curateur Jérôme Sans, où se produisaient les Chicks on Speed, Aphex Twin, ce genre de trucs. On faisait de la photo, des perfos. Donc on s’est dit qu’on allait faire une perfo en créant un « faux groupe », avec une artiste de Taïwan qui fait des karaokés en chantant hyper-mal, Hsia-Fei Chang. On s’est dit que ça serait les Living Dead Boys… va savoir pourquoi ! On chantait juste « we are the living dead boys », toujours la même phrase dans les trois chansons qu’on a créé pour l’événement ! Pour finir, ça nous a plu donc on a continué.
Carnicero: La gestation du groupe s’est faite quand même entre 2000-2004.
Romainville: Ouais…On tenait le squat "Escobar" à Genève, nous trois plus un autre mec, c’était un squat punk où on passait de l’electro et des musiques variées avec des performances. Finalement, l’idée des Living Dead Boys nous est venue en voyant les «zombies» dans les afters, des mecs qui avaient plus de gueule le matin en rentrant chez eux. Et puis les gens déchaînés en soirée techno, c’était une atmosphère complètement rock, voire punk…les trois on était d’accord là-dessus. On voyait les choses de la même façon.
Lagardère: On était fans de séries B et Z. J’ai étudié le cinéma pendant cinq ans. Donc l’idée de faire du rock avec des boucles d’electro très « dark », des samples de films et des références au cinéma d’horreur nous semblait tout naturel.
Le concept des Living Dead Boys a quand même pris de la bouteille après ça puisque vous avez un corpus de chansons très abouties Est-ce l’aboutissement de trois cultures musicales différentes, la résultante d’une solide amitié qui remonte à l’adolescence?
Romainville: Au début on était très proches du mouvement des actionnistes (NdR : L’expression actionnisme viennois décrit un mouvement artistique court et très violent du xxe siècle, compris comme une tentative indépendante des années 1960 de développer un art de la performance – à l’instar de Fluxus, etc.).
A l’adolescence Carnicero était fan de metal, Lagardère de new-wave et moi de punk. Donc notre performance a été de créer une musique qui regroupe ces trois styles. On adorait les soirées techno, mais desfois vers deux heures du mat’ t’as envie d’écouter du rock! Donc on a fait ce qui nous plaisait à nous.
Lagardère: Et on a eu raison, parce que les gens n’arrivent pas à nous catégoriser.
Néanmoins toute personne qui vient vous voir y trouvera son compte, qu’elle soit fan d’electro, de metal ou même de blues, non ?
Romainville: Absolument, mais on a voulu provoquer un choc. Lagardère ou moi-même par exemple faisons des trucs très léchés en matière de musique électronique, mais avec les Living Dead Boys on compose différemment. On recherche pas à faire des harmonies etc… un morceau des LDB, c’est quatre notes et le reste c’est de l’énergie brute. Le live est hyper important pour nous, on aime les imperfections. On a pas de plan marketing, on essaie d’être hyper honnêtes et on aime ce qu’on fait, donc si quelqu’un n’aime pas notre concert, on discute pas : il a qu’à se casser.
Lagardère: « We are the living dead boys, we play what we want ». On m’a dit une fois que notre musique était pleine de références, mais que ça restait complètement nouveau, que l’on transcendait ces références! Ca c’est infiniment précieux pour nous, que les gens reconnaissent que ce que l’on produit pourrait être qualifié de résolument "moderne". Le fait que notre musique soit dansable, soit conçue consciemment pour les dancefloors, les clubs, donne aussi une couleur particulière à notre trio.
Carnicero: L’essentiel pour nous reste vraiment l’énergie qu’on développe en live. Cette énergie brute, cette attitude punk nous habitait depuis longtemps. De plus on a une approche visuelle et esthétique pour nos concerts liée à nos métiers ou nos formations (arts-déco, beaux-arts).
Romainville: En ce qui concerne nos maquillage, si on s’inspire des « calacas » (NdR : squelettes) mexicains par exemple, on va pas acheter des déguisements ! On fait tout nous-mêmes, de manière « primitive ». Il y a toujours des éléments visuels forts dans nos concerts : des morts-vivants, des filles avec des tronçonneuses, il faut que le spectateur garde un souvenir indélébile, onirique ou cauchemardesque !
Carnicero nous fait écouter de la salsa ou des musiques amazoniennes, de la cumbia…il y a là quelque chose de très primitif aussi. Primitif comme le fait que des gens aillent en soirée techno, prennent des drogues et dansent tous ensemble jusqu’au petit matin, c’est l’idée même de la transe !
Vous êtes auto-produits, vous ne travaillez pas avec un label ?
Lagardère: En fait on est produit par une charmante demoiselle polonaise qui a travaillé à Manchester dans les années 80, son nom est Vanina Hänin, d’où le nom du label: "Vanina Hänin recommends" (http://www.vaninahanin.com), sur lequel notre premier 45 tours vient de sortir. On a l’idée de faire un album 33 tours avec elle d’ailleurs, le support vinyl avec sa qualité de son "énergique" correspondant finalement bien à notre musique.
Comment travaillez-vous à votre musique, quels sont les rôles de chacun ?
Lagardère: Le premier d’entre nous vole des enfants, le deuxième les attache, et le troisième les mange.
Romainville: C’est très spontané en fait… Lagardère s’occupe des rythmes électroniques, Carnicero amène ses mélodies sur ces mêmes rythmes, moi une ligne de basse, les paroles viennent tout à la fin. On compose en jammant.
Lagardère (inspiré): je fouette les enfants volés avant qu’on ne les mange et je compose à partir de leurs pleurs, leurs bribes de vie.
Pas de batterie ?
Romainville: c’est plus simple, comme ça on peut répéter n’importe où et se brancher en club ou dans une salle de concerts sans grosse logistique.
Pas de problèmes d’ego, de conflits dans le groupe ?…On sait que les conflits peuvent engendrer des musiques exceptionnelles !
Carnicero, Romainville et Lagardère (en chœur) : Non pas du tout !
Romainville : On se connaît depuis toujours, chacun connaît sa place, et le plaisir qu’on a à jouer ensemble se ressent sur scène. En fin de compte on est une famille. Si l’entre d’entre nous foire, on sait pourquoi et on le changera pas.
Carnicero oublie ses clés sur son toit, un jour il oubliera le code de son immeuble sur son toit, mais on l’aime comme ça !
Lien vers le portrait de Living Dead Boys
Lien vers la chronique du concert de Living Dead Boys
Site des Living Dead Boys
Photo: ©Alain Groux – grouxphoto.ch
Photo montage: Tania Michelet – tortikoli/at/bluewin.ch