Novembre 2000, Grandaddy passe en concert à Fribourg. C’est l’histoire d’un type qui achète, sans le dire, un billet pour la fille dont il est tombé follement amoureux. Elle ne viendra pas et le malheureux repartira de la soirée en déchirant son entrée et fulminant contre les vicissitudes de l’existence.
Le concert était parfait.
Juillet 2006, Jason Lytle n’épouse pas sa fiancée de longue date et livre le dernier Grandaddy comme un point final à une aventure qui aura duré plus de dix ans. Just like the fambly cat ne déçoit pas. Juste milieu entre The Sophtware Slump et Sumday, il reprend tous les thèmes chers au groupe de Modesto, CA. De l’homme moderne tentant d’appréhender la nature au moyen d’une technologie devenue incompréhensible, à un romantisme prosaïque d’une garage sale. L’écriture de ce dernier album se partage entre fragments élégiaques d’une musique classique aux synthétiseurs et des accords crasseux au parfum de garage et bière tiède. Grandaddy passe aisément de paysages sonores à la nostalgie déchirante à des sursauts d’énergie sous-tendus par une rythmique irréprochable. Une chanson comme "Guide down denied" évoque même un rock plus classique façon bal collège années 50, qui baigne dans l ‘innocence. Le texte rappelle le journal intime fragmentaire et vise parfois une économie poétique efficace comme dans "Skateboarding saved me twice". La voix de de Jason Lytle, tel un Neil Young à peine sorti de l’enfance, sert ses éléments à merveille. L’ensemble nous offre un cocktail de puissance émotionnelle rare.
Lorsque Jason Lytle évoque la fin du groupe, il la compare à l’érosion naturelle d’un canyon. Il quitte même Modesto pour se rendre dans le Montana, ne supportant plus la décrépitude sociale qui l’entoure. Tout cela renforce le goût de gueule de bois douloureuse que laisse cet album. Mais une sobriété méditative demeure, le chat est blessé, digne, il part lécher ses blessures. La musique de Grandaddy reste en mémoire.
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