On l’a dit cramé, reclus, dépressif. On l’a traité de vampire, de pilleur – on a voulu briser son échine et sa réputation. Mais Trent Reznor est un trompe-la-mort, un passeur de sons extraordinaire et un chanteur accompli.

Nine Inch Nails, 15.8.07, Avenches

On l’a dit cramé, reclus, dépressif. On l’a traité de vampire, de pilleur – on a voulu briser son échine et sa réputation. Mais Trent Reznor est un trompe-la-mort, un passeur de sons extraordinaire et un chanteur accompli. Et surtout il a du caractère et tient à conserver sa place au panthéon du rock n’roll comme «le dieu du rock industriel». Il l’a démontré à l’occasion de ce concert – si attendu qu’on croyait ne plus jamais le revoir après le désastre qui l’a empêché de jouer l’année passée en Suisse (une tempête ayant détruit la scène deux heures avant leur concert !). C’est dire si une nouvelle apparition de Nine Inch Nails sous nos cieux romands était guettée, désirée voire fantasmée.

Et Trent n’a pas failli à sa réputation, loin s’en faut. Entouré de musiciens redoutables et bardé de nouvelles chansons issues de l’album Year Zero, il a prouvé une nouvelle fois qu’il n’a pas d’égal et que la scène reste pour lui un champ de bataille qu’il entend bien gagner à chaque fois.

Démarrant en trombe avec «Hyperpower !» et «the Beginning of the End», deux titres du nouvel album, Trent Reznor donne le ton:  la musique est une forme de guérilla!  Malgré un volume de son très bas au départ, Reznor part ensuite à l’assaut avec «Terrible Lie», un «March of the Pigs» furieux, «Closer» et «Survivalism», inaugurant une montée en force aux accents tour à tour punk ou electro. On regrettera quand même l’absence de «Sin» au générique, qui aurait mieux convenu à cette mise en bouche brûlante. D’apparence martiale, entouré des ses licteurs, le lunaire Jeordie White (bassiste, ex-Marylin Manson) et le guitariste dyonisiaque Aaron North (ex-Icarus Line), Reznor assène ses compositions avec une verve toute guerrière, sa voix puissante alternant entre douceur et rage. Puis un rideau de fer descend sur la scène – le show va vraiment commencer!  Semblables à des fantômes numériques devant des murs de LEDs crachant un vert éblouissant , Reznor and Co. se lancent, laptop face au public, sur les magistraux «Me, I’m not» et «the Great Destroyer», dans un enchaînement de breaks qui n’ont pas déplu aux puristes de la musique électronique! Pas en reste, Aaron North se jette dans d’improbables acrobaties hendricksiennes avec sa guitare, secoué de convulsions possédées, faisant copuler son instrument avec les baffles (et avec à peu près tout ce qui lui tombe sous la main). Puis le calme revient avec le magistral «Eraser», délire instrumental psychédélique porté par un show visuel où le silicium semble avoir été contaminé par un poltergeist! Suit une interprétation surnaturelle d’ «Only»,  une pluie d’argent (métaphore de Danaé visitée par la pluie d’or / Reznor = Zeus) baignant les musiciens lancés dans un rock sauvage. Reznor interprète ensuite un «Burn» somme toute assez classique, puis vient la surprise de la soirée, à savoir le terrible «Dead Souls» de Joy Division, reprise que Reznor avait en son temps inclue dans la BO du film « the Crow ». La foule entre alors dans une transe telle qu’on aurait cru voir un vol rapide de corbeaux filer sur nos têtes ! Déchaînés, les Nine Inch Nails font tout exploser avec «the Hand that feeds» et son riff inspiré des Kinks, et terminent avec «Head like a Hole», Aaron North ne manquant pas à la fin de détruire conscieusement sa guitare avec un acharnement assez inquiétant. Tabula Rasa.

Le public remonté à bloc a enfin droit à un rappel apaisant avec la voix bouleversante de Trent Reznor sur «Hurt», qui clôt là un concert magique et extrêmement maîtrisé !

A quarante-deux ans, le loup qui n’a pas perdu ses dents en aura remontré aux arrogants et aux esprits chagrins. Et c’est très bien ainsi.

Photos ©Alain Groux

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