Twenty One Pilots

À l'heure où le grand public découvre Twenty One Pilots avec "Heathens", BO de "Suicide Squad", nous autres membres de la "skeleton clique" avons quelques albums derrière nous et nous rappelons avec mélancolie le temps où les deux garçons de Columbus ne fréquentaient pas encore la fripouille de Fall Out Boy, et où nous faisions encore partie d'un club exclusif de priviliégiés, fiers d'entendre nos interlocuteurs demander une seconde fois le nom de ce duo dément qui ne cesse de nous surprendre et de conquérir de plus en plus d'esprits tout aussi déjantés que le leur.

Je veux bien partager avec le monde populaire, à condition que la suite discographique ne s'adapte pas à lui, et que le duo respecte sa conduite jusque là irréprochable. Bien que l'association blockbuster/Twenty One Pilots peine, il nous faut tout de même avouer que l'univers décalé de la nouvelle pélicule DC Comics leur sied à merveille : on imagine très bien Tyler Joseph et Harley Quinn compagnons de cellule à Arkham dans une prochaine fiction.

Tyler se plait à dire que ses compositions ne comportent ni couplet ni refrain ; il s'agit plutôt de suites de thèmes. "Heathens" est une construction de chanson très basique avec, donc, la répétition d'un thème qui hante l'auditeur telle une litanie soporiphique. Mais là où Tyler frappe encore c'est dans la mélodie : une sorte de berceuse sadique renforcée par les aigus du piano et qui nous plonge dans un sommeil semi-éveillé. Les "watch it" interrompent le rêve et nous ramènent au réel dans un sursaut électrique. La basse qui s'ajoute au milieu du morceau sonne comme un orgue et impose sa texture chaude et vibrante.

Cette différence ne représente qu'un aspect de ce que Twenty One Pilots change dans la façon d'écrire la musique. On ne peut pas parler ici de prises de risques volontaires motivées par le désir de prendre un nouveau tournant dans une carrière trop monochrome, comme c'est le cas de beaucoup d'artistes après une routine discographique, mais plutôt d'expression artistique sincère et d'une forme de liberté que d'autres n'oseraient peut-être pas emprunter par peur d'échec commercial. Mais leur sincérité paye.

Une différence assumée sans pour autant être exagérée ou imposée. Bien plus qu'illustrer l'emprisonnement – ou l'internement pour certains – de ces canailles que sont Harley Quinn et le Joker, Twenty One Pilots porte un regard critique sur la façon de traiter l'autre, de le juger et de le condamner. Au final, nous nous retrouvons nous-mêmes enfermés aux côtés de ceux que nous évitions, rejetions et méprisions. Sans vouloir être poussif dans l'interprétation de la chanson, nous voyons là un message de tolérance, de fraternité et d'acceptation. Encore une fois, une réflexion sur l'être humain face à la société. Et Twenty One Pilots ne manque pas d'utiliser cet auditoire qui lui est prêté le temps de quelques minutes pour insérer subtilement ici et là des valeurs morales fortes. C'est tout l'art de l'inception dont ils sont devenus maîtres. Reste à voir si "Suicide Squad" méritait l'intervention de Tyler et Josh.

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