Thierry Théolier

Thierry Théolier est un cas, autant vous le dire tout de suite. Dilettante, performer cultivé et pamphlétaire virulent,  DJ à ses heures, fondateur du Syndicat du Hype à Paris dans les années 2000, sorte de club de joyeux pique-assiettes décomplexés (ils écumaient en leur temps les vernissages, expos et autres événements open bar de la capitale française, s’empiffrant à tout-va et blablatant, glougloutant même, sur l’absurdité du système), le Dude ultime franchit maintenant le pas et sort sur Nukod son premier disque, 2000 WHAT THE FUCK.

Tout un programme, donc. Car non content de nous faire danser avec ces dix titres aux sonorités electro froides et lancinantes, parfois assez barrées, souvent psychédéliques, l’attachant barbu Thierry Théolier, assisté du sorcier Human Koala pour les arrangements et le mixage de cet opus, ne change néanmoins pas de casquette (qu’il a en permanence vissée sur la tête), et met sa musique au service de son écriture, fustigeant dans sa prose poétique les branleurs, les suckers, l’imposture de l’art contemporain et du business musical, le mensonge et le copinage des élites. Un pavé dans la mare qui ne manquera pas d’éclabousser les bien-pensants et les fâcheux.

Le ton est donné dès le premier titre, "Corporate Prayer", complainte ambient truffée de mélodies droguées indianisantes, et son envoûtant mantra répété à l’envi, « Dieu/Allah/Bouddha/Krishna, faites que je ne réussisse pas », où le Dude brocarde en vrac Philippe Katerine, Canal +, ou Libération. "Le Terminus des Minus", et sa boucle dynamique très rock, est une charge amère contre les artistes ratés, auto-rayés de la carte à cause de leur paresse et de leur suffisance : « T’as manqué de courage ? T’as manqué de force ? Tu t’es dis-per-sé ! ».

Sur "Bug", changement de registre. C’est à un trip méditatif que nous convie le poète, qui fut « la lumière du jour et le feu-follet », ayant désormais opéré sa transmutation de « parasite mondain » en « homme qui voulait ton bien. ». Il y a de la grandeur et une infinie tendresse chez Théolier, à n’en pas douter. "Traversez", track où se mêlent techno bondissante et impros « à la bontempi » rigolotes, offre une pause, une invitation au voyage, intérieur comme extérieur. Avec "Suckers", mélopée teintée d’easy-listening, les affaires reprennent de plus belle : haro sur les parasites et les intrigants ! 2000 WHAT THE FUCK se clôt sur "L’Eau des Caniveaux", réflexion minimaliste sur le sens de la vie, chuchotée comme une berceuse.

Cerise sur le gâteau, le CD contient plusieurs remixes formidablement troussés par Human Koala, Unison, Joachim Montessuis et un certain Abdel Vucchlym qui, ai-je appris, est l’anagramme du membre d’un groupe célèbre qui aime déguster du cheval en club ! Vous ne voyez pas ? Moi non plus !

Alors, Thierry Théolier, un chevalier moderne, un idéaliste au service de la pureté, un pourfendeur de la compromission? Certes, mais prenez garde: sa plume, trempée dans un sang impur, glaive inexorable, est acérée comme la Vérité qu’il professe.

Amen.

Pour écouter tout ça, c'est ici: http://nukod.bandcamp.com/

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    https://www.facebook.com/events/742077549161696/

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