Cinquième album des National, confirmant leur statut de meilleur groupe du monde caché. Un grand disque américain, sans aucune rature. Le disque 2010? On peut déjà penser à faire les comptes...

The National

ROCK Cinquième album des National, confirmant leur statut de meilleur groupe du monde caché. Un grand disque américain, sans aucune rature. Le disque 2010? On peut déjà penser à faire les comptes…

Des mots s’enroulant dans d’autres. Des couleurs vivantes en lévitation. Un ouragan miniature de lettres formant une splendide oeuvre signée Mark Fox: The Blinding Force (2008). Un belle métaphore du poids des mots formant l’ossature d’un groupe faisant partie des “têtes” du rock. The National n’a jamais considéré les paroles comme de simples vacataires. Côté civil, le groupe originaire de Cincinatti, Ohio, n’a pas non plus usé de langue de bois, pour preuve son implication aux côtés de Baracko en 2008 lors des élections américaines. Rencontré durant ces instants cruciaux (lire l’interview ici), le quintette nous avait frappé par tant de sincérité. Bryce Dessner, guitariste: “Tu dois t’engager, il n’y a plus d’autre choix”. Non pas tant pour sauver leur honneur US, mais bien par pure conscience de laver cet affront républicain aux conséquences mondiales. The National n’a jamais fait semblant. Si bien que l’an passé, les frères Dessner avaient produit la compilation DARK WAS THE NIGHT dont les bénéfices ont été reversés à la Red Hot Organization, une ONG dédiée à la récolte de fond pour la lutte contre le SIDA (lire la chronique ici). Sur la liste des invités, notamment: David Byrne, Antony Hegarty, Cat Power, David Sitek. Le point de vue de The National n’a cependant pas été négligé. Après les très remarqués ALLIGATOR (2005) et BOXER (2007), les résidents new yorkais font toujours autant dans le titre énigmatique avec la sortie récente de HIGH VIOLET.

On a longtemps hésité

On a longtemps hésité, faisant tourner ce disque jusqu’à la surchauffe, conduit sur ces 11 titres, rien n’y fait: The National est un grand groupe. Et peut-être le meilleur de cette année 2010. Et s’il n’avait pas déjà été celui de la décennie passée, avec en mémoire de mémorables prestations scéniques? On a longtemps hésité disions-nous, tant ce LP ne fait pas dans le tape-à-l’oeil, mais traçant son sillon sereinement, presque sur un faux-rythme parfois. En tout cas pas le disque à passer un vendredi soir avant d’aller clubber, sous peine de légèrement plomber l’ambiance. Non pas de foutre le moral en bas, mais bien celui de sublimer le moment présent pour finir par abdiquer sur une probable sortie. HIGH VIOLET est magnétique et en devient irrésistible. Ici, pas de titres d’appels à l’instar de “Mistaken for Strangers” sur le précédent album. Une harmonie de ballades réveillant le fantôme Bruce Springsteen allié à quelques actes de bravoures prenant des chemins plus escarpés. Avec, en ouverture, le très fort “Terrible Love”, splendide déflagration aux arrangements et aux choeurs déments, histoire de dire que les patrons, c’est bien eux.

“Terrible Love” saisit tout de suite par une rythmique singulière qui se retrouvera durant tout l’album. Là où elle était somme toute dans la lignée de groupes new-wave tels qu’Interpol ou The Stills, HIGH VIOLET la place en pièce centrale de l’oeuvre des New Yorkais, rondement menée par Scott Devendorf. Il y a aussi cette voix de bariton tenue par Matt Berninger, aux qualités hors normes, profonde, nuancée, poignante; mais au service de la communauté plutôt qu’érigée comme attrape-auditeur. Chez le National, pas de place à l’individualisme: Bryce Dessner, en 2008: “On n’est pas dans cette idée du showman. On ne fait pas de solo juste pour faire le show. Ce n’est pas du tout l’idée. Chez The National, on donne tout pour le morceau, point barre.” Un morceau suivant l’autre, avec logique, comme un peintre effectuant son tableau: par couches, avec sa propre méthode, homogène. HIGH VIOLET démontre l’aptitude du quintette quant à tenir la longueur, cinquante minutes durant, en ne laissant pas l’auditeur sur place, au contraire. Si “Terrible Love” possède une force de frappe certaine, c’est rapidement qu’on se retrouve sur une toute autre route avec le très folk “Sorrow” ou le très bref “Anyone’s Ghots” (sans doute le titre le plus passable de l’album). Avant d’entamer une nouvelle étape avec “Little Faith”: plus grave et grandiloquant que ses prédecesseurs, il introduit idéalement une montée fantastique jusqu’au sommet pop, en piste 9, “Conversation 16”.

” On donne tout pour le morceau, point barre “

 

 

En chemin, on notera le morceau attrape-coeur de l’album, le royal “Afraid of Everyone”, avec la présence de Sufjan Stevens. A l’harmonium, au chant, mais aussi poussant les boutons d’une production jusqu’alors exclusivement dirigée par le groupe lui-même, excusez du peu. Où comment donner une leçon de rock épique sans fioriture ni solos de guitares, si ce n’est un final à en perdre son souffle sous les martellements de Scott Devendorf donnant à l’ensemble des airs de grande cathédrale. S’ensuite le très accessible “Bloddbuzz Ohio” aux paroles bien plus graves qu’elles n’en ont l’air: “I still owe money to the money to the money I owe /
The floors are falling out from everybody I know” magnifiées par un Matt Berninger entraînant. Les poids des mots disions-nous… Il y aussi ce titre, “Lemonword”, très proche des atmosphères de Springsteen, racontant la triste histoire d’un soldat, ne revenant sans doute pas du combat: “Livin’ or dyin’ in New York it means nothing to me / I gave my heart to the Army”, des paroles avec une résonnance encore plus grande quand on pense à la toile de fond… HIGH VIOLET prend fin en deux actes, avec le crépusculaire “England” (“Try to be nice stay the night with the sinners /
Try to be nice cos we’re desperate to entertain”), splendide, et la ballade “Vanderlyle Crybaby Geeks” tout en chordes en et cuivres. “All the very best of us string ourselves up for the”. Oui, The National sait donner le meilleur de lui-même. On touche à la perfection, si bien qu’on peut rester dubitatif tant l’aspérité y est quasi absente. Un album lisse? Non, s’il vous plaît, pour cela il y a les dernières productions de Coldplay et Editors. Allez voir un petit peu plus loin avec The National, vous ne serez pas déçu…

 

The National se produira cet été à la Route du Rock, St-Malo le 15 août ainsi qu’au Pully For Noise, Suisse, le 20 août.

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