Sous les feux des projecteurs, les londoniens de The Horrors ont foulé les planches du génial club Le Romandie, à Lausanne. L'occasion pour Lords of Rock de rencontrer (enfin) les membres de ce quintette à la réputation dichotomique.Explications, et longue conversation s'ensuivent.

The Horrors

Sous les feux des projecteurs, les londoniens de The Horrors ont foulé les planches du génial club Le Romandie, à Lausanne. L’occasion pour Lords of Rock de rencontrer (enfin) les membres de ce quintette à la réputation dichotomique. Explications et longue conversation s’ensuivent.

 

 

 

” Le public ne demande plus aux groupes de relever des challenges,
d’évoluer, ils se contentent de ce qu’ils ont “

 

Avec Gliss en première partie de ce concert dominical, notez qu’on a vu mieux pour chauffer la foule à blanc (au hasard les excellents Marilou mercredi passé pour A Place To Bury Strangers). Reste que le public s’est déplacé en nombre pour The Horrors. Et quel public! Un sentiment de malaise, entre emo-hardcore, famille gothique (sic) et curieux aptes à juger la bête sur scène. Nous non plus, à Lords of Rock, on n’est pas des plus enthousiastes à l’idée de voir la bande à Faris Rotter en concert. On les a décrit si banals sur scène, alors que leur récent deuxième album, PRIMARY COLOURS, est tellement bon.

 

Vérification faite, le concert ne restera pas dans les annales, la faute à une set-liste casse-gueule (un rappel composé entièrement de vieux morceaux, plus nerveux, plus juvéniles après avoir laissé de marbre par les nouveaux titres), un groupe se perdant dans son décorum noise, un Faris Rotter beaucoup trop suffisant pour convaincre ainsi que quelques lenteurs surprenantes. Alors, The Horrors, c’est du chiqué ou quoi ? Quelques heures auparavant, on s’entretenait avec les enthousiastes bassistes et guitaristes du groupe, respectivement
Tomethy Furse (né Tom Cowan) ainsi que Joshua Third (né Joshua Hayward). L’occasion de parler de leur nouvel album, de leur parcours, et surtout de technique. Des vrais geeks plutôt que des proto-goths. On préfère ça.

 

Lords of Rock : ma question fétiche pour débuter : où donc avez-vous joué hier soir ?

Joshua Third : Bregenz.

Tomethy Furse : en Autriche, je vois que tu ne connaissais pas (rires). On tourne depuis le mois d’avril, sans répit. Même pas de break en été, pour cause de festivals. Généralement, on a tout de même un jour de pause par semaine, le mardi ou mercredi, c’est selon. On peut fumer ici ?
S’il n’y a pas de détecteur de fumée…

 

N’y a-t-il pas eu de pause en août, c’est plus calme non ?

Tomethy : non, même pas, c’est encore pire en Grande Bretagne ! Durant ces dates, nous avons eu le temps de faire 3 tournées différentes aux Etats-Unis, à chaque fois 4-5 semaines. Une fois, on a assuré la première partie de concerts de Nine Inch Nails, notamment à New York. Une fantastique expérience, d’autant plus qu’on est super fan du groupe et que c’était très amusant.

Joshua : je crois qu’on peut la classer dans le Livre Guiness des Records de la tournée la plus drôle !

Tomethy : et les dernières dates de cette tournée seront pour février 2010. Encore du chemin à faire.

Joshua : mais on adore jouer live et on est plutôt bon donc pas de problème pour nous.

 

Avez-vous adoré jouer sur scène dès le début ?

Joshua : ouais ! Bien sûr, ça a toujours été fun de jouer sur scène. On y a toujours passé du bon temps.

Tomethy : bon, c’était un petit peu plus chaotique que maintenant… On peut dire qu’on a bien progressé sur scène. Au début, nous faisions deux concerts pour une répétition, pas très sérieux. On écrivrait les morceaux en soirée, on improvisait sur scène….

Joshua : avant de jouer notre premier show nous n’avions répété que deux fois tous ensembles. On a côtoyé des groupes qui répétaient genre cinq fois par semaines. On a donc commencé à bien s’entendre sur scène après avoir sorti notre premier LP (STRANGE HOUSE), en tournant encore et encore.

 

Avez-vous vraiment débuté à Southend-On-Sea (ndr. ville côtière à l’est de Londres) ?

Joshua : beaucoup de membres proviennent de Southend, mais on a véritablement commencé à jouer ensemble une fois tous réunis à Londres. Londres, c’est plus jolie et ça sent meilleur (rire).

 

Quand “Sea Within A Sea” a été mis en ligne sur Internet cette année, bien avant la sortie de votre deuxième album, ç’a été un choc pour tout le monde tellement il était singulier…

Joshua : oui, c’était un peu la raison pour laquelle nous avons fait cela. Ce morceau représentait tout ce que nous avions fait durant les 6six derniers mois et on avait vraiment envie qu’ils entendent d’abord ce morceau. Il est trop long pour être un single et pas assez catchy pour pouvoir être vendu en tant que tel. Mais ce n’était pas le but. Personne ne l’a aimé au début, mais je crois bien que son impact était évident.

Tomethy : si tu l’as aimé ce que tu n’aimais pas notre premier album (rires).

Joshua : arrête, bien sûr qu’il l’a aimé !

 

 

 

“Pop”

 

On a parlé de « tabula rasa » pour The Horrors entre les deux albums. Au fond, outre le son, pas grand chose n’a changé non ?

Tomethy : hum, je pense que le changement s’est fait très lentement. C’est quand on a écrit le titre “Three Decades” que nous avons espéré faire quelque chose d’autre. Tout a commencé à prendre sens graduellement. Durant le break entre les deux albums nous avons tous expérimenté des choses chacun de notre côté, cela s’est fait normalement.

Joshua : il ne faut pas croire que l’on s’est assis à une table pour décider de l’orientation que nous donnerons aux Horrors…

Tomethy : ce qui est vraiment l’impression que les médias ont véhiculé. C’est triste de voir que certaines personnes n’ont pas cherché à comprendre ce qu’il en était réellement.

Joshua : c’est aussi une question de basse. Du moment que tu l’as mise de côté pour jouer du clavier et que c’est Spider Webb qui l’a prise, tout a changé (rires).

Tomethy : cela dit, on a vraiment tous été enthousiasmés par cette évolution.


Le titre “Primary Colours” est lui presque pop. Tout comme “Scarlett Fields” est très calme, preque posé…

Tomethy : je pense que nos morceaux ont été enregistré différement. Tu as raison de le dire, c’est pop. C’est que l’on voulait d’ailleurs. Les gens ont toujours de la peine à faire le lien.

Joshua : depuis le premier jour de l’enregistrement nous avons eu ce désir.

 

Avez-vous pris part à l’enregistrement de PRIMARY COLOURS ou avez-vous laissé les commandes à Geoff Barrow (membre fondateur de Portishead) ?

Tomethy : quand THIRD de Portishead est sorti l’an passé, nous nous sommes tous dit « wah, si seulement Geoff pouvait mettre un petit peu de cet album dans notre musique » ! Cela dit, notre son était déjà bien élaboré avant que Geoff n’arrive. Quand il a entendu les premières maquettes, il nous a dit « this is great, stay with this. Vous n’avez pas besoin que j’y mette du miens ». Naturellement avec lui nous avons encore et encore travaillé sur le son.

Joshua : en fait Geoff est le Steve Albini du hip hop (rires). Il applique sa méthode.

 

Peut-on dire que c’était une coopération parfaite, aussi intéressante pour lui que pour vous ?

Tomethy : oui ! On n’avait besoin d’aucune autre personne. C’était ce qu’il nous fallait, quand on voit ce qui est sorti de ces sessions d’enregistrements.

Joshua : il nous a aussi tellement donné de confiance en nous…

 

Cet album fut enregistré à Bristol, n’est-ce pas ?

Joshua : non, à Bath, mais c’est à côté. On avait commencé à l’enregistré chez Geoff, à Bristol.

Tomethy : c’est une ville assez intéressante.

Joshua : mais on a réalisé qu’on avait besoin de plus de place. On a donc bougé et c’était très bien ainsi, il n’y avait personne autour de nous.

Tomethy : sauf que tu ne dis pas qu’il y avait un magasin bio à côté. Donc nous croisions occasionnellement des grands-mères (rires).

Joshua : un car de touristes japonais qui visitaient les collines dans les environs se sont arrêtés pour faire des photos avec nous. Ils nous prenaient pour un brass band, très amusant. « On remonte dans le car, c’est bientôt l’heure du brunch ! ». Ce fut une expérience étrange…

 

Pour revenir à votre nouvel album. Le son du clavier n’est pas du… clavier, n’est-ce pas ?

(Rire général) Tomethy : tu as dû entendre plutôt les guitares là !

Joshua : plus sérieusement, oui c’est certain, il y a quelque chose de différent. Nous avons trouvé un clavier totalement fou. Ce grand truc noir que tu peux voir sur scène, c’est lui ! C’est le Vox Continental.

Tomethy : en fait nous avons autant apprécié bosser sur le son que sur les morceaux.

Joshua : et il faut dire qu’on n’avait pas vraiment envie d’avoir un clavier qui sonne 80’s.

Tomethy : et c’est cela le problème. Et la raison pour laquelle tel ou tel groupe a un son si caractéristique. Tout dépend de ce que tu vas utiliser comme matériel pour enregistrer des morceaux. Pour chaque époque il y a deux ou trois objets ou instruments fétiches qui définiront un son.

Joshua : quand on demande à un producteur pourquoi il aime tant ce son 80’s, c’est souvent pour le Presets. Ca ne va pas plus loin. Ils aiment ce son typique et brancheront donc cela. Tu n’utiliseras jamais ce truc si ne veux pas faire du 80’s.

Tomethy : oui, les gens ont semble-t-il oublié d’utiliser un instrument pour lui-même sans l’associer à un quelconque mouvement. C’est comme pour le clavier Yamaha DX7, un classique digital 80’s. Mais les gens n’ont aucune idée sur la façon dont il faut vraiment le programmer (rires). Ils l’utilisent juste pour avoir ce son catchy. C’est aussi pourquoi il est devenu un classique, il n’est utilisé que pour un son typique…


Pensez-vous que vous auriez pu devenir ingénieurs du son plutôt que musiciens ?

Joshua : j’aimerai vraiment le devenir. J’étudie cela d’ailleurs, en parallèle du groupe. Pour faire des choses nouvelles ou apporter quelque chose de frais, tu dois vraiment connaître ce qui se passe au niveau des processus. Je vois cela comme étant extrêmement important.

Tomethy : c’est aussi cela qui fait la différence entre nos deux albums. En 2005, nous n’avions pas vraiment d’idées précises. « Comment tu fais ça ? On aimerait sonner comme ça » ! Mais il ne faut vraiment pas le faire, c’est stupide.

Joshua : les personnes qui nous ont entourées sur le premier album étaient très bonnes mais aussi très patientes (rires). Ca a bien changé pour PRIMARY COLOURS…

Tomethy : avoir un certain background pour un musicien change énormément les choses. Tu en as besoin pour être conscient de ce que tu fais.

 

Dans cette manière de faire, je pense à Arctic Monkeys qui ont enregistré leur album avec Josh Homme…

Tomethy : oui c’est un grand groupe ! Je n’ai pas tout entendu de cet album (HUMBUG ndr.) mais je pense qu’ils se différencient vraiment de ce qui se fait en Grande Bretagne actuellement.

Joshua : c’est fou comme cela peut gêner les gens quand tu décides d’évoluer dans ta musique. « Mais pourquoi tu sonnes comme cela maintenant ? Qu’avez-vous fait » ? J’ai l’impression que le public ne demande plus aux groupes de relever des challenges, d’évoluer, ils se contentent de ce qu’ils ont. On veut vraiment relever des challenge, être plus créatifs. C’est ce que n’importe qui devrait faire…

Tomethy : c’est ce qu’à fait Alex Turner avec son groupe The Last Shadow Puppets, vraiment impressionant.

 

 

 

“Le troisième album des Horrors sera peut-être folk”

 

Avez-vous des groupes parellèles de votre côté ?

Tomethy : hormis un projet électronique pour moi, malheureusement non. Nous aimerions en avoir, mais c’est aussi une question de temps. C’est ce que nous nous disons à chaque fois que nous sommes en studio.

Joshua : si l’on pouvait trouver des bons MCs pour des featurings sur nos morceaux, ça serait hallucinant.

Tomethy : oui, on écoute tous beaucoup de hip hop, mais je ne sais pas comment sonneraient nos projets parallèles. Ils seraient peut-être meilleurs que The Horrors, va-t-on savoir (rires). En tout cas, ça serait justement un challenge pour nous cinq.

 

C’est amusant d’entendre autant de membres de groupes de rock aimer le hip hop ou le citer comme influences principales…

Tomethy : même si les guitares sont revenues cette décennie, je trouve que ce qui se fait en hip hop est toujours plus dingue qu’en rock. Il y a vraiment des choses d’une qualité inouïes. Les productions hip hop sont vraiment plus excitantes, definitely.

Joshua : bon, on ne parle pas non plus de toutes les daubes commerciales, hein.



Je vois un ordinateur de l’autre côté des backstage. Travaillez-vous sur des nouveaux morceaux ?

Tomethy : ah non, je pense que c’est Josh qui fait des trucs d’acid house (rires) ! Il fait toujours de la musique pour s’amuser.


Avez-vous le temps de composer durant votre tournée ? Des guitares accoustiques cachées ?

Tomethy : des guitares accoustiques ? Ehhh !

Joshua : en fait j’en ai récemment acheté une. Sur e-bay, un vieux truc de 1941, mais qui est restée chez moi. Alors, quand on rentrera chez nous le 1er décembre, je la reprendrai pour jouer des morceaux folks.

Tomethy : je trouve assez ridicule de trimballer des guitares accoustiques dans notre van afin d’en jouer quand nous en avons le temps.

Joshua : moi j’aime bien le son, surtout des vieux artistes folks. Ca me permet de vider un peu ma tête de notre musique. Je te dis un secret : le troisième album des Horrors sera peut-être folk !

Tomethy : euh… Cela dit, je trouve que certains folkeux ont des looks complètement fous. Cela dit, j’écoute beaucoup de vieille musique blues.

 

Et concernant des reprises ? Je n’en ai jamais entendu une de votre part, hormis “Jack The Ripper” (de Screaming Lord Sutch, ndr)?

Tomethy : hum, on était sensé jouer avec Alan Vega, de Suicide. On avait pensé à reprendre des morceaux du groupe. Mais malheureusement, il était attendu à Hollywood pour se faire courroner au Rock’n’Roll Hall of Fame, c’est ça Josh ?

Joshua : oui. Mais le choses évoluent gentiment pour nous, nous reprenons parfois des morceaux d’autres groupes (rires). Il faut vraiment que l’on retourne en studio. Il y a tant de choses à faire. Nous jouons sur scène notre nouveau titre, qui ne figure pas sur le dernier album (“Whole New Way”).

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