The Black Lips

 

C’était mercredi, veille de l’Ascension, toute majuscule dehors, histoire de se jeter dans les bas-fonds de l’alcool en ayant foi que la fête sainte nous fera mieux remonter la pente. Après un show qui n’avait mis personne d’accord il y a trois ans – certain-e-s en sortant conqui-e-s et suant-e-s, d’autres avec un avis plus mitigé, mais tout aussi dégoulinant-e-s –, qui faisait découvrir un dernier opus – GOOD BAD NOT EVIL –  bluffant, crasseux, spontané, avec ces tubes aux refrains à s’égosiller lors de la rentrée du petit matin, ce premier jour de juin était attendu par les amateur-trice-s, tous-tes sachant pertinemment que quelque soit la qualité du son et de la prestation, les os allaient s’entrechoquer, les glandes sudoripares se faire spolier jusqu’à la dernière goutte, et la tireuse houblonnée faire des heures supp’. Dur de chroniquer un concert dont on fait à l’avance tout un foin, qu’on sait assurément que l’excitation sera plus forte que l’écoute et l’observation, et qu’une before arrosée au karcher rendra les émotions à fleur de peau. Prévenu-e-s vous êtes, voici ce qu’on peut tirer de ce moment de splash delirium.

 

 

Tout d’abord, on s’attendait à découvrir des nouveaux titres, bien que le mot découverte sous-tend un trop plein de concentration, impossible alors pour une grande majorité des imbibé-e-s sur la place. Prévu pour ce mardi 7, ce nouvel opus, ARABIA MOUNTAIN fait un poil peur, les premiers titres disponibles en vidéo-clip notamment présentant un rendu bien plus propret qu’à l’habituée. Les Black Lips auraient-ils manucuré leur beau bordel ? Succombé aux lissages d’un producteur qui n’a pas vraiment mouillé dans les mêmes combines que les quatre gars d’Atlanta – à savoir Mark Ronson (Amy Winehouse, Robbie Wiliams…) ? On vise plus large peut-être ? Premiers extraits, "Go Out and Get It" ! et la clique au bord de la mer, tant d’eau rend trop propre, avec des sons coupés au carré à la Hives, voir même la voix de Jared Alexander qui prend des teintes de celle de Howlin’ Pelle Almqvist, et ce "Modern Art" tout aussi aquatique et ses chœurs un peu boys band… Des souvenirs d’adolescence jaillissent – genre Blink cent quatre-vingt-deux – et c’est un peu désagréable…

 

 

Sur les planches du RKC, les Black Lips nous servent effectivement leurs nouveaux monceaux de ce « flower-punk » comme ils l’étiquettent. Si la ferveur prend, c’est que le show est ponctué de valeurs sûres, de ces titres complètement dingues où s’expriment toute la candeur d’un garage pré-pubère agrémenté d’une fureur punk à titiller fièvreusement la plus douce des septuagénaires, "Bad Kids", "Dirty Hands" (mémorable), "O Katrina" !, und so weiter. Manque à l’appel le tube le plus brillant d’intensité de leur répertoire, celui qui en avait fait bondir de joie plus d’un-e au Romandie, "Boomerang". Mais ce soir on aura droit à "Hippie Hippie Hoorah" avec ses pauses et cette guitare nasillarde qui énerve goulûment, reprise du comique "Hippie Hippie Hourrah" de Dutronc, ou du paillard « Ils ont les couilles en plomb, vive la Bretagne ». A choix. Ouais mais ces nouveaux 16 titres alors ? Dur, dur d’appréhender convenablement avec une seule écoute, un son brouillon dans la zone écarlate de la barre volume, les verres qui volent, de la bière dans les cheveux et ces corps qui se fracassent les uns contre les autres. Car on s’affole dans la fosse. Chose promise, chose due, renoncez à votre capital beauté : le public est déjanté, moîte, s’invite sur scène et tombe la chemise, le veston, le t-shirt. Seul un k-way restait pertinent dans les vapeurs de transpiration. Restent les impressions, toujours la même en fait : des mélodies qui en rappellent coriacement d’autres. Du  Kinks, du Beatles, bref la pointe rétro est plus palpable, avec subitement un tintement plus funky, carrément étonnant. Les Black Lips s’écartent un peu de leur fil rouge, mais sans vraimenr perturber. Et c’est dommage, on aurait bien voulu être un poil plus bousculé-e dans les oreilles, ne serait-ce que pour concorder aux cahots dans le monde physique. Sur scène, les sales gosses font le show à l’accoutumée : Cole a progressé dans ses crachages/rattrapages, Jared interagit selon son humeur, Ian-dents-de-plomb joue les épouvantails, Joe Bradley lui se contente de me bluffer une fois de plus. Pas de gros exploits à l’image de leur épopée berlinoise du même mois, mais le Dieu des ivrognes guide leurs pas. Tout autant que les nôtres.

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