Rock Altitude 2016 – samedi

La soirée du samedi a commencé pour nous à 19h00 avec Emilie Zoé. Cette jeune musicienne suisse romande a tout récemment sorti son premier album – Dead End Tape – qui, il faut le dire, est une vraie réussite ! On est plusieurs à être conquis. Si l'album se fait par moment intime et à d'autres plus rock avec une toute petite tendance au lo-fi, le passage en live se fait bien. Sa musique est tout à fait caractéristique de notre rock suisse – on pense à Kasette récemment mais aussi des bands comme Honey for Petzi ou Toboggan – il n'en demeure pas moins qu'Emilie Zoé se différencie par un univers bien à elle emprunt par moment d'une certaine mélancolie et à d'autres très rock 'n roll. Accompagné d'un batteur, elle a joué pendant près de 45 minutes son album en totalité ; elle nous a aussi gratifié d'un inédit ainsi que d'un tout nouveau morceau encore jamais joué en dehors du local de répétition. C'est une artiste à suivre. Bref on aime !

A 20h, les franco-gallois de Shake Shake Go entrent sur scène. Plutôt brit-pop fortement teinté de folk anglo-saxon, le groupe emmené par sa charismatique chanteuse flamboyante peine à faire danser un public qui marche plutôt au diesel ce soir puisque la sauce va seulement prendre après 30 minutes de concert. Le sentiment de cette prestation pour nous qui ne sommes pas des aficionados du genre est plutôt que c'était sympa mais sans plus. Le public, lui, après avoir fait connaissance avec leur musique a eu l'air d'apprécier.

Notre prochain rendez-vous était à 21h15 avec le génial trompettiste Erik Truffaz. S'il est connu pour avoir joué avec… un peu près tout le monde – j'exagère à moitié – il est parmi ceux qui ont su re-démocratiser la trompette auprès du grand public grâce à de fructueuses collaborations avec des artistes pop-indé comme Sophie Hunger ou Anna Aaron ou hip-hop comme Sly Johnson (ex-Saian Supa Crew) et d'autres encore. Il a aussi le mérite assez rare d'être reconnu à la fois par le monde du jazz et le grand public. C'est certainement car l'homme aime la musique sous toute ses formes ce qu'il montre très bien sur scène. Il interprète quelques titres personnels comme El tiempo de la Revolucion. Puis après quelques titres, Anna Aaron vient le rejoindre sur scène pour interpréter quelques morceaux de leur collaboration. On sent bien le plaisir des artistes de se produire et le grand gagnant en est le public. Sans en faire trop, l'une et l'autre jouent un jeu d'équilibre mettant leur talents respectifs au service de la musique.

Après son tour de chant, c'est à Sly Johnson de la remplacer. Et la façon change, d'abord ce dernier accompagne Erik Truffaz en arrière fond au moyen de beats à la bouche avant de commencer à chanter dans un registre plus hip-hop que la chanteuse. Même si l'atmosphère change, on monte crescendo de l'univers velouté du début à une ambiance beaucoup plus samedi soir et rythmée pour mettre le feu à la salle à la fin. Tout du long, la personnalité musicale généreuse du trompettiste met  en avant ses camarades de jeu. Mention spéciale pour son bassiste qui pourrait être le sosie de Sean Penn !

C'est dans une toute autre ambiance dans laquelle on se plonge à 23h30 sous la tente. En effet, alors que les derniers morceaux d'Erik Truffaz résonnent sur la grande scène, bon nombre de festivaliers viennent se rassembler en masse pour écouter Chelsea Wolfe. J'ai déjà beaucoup parlé de sa musique dans les pages de Lords et malgré cela, je n'ai toujours pas trouvé le meilleur qualificatif pour parler de sa musique alors on restera sur l'impression des ses derniers albums, Pain is beauty et The Abyss, dark-folk-drone-metal-habité.

Le set s'ouvre sur les accords lourds et fuzzy de 'Carrion Flowers'. Accompagnée d'un guitariste, d'un bassiste et d'une batteuse, la Californienne se focalise uniquement sur le chant dans cette chanson. Elle prendra sa guitare sur 'Dragged Out' ainsi que pour la suite du set. J'ai auparavant chroniqué deux autres concerts de cette artiste et chaque fois j'avais mis un bémol sur le fait que l'on entendait pas assez sa voix tant l'équilibre avec les instruments était bancal. Même si j'adore l'Amalgame ou Fri-son qui sont les salles où je me rends souvent, grâce doit être rendue aux techniciens et ingés son de ce festival ! C'était juste parfait !

Comme à son habitude, la chanteuse garde son visage dissimulé sous deux imposantes anglaises comme pour se plonger un maximum dans sa musique – ou peut-être est-ce une réminiscence de l'époque où elle se produisait le visage dissimulé sous des voiles pour vaincre son trac ? – toujours est-il qu'on la sent concentrée. Vient ensuite un 'After the Fall' épique où les guitares assènent des riffs plus présent que la version sur album qui ajoutent énormément à l'ensemble. On aura droit aussi à 'Moses' et 'Demons' dans une réinterprétation quasiment punk qui se prêtent bien au live. Ainsi de suite va continuer la balade dans son univers fantasmatique aux frontières du monde des vivants et des visions cauchemardesques – le sommeil et la peur du réveil étant un thème récurent dans son dernier album The Abyss. Comme un écho à cela, la chanteuse ponctue son chant sur 'Dragged Out' de fredonnements pouvant correspondre à ce qu'on imaginerait être un chant de sirène à l'effet hypnotique. Il y a eu aussi dans le désordre 'House of Metal', 'Tracks', 'Feral Love' ainsi qu''Iron Moon'. Elle termine ce set sur 'Survive'.

Comme dit plus haut, cela fait plusieurs fois que j'ai eu l'occasion de la voir se produire sur scène et c'est de loin le meilleur concert que j'ai vu d'elle : pour une fois, le mariage entre les guitares saturées et la voix n'ont pas poussé au divorce et l'univers sonore mettait bien en valeur le grain de sa voix – qu'on aime !

Il est 00h30 lorsque les 4 japonnais de Mono grimpent sur la grande scène. J'ai aimé Mono il y a près de dix ans et puis j'ai cessé de m'y intéresser parce que cela devenait toujours la même chose. Donc, 10 ans après, j'étais quand même curieux de voir ce qu'ils proposaient. Après un premier titre assez classique, ils sont partis dans un trip noisy à la Boris – pas aussi extrême certes – mais plutôt rafraîchissant et qui m'a plutôt surpris en bien. Le troisième morceau est un ancien morceau aux xylophone qui est assez cool. Puis j'ai vite déchanté. Dès le quatrième titre, le groupe est retombé dans ses travers. Bien que j'aime le jeu du batteur qui sait faire monter la tension musicale et marteler quand c'est nécessaire ; je pense néanmoins que les guitaristes sont plutôt flemmards et suivent systématiquement le même schéma. Invariablement les titres commencent par une longue introduction, généralement sur un seul pattern, pendant deux-trois minutes alors qu'une guitare est en mode tremolo sur une ou deux notes pour faire monter la tension avant que la batterie lance la phase bruyante où on a un deuxième pattern. Ca ne serait pas un problème si cela était sur quelques morceaux mais le problème est tel qu'il est quasiment impossible de dire quels morceaux ils jouent tant ils finissent par tous se ressembler. Bref, Mono c'est Mono-tone, Mono-corde, Mono-chiant – même si, je le répète, j'aime bien ce que fait le batteur ! C'est un groupe qui, s'il a été bien à un époque n'a pas fait évoluer sa musique et se trouve aujourd'hui avec ce que je pense être une réputation surfaite ; des groupes qui ont fait la même chose, il y'en a eu cent et la plupart ont soit évolué ou soit sont morts aujourd'hui. Je dis : il faut casser le mythe !

Le MC annonce la fin du festival et y va de son petit laïus et les gens commencent à partir alors qu'il reste encore Forks sur la petite scène qui arrive à réunir vers 2 heures du matin quelques curieux avec son rock teinté de new-wave, shoegaze et de kraut-rock. Le groupe a sorti ce printemps son deuxième album 'II' bien loin du genre son premier album faisant lui la part belle à un rock brutal. Leur nouveau style psychédélique est plutôt bien ficelé et devrait leur permettre de grimper dans la scène musicale suisse du genre ; cela reste bien évidemment à confirmer mais c'est une affaire à suivre !

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