Les Inouïs du Printemps de Bourges

Cette semaine, les trois Inouïs (les franciliens Radio Elvis et Milan, ainsi que les réunionnais de Tricodpo) avaient en commun non pas leur genre de musique, mais leur goût pour leur langue et leurs racines, quelles qu’elles soient !

Radio Elvis

LOR : Tiens tiens, des Inouïs qui chantent en français !

Pierre : A mon avis, c’est absurde de ne pas chanter dans sa langue natale. Bien sûr que parfois l’anglais sonne mieux, mais on a choisi d’assumer nos propos, de ne pas se cacher derrière des paroles en anglais. J’ai baigné dans les chansons à textes, la musique « rive gauche », j’ai fait du slam…

LOR : Serait-ce l’apparition d’une nouvelle scène française ?

Pierre : Tout le monde nous pose la question ! (rires) On nous rapproche souvent de Grand Blanc, Fauve, ou encore Feu! Chatterton, mais comme l’ont dit Grand Blanc, on nous met dans le même panier simplement à cause de la langue. Sinon, nos musiques sont assez variées. Peut être qu’aujourd’hui le français se répand dans le milieu du rock, ou de l’électro, mais les groupes un peu plus traditionnels qui chantent en français n’ont jamais disparu.

LOR : Les morceaux ressemblent plus à des poèmes qu’à des chansons, non ?

Pierre : On s’attarde plus sur le contenu que sur la forme ! Si ca rime tant mieux, sinon tant pis. Et on ne s’impose pas non plus de structure refrain/couplet. D’habitude, je compose les paroles, j’y ajoute la guitare, et puis les deux autres membres posent la basse et la batterie. Et puis parfois, tout arrive ensemble, mais c’est plus rare. En fait il y a tellement de manières de composer, il n’y a pas de régularité.

LOR : Votre EP est déjà sorti, allez un petit album avant le Printemps de Bourges ?

Pierre : Non, pas avant 2016 ! Il nous reste encore quelques titres à enregistrer, et de toute façon nous ne sommes pas encore sûrs des morceaux qui vont y figurer. On va surement finir de tout enregistrer, puis faire le tri. Du coup, ce qu’on propose sur scène ne sera pas forcément sur l’album, et inversement : il y a certains titres que l’on n’a encore jamais joué devant un public.

LOR : Et justement, la tournée, comment va?

Pierre : Sauf exception, on fait des scènes assez courtes, environ moins d’une heure. Par exemple au Printemps de Bourges on aura environ 45 minutes. Mais on y va vraiment avec légèreté, le jury, les autres groupes, cela ne nous stresse pas ! Et puis, on est habitués à un public qui ne nous connaît pas, ça fait deux ans qu’on fait des premières parties ! (rires)

Radio Elvis sera en concert le 29 avril dès 12H30 à la salle le 22.

Avec Milan, on troque les gentilles guitares pour les ténèbres plutôt séduisantes.

LOR : Vous définissez votre genre comme du Dunk. C’est quoi ?

Corentin : C’est une combinaison des mots Dub et Punk dont Seb, le batteur, a eu l’idée. On a l’esprit punk, et des compositions plutôt dub. Nos influences sont principalement anglo-saxonnes, et variées : Lee « Scratch » Perry, Slint, Fugazi…

LOR : Même pas un peu de français ? Allez, quoi !

Corentin : Je te citerais Noir Désir, le morceau « Paris » de Taxi Girl, la chanson française, tout cela m’inspire dans la composition des textes qu’on a en français. J’étudie en lettres, j’écris à côté, alors je travaille vraiment mes textes que j’écris en français. Bien plus que ceux en anglais, qui sont plus spontanés, plus punk justement ! En fait on a vraiment deux types de morceaux. On compose ce qu’on appelle des « Signaux » : seulement un texte en français et une rythmique vraiment importante. C’est assez minimaliste et expérimental. « Signal premier » est disponible sur notre premier EP « Dunkers », et on en joue d’autres sur scène. Pour les autres morceaux, Seb commence par construire l’instrumental, et je viens poser ma voix avec des paroles en anglais. Mes textes dans ce cas-là sont beaucoup plus créés dans l’urgence. Ils reflètent un sentiment de révolte, de frustration dans lequel on peut tous se reconnaître.

LOR : Drôle d’équilibre entre vous !

Corentin : En réalité, à la base je ne suis pas du tout musicien alors que Seb a vraiment une grosse formation musicale ! Il a beaucoup d’influences jazz, il a son projet solo plutôt électro…A côté de lui je suis un simple mélomane, moins connaisseur. J’écoute du post-punk, reggae, hip-hop, blues… On s’est rencontrés pendant nos études de lettres, et on s’est retrouvés dans un certain éclectisme. Et du coup, en général c’est Seb qui initie le morceau, avec une rythmique, ou une mélodie.

LOR : Et sur scène, cela rend comme vous voulez ?

Corentin : On compte continuer à deux notre projet, parce qu’on est plutôt fusionnels, et on fonctionne bien ensemble. Mais c’est vrai que cela réduit les possibilités de création. On invite donc parfois des musiciens en studio, comme Christophe qui joue de la guitare sur 3 morceaux. On enrichit aussi nos concerts un maximum. On a un looper pour nos boucles de guitare, parfois on accueille des musiciens (guitare, saxophone), et surtout on limite les pauses dans nos sets ! Par exemple, à Bourges nous allons sûrement démarrer avec un medley d’environ 15 minutes. On veut faire dense et mettre du relief lorsqu’on a aussi peu de temps ! On mélange aussi les morceaux rapide et nerveux, avec les morceaux plus longs comme « Backstage », qui se rapproche limite de la trans.

LOR : D’ailleurs, « Backstage » n’est pas sur votre EP « Dunkers »?

Corentin : Non, on l’avait sorti en 45 tours il y a quelques années. Mais on vient d’ajouter une deuxième partie au morceau, du coup on va ré-engistrer la version longue ! Ce morceau, c’est vraiment la preuve de nos influences Dub.

Milan sera en concert le 27 avril dès 12h à la salle le 22.

Pour terminer la semaine sous le soleil, on fait 9000 kilomètres et on rencontre Erick, le chanteur de Tricodpo.

LOR : Chanter en créole, c’est important à tes yeux ?

Erick : Oui ! Lorsque je suis arrivé en métropole pour étudier, j’ai ressenti un fort sentiment de nostalgie. Et écrire en créole me paraissait vraiment nécessaire. Bon je n’ai jamais vraiment essayé le français, mais de toute façon le créole plus chantant ! (rires)

LOR : Peux tu nous traduire un peu tes paroles ? Au hasard, « Petal ater » ?

Erick : J’étais en train d’écrire lorsque j’ai entendu un fait divers : une dame hachée par son mari…  Ce morceau parle surtout du mauvais comportement que l’on peut avoir, que ce soit envers les femmes ou plus généralement envers la planète. Il y a les femmes battues, mais aussi la terre battue.

LOR : Vous quittez souvent votre île ?

Erick : On voudrait s’exporter, parce que mine de rien, tu as vite fait le tour. Par exemple, en ce moment nous avons trois projets : notre concert avec le groupe, un conte musical avec la contrebassiste, et un autre concert auquel on ajoutera sûrement de la danse. Et les salles de concert ne peuvent pas se permettre de programmer ces trois projets sur la même année. Le problème, c’est que venir en métropole coûte plus cher, ne serait-ce que le billet d’avion. Nous avons appris il y a peu que nous étions sélectionnés pour les Inouïs, depuis nous cherchons d’autres dates, mais il se fait déjà tard et les programmations sont pas mal bouclées.

LOR : On ne peut pas dire que Tricodpo soit un jeune groupe, mais le projet a beaucoup changé !

Erick : Depuis mes onze ans, je rêve d’avoir un groupe ! A chaque fois que j’ai eu une formation, je l’ai appelée Tricodpo. Que ce soit en métropole, au Viêt-Nam où on chantait dans des bars pour les expatriés, à la Réunion, j’ai toujours gardé ce nom. Mais la vie et les projets éloignent les amis et changent notre réseau. Il n’y a rien de négatif dans tous ces changements. Aujourd’hui, j’ai vraiment créé mon personnage, notre concert tient limite du spectacle. On travaille avec des auteurs, des scénographes. On s’est aussi inspiré de James Brown puisque quelqu’un nous présente au début du concert. On espère qu’on aura le temps de faire tout cela au Printemps de Bourges, mais c’est vrai que 30 minutes c’est plutôt court…

Tricodpo sera en concert le 29 avril dès 12H30 à la salle le 22.

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